Comment Hervé Renard a métamorphosé la Côte d’Ivoire

Par Sébastien DENIS
5 min.
Côte d'Ivoire Hervé Renard @Maxppp

La Côte d'Ivoire a renoué avec le succès en Coupe d'Afrique des Nations après une longue traversée du désert. Une victoire symbolisée par un homme, Hervé Renard. Le technicien français a redonné confiance à une équipe en difficulté depuis trop longtemps, et ce, malgré une pléiade de bons joueurs.

24 juin 2014. La Côte d’Ivoire est éliminée sans gloire du Mondial 2014 au Brésil, au premier tour, dans un groupe pourtant largement à sa portée. Pour tout un pays, le coupable est tout trouvé et s’appelle Sabri Lamouchi. L’ancien international tricolore, critiqué pour ses choix et sa frilosité tactique, est évincé. Pour le remplacer, la fédération ivoirienne de football retient trois noms et choisit finalement Hervé Renard. Le technicien français a échoué de peu dans la course au maintien la saison passée, avec Sochaux, mais il a redressé une équipe sochalienne traumatisée en première partie de saison pour en faire une vraie équipe. Insuffisant malgré tout pour conserver sa place en L1. Mais Hervé Renard, c’est surtout un sacre en Coupe d’Afrique des Nations en 2012 avec la Zambie.

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Mais les débuts sont compliqués et les Éléphants arrachent leur qualification face au Cameroun en novembre dernier après une parodie de fin de match et de passe à dix. « Quand vous êtes coach, vous n’êtes pas un magicien. J’avais dix jours en septembre avec deux matches », justifiait alors le coach français. La qualification en poche, Hervé Renard allait s’atteler à son plus gros chantier, à savoir celui de la défense. Un secteur défaillant, véritable talon d’Achille d’une équipe au potentiel offensif incroyable. En allant chercher les novices Wilfried Kanon et Eric Bailly, illustres inconnus, il a pris de gros risques, tout comme le choix osé de confier les clés de la défense à Kolo Touré, écarté par Lamouchi et rappelé en novembre.

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Et malgré une entame de compétition chaotique ponctuée de deux résultats nuls (1-1 lors de ses deux premiers matches face à la Guinée puis contre le Mali, la bande à Yaya Touré va se réveiller en dominant le Cameroun (1-0). Capitaine vaillant dans la tempête, Hervé Renard va inculquer à ses hommes ses principes, à savoir une rage de vaincre, une soif de victoire et une abnégation de tous les instants, symbolisée par l’énorme Serey Dié, la sentinelle qui a fait tant de mal à Yacine Brahimi en quart de finale contre l’Algérie. Terminée la formation au jeu léché et séduisant qui se faisait surprendre en fin de match, comme au Mondial 2014 face à la Grèce. Place désormais à une équipe au sang-froid, qui attend patiemment son heure et qui est capable de faire preuve d’un réalisme chirurgical et d’une solidité à toute épreuve, comme en finale face au Ghana.

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Un meneur d'homme qui place l'humain au cœur de sa méthode

Et si la Côte d’Ivoire a fait preuve d’incroyables ressources morales pour revenir de nulle part après une entame de tirs au but catastrophique, Hervé Renard y est pour beaucoup. Car le sorcier blanc a pris une part prépondérante dans cette deuxième victoire en Coupe d’Afrique des Nations des Éléphants. Jean Bernard Beytrison, l’agent de Seydou Doumbia, est celui qui a fait venir Hervé Renard à Sochaux. Interrogé par nos soins, il nous explique ce que le Français a changé en Côte d’Ivoire. « C’est un meneur d’hommes extraordinaire. Il est très rigoureux, mais assez souple. En match, il ne laisse rien passer. Mais après les matches, il est très ouvert. Il est très proche des joueurs. Quel que soit le joueur en face de lui, il a le même discours pour tout le monde. Quand tu as une méga star surprotégée par le coach, les autres joueurs se disent que les dés sont pipés d’entrée. Hervé ne fait aucune différence et cela change tout. C’est un entraîneur vrai, ce n’est pas un tricheur. Quand il a un truc à dire, il le dit, et ce peu importe le joueur qu’il a en face de lui. Il est super motivé, il est toujours à 200 %, c’est un grand passionné. Il est crédible parce qu’il y croit et qu’il est irréprochable à tous les niveaux. »

Il suffit de voir comment il a consolé un André Ayew en pleurs à l'issue de la finale, un geste suffisamment rare à ce niveau et qui dénote son état d'esprit sans faille et qui permet de se réconcilier avec les dérives du foot business. D'ailleurs, à l'issue de la rencontre, il refusait de se mettre en valeur, félicitant au contraire ses joueurs. « Je suis très content pour tous les Ivoiriens. Depuis 23 ans ils attendaient ça, et il a fallu dire certaines vérités, mais ils ont tous fait les efforts, ils ont beaucoup travaillé durant la préparation et aujourd’hui ils sont récompensés. Dans la vie on peut perdre quelques fois, mais l’important c’est de toujours rebondir, ne jamais lâcher.»

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Mais si Hervé Renard est un formidable meneur d’hommes, il n’en reste pas moins un fin tacticien, capable de faire évoluer sa tactique au cours d’un match. « Il n’a pas que ce côté meneur d’hommes, il faut voir les changements tactiques qu’il est capable de réaliser pendant les matches. C’est quand même la marque des grands », explique Beytrison. L’une de ses grandes qualités est également sa force de persuasion. L’humain est important pour lui et Hervé sait pertinemment comment faire pour faire passer les messages auprès de ses joueurs. « D’ailleurs, à sa prise de pouvoir, il a tout de suite appelé Seydou pour le faire revenir sur sa décision. Il a été prépondérant dans le choix de Doumbia de revenir en sélection. Sans lui, il ne serait sans doute pas champion d’Afrique aujourd’hui. » Si Seydou Doumbia peut se réjouir d’avoir réintégré la sélection, Yaya Touré peut également avoir le sourire. Après deux échecs en finale, la star de Manchester City tient enfin un trophée majeur avec sa sélection. Une victoire en CAN miraculeuse diront certains, à la vue de l’effectif de cette sélection, bien moins impressionnante sur le papier que celle notamment qui avait disputé le Mondial allemand en 2006 ou celui en Afrique du Sud en 2010. Mais le sélectionneur et l’état d’esprit n’étaient pas les mêmes. Et en Afrique plus qu’ailleurs, cela change tout.

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