Entretien avec… Peter Luccin : « Si on me propose de revenir à l’OM…»

Par Fabien Borne
12 min.
Dallas @Maxppp

Annoncé comme l'un des plus grands espoirs du football français, Peter Luccin (34 ans) n'a sûrement pas connu la carrière qu'il espérait. Mais après avoir passé neuf saisons en Espagne et porté au total les couleurs de dix clubs différents de 1996 à aujourd'hui, c'est un homme apaisé et passionné de football qui nous a donné de ses nouvelles et livré son sentiment sur l'OM, le PSG, l'Atlético ou encore Zlatan Ibrahimovic. Rencontre.

Foot Mercato : Bonjour Peter, tout d’abord, comment te sens-tu dans ta nouvelle vie aux États-Unis ?

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Peter Luccin : Ça va faire un an dans un mois que je suis arrivé ici. Je me sens super bien. J’ai beaucoup voyagé durant ma carrière, du coup je n’ai pas mis longtemps à m’adapter, même si on est en dehors de l’Europe et que c’est une culture totalement différente. Il y a un Français avec moi, Éric Hassli, et aussi pas mal de Sud-Américains, donc ça m’a permis de continuer à parler espagnol. Mes enfants ont trouvé directement une école, franchement tout se passe super bien.

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FM : Comment s’est présentée cette opportunité de venir jouer en MLS ?

PL : En fait, avec mon agent, qui est également mon ami, José Jesús Mesas, on avait eu une discussion il y a de ça un an pour voir si je voulais rester en Espagne ou partir ailleurs en Europe. Je lui ai fait comprendre que la seule opportunité que je voyais pour continuer à jouer au ballon, c’était soit partir en Australie, soit aller aux États-Unis ou soit alors aller en Chine. Mais ma préférence se portait sur les États-Unis. Et juste après notre conversation, peut-être une semaine après, le FC Dallas s’est mis en contact avec mon agent.

FM : Tu signes à Dallas en décembre dernier, et tu te blesses en février juste avant le début de la MLS. Dallas, un univers impitoyable, non ?

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PL : Oui, ça faisait dix jours que j’étais là-bas et je me fais les croisés de l’autre genou. Je m’étais déjà fait les croisés du genou droit en Espagne, cette fois-ci c’était le genou gauche. Ça n’a pas été évident. Je suis resté à Dallas pour me faire opérer, tout s’est bien passé. J’ai repris les entraînements au bout de cinq mois et des poussières. Mais je n’ai pas rejoué au bout de cinq mois. J’ai au moins eu un mois et une semaine de réhabilitation en plus avant de pouvoir rejouer.

FM : Est-ce que ça t’a traversé l’esprit d’arrêter ta carrière ?

PL : Vu que j’avais déjà vécu ça en Espagne, je savais comment gérer cette situation. Et il était clair pour moi que je n’allais pas arrêter ma carrière sur une blessure. Même si je ne devais jouer que trois, quatre ou cinq matches, je voulais arrêter sur le terrain. C’était clair pour moi dès le départ que ce n’était pas cette blessure qui allait me faire arrêter.

FM : Tu as encore toute ta famille à Marseille, tu es né à Marseille. Ton transfert au PSG, on t'en parle encore quand tu reviens dans la région ?

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PL : Oui et je ne sais pas jusqu’à quand on m’en parlera ! Quand je rentre dans le coin, même mes amis proches me demandent comment j’ai pu signer au PSG, moi le Marseillais de souche. Et à chaque fois je réponds la même chose. Dans ma famille, mes frères sont des Parisiens, ma mère est Parisienne et mon père, lui, est Martiniquais. Donc pour moi, je n’ai pas spécialement d’attaches à Marseille. Bien sûr que j’y suis né, que j’y ai grandi et vécu jusqu’à 14 ans, mais j’ai appris avec ma famille, qui est composée de personnes venant de beaucoup d’horizons différents, à ne pas accorder d’importance à cette idée reçue qui revient à dire qu’en tant que pure souche, on ne peut pas aller à droite ou à gauche. Moi, je ne le vois pas comme ça. Et en plus, je le redis encore, j’ai eu une superbe expérience à Paris. Je n’ai jamais eu de problèmes dans le vestiaire, même si c’est vrai qu’après l’arrivée de Luis Fernandez, ça c’est passé autrement. Mais ça, ça fait partie du football. J’ai passé une année magnifique là-bas. J’en garde un très bon souvenir, même avec les supporters. À part certains « indésirables », je n’ai eu que de superbes rapports avec eux parce qu’ils ont vu qu’à l’OM je mouillais le maillot, et qu’à Paris, je faisais la même chose.

Peter Luccin, lors de la saison 1998/1999 avec l'OM

FM : Est-ce que c’est vrai que tu avais signé un contrat de 12 ans à l’OM ?

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PL : Oui c’est vrai. À l’époque, c’était avec Rolland Courbis, avec qui j’ai de super rapports même si on a moins de contact maintenant. C’est quelqu’un que j’appréciais et que j’apprécie toujours. C’est un peu lui qui a géré mon début de carrière jusqu’à plus ou moins l’époque Paris-Celta Vigo, où après j’ai pris une autre direction. C’est lui qui m’avait fait signer ce contrat de 12 ans, qui était une forme de sécurité. D’un côté, ça permettait à l’OM de rentabiliser son investissement, et d'un autre, ça assurait mon avenir, même si on sait très bien que signer un contrat de 12 ans était plus symbolique qu’autre chose. Mais à l’époque, où j’étais très jeune (19 ans, ndlr), je trouvais ça vachement valorisant.

FM : D’ailleurs, tu es né à Marseille, tu as débuté à Cannes, puis a joué à Bordeaux. En fait, c’est à la Juve que tu aurais dû signer, pas à l’OM ?

PL : (Rires) Oui c’est vrai que ça aurait été pas mal. Mais franchement, je suis fier d’avoir duré autant dans ces grands championnats. Et c’est grâce à cette carrière-là que j’ai pu découvrir la MLS où je suis en train de kiffer aujourd'hui.

FM : À 34 ans, tu te vois encore jouer quelques saisons de plus ?

PL : Ici, je pourrais continuer. Le FC Dallas m’a proposé une prolongation de contrat d'un an. Maintenant, c’est à nous, avec ma femme et mes enfants, de bien discuter pour savoir si on est d’attaque pour une saison supplémentaire. À l'heure actuelle, oui, mais ça dépendra de pas mal de choses, comme de mon état physique et du fait qu’en Europe, on m’a proposé pas mal de choses en dehors du terrain. Ça reste dans le football, mais ce n’est pas avec les crampons. Que ce soit en France ou en Espagne, travailler dans les médias est quelque chose qui m’intéresse. Dans un rôle de consultant ou dans un job encore plus proche du terrain. Ce sont des choses qui me plaisent. Je suis vraiment motivé et je prépare avec beaucoup d’enthousiasme ma reconversion. On va donc se poser toutes les questions qu’il faut, j’ai en plus deux mois et demi pour réfléchir (Dallas n'est pas qualifié pour les playoffs, ndlr), donc on va bien prendre le temps.

FM : Si on t’offrait la possibilité de revenir en France, tu préférerais un challenge à l’OM pour encadrer les jeunes et apporter ton expérience ou tu préférerais jouer avec des stars au PSG ?

PL : (Rires) Oh purée ! Moi franchement, je vais te dire la vérité et ça va être complètement décalé avec ce que les gens pensent à Marseille et Paris. Mais moi dans les deux-cas, je le dis sérieusement, ce challenge là, je le relève, je n’aurais pas peur de me faire incendier si je dois revenir à droite ou à gauche, il n’y aurait pas de soucis, même si je dois aller à Marseille. Pourquoi ? Parce que c’est mon métier et on me paye pour faire quelque chose que j’aime. Donc je n’aurais pas peur d’entendre des insultes. Si vraiment on me propose de revenir à l'OM, bien sûr que je reviens à l'OM.

FM : Tu as encore des contacts à Marseille ?

PL : J’ai pu discuter deux ou trois fois avec José Anigo ces dernières années, mais sinon sans plus. Après, je vais revenir pendant deux mois et demi à Marseille, durant la trêve américaine, alors pourquoi pas aller m’entraîner avec eux ? Même aux entraînements, je pourrais apporter mon expérience. Après, il y a déjà des joueurs de très bonnes qualités à l’OM, qui peuvent déjà occuper ce rôle, mais peut-être qu’il leur manque un peu d’expérience.

En Liga, Luccin a croisé les plus grands

FM : À Marseille, on reproche à Élie Baup, que tu as connu à Bordeaux, de ne pas faire assez jouer les jeunes et de ne pas faire assez tourner son effectif. Tu crois que c’est toujours l’homme de la situation à l’OM ?

PL : Bien sûr. C’est quelqu’un qui a toujours fait confiance aux jeunes. La preuve, c’est que moi à Bordeaux, je jouais, donc je ne pense pas que c’est le problème. Après, il faut savoir qu’à Marseille, on a besoin de résultats, on vit de résultats. En plus, il y a l’équipe ennemie qui n’a que de bons résultats en ce moment donc c’est sûr que ce n’est pas évident. Mais il n’y a rien d’évident à Marseille. Donc oui, je pense à 100% qu’il est l’homme de la situation. Mais en respectant tous les joueurs qu’il y a à l’OM, c’est une équipe qui ne peut pas rivaliser avec Paris. Paris est dans un autre championnat avec Monaco, donc on va dire que c’est déjà pas mal ce que l’OM est en train de faire. Bien sûr qu’il y a des joueurs de qualités à Marseille, mais si on devait comparer l’effectif de l’OM avec celui du PSG, ça n’a rien à voir. Pourquoi ? Parce que c’est plus facile pour Paris, qui a d’énormes moyens, d’acheter de gros joueurs. Aujourd’hui en Ligue 1, il y a une énorme différence de moyens et de porte-monnaie entre les clubs, notamment entre l’OM et le PSG. Je comprends donc tout à fait la déception des supporters et des médias marseillais, mais il faut voir aussi les moyens qu’à l’OM par rapport à ces équipes-là.

FM : Tu as joué avec Laurent Blanc à l'OM. Tu es surpris de le voir sur le banc de touche désormais ?

PL : Non, pas du tout, vraiment pas. Il y a des joueurs comme ça, quand tu les côtoies quotidiennement, tu sais qu’ils ont ce côté un peu dirigeant, entraîneur, même si Laurent Blanc c’était aussi un leader technique sur le terrain. Il ne parlait jamais beaucoup, mais par contre le peu de fois où il parlait, tu pouvais être sûr qu’on était tous en train de l’écouter. On connaît tous le joueur, pour moi ça a été l’un des meilleurs centraux du monde. Donc c’est pour ça que tout le monde l’écoutait et qu’on savait très bien qu’il allait finir entraîneur. Ce qu’il est en train de faire à Paris, c’est beau. Il y avait beaucoup de personnes qui étaient sceptiques au début concernant sa capacité à gérer les égos et tous ces joueurs de qualités, toutes ces stars. Et finalement, on voit qu’il le fait superbement bien. On voit un Ibrahimovic heureux comme jamais, qui joue pour ses coéquipiers, qui n’arrête pas de marquer, il fait des passes décisives, il se bat. Laurent Blanc est vraiment en train de créer une osmose énorme entre tous ses joueurs. Jusqu’à maintenant, il fait un super boulot.

FM : Zlatan Ibrahimovic ne fascine pas Mickäel Madar. Toi, il te fascine ?

PL : Oui, il est énorme, franchement énorme. Chacun à son opinion. Je respecte l’avis de Mickaël Madar, et je comprends qu’il y ait des gens qui laissent de côté les qualités du joueur sur le terrain et qui privilégient la personne. Mais moi ce qui m’intéresse, ce sont les joueurs qui peuvent faire gagner une équipe. J’ai eu des contacts avec des personnes du PSG. Même si c’est vrai que c’est un mec qui crie, c’est avant tout un gagneur qui va tout faire pour faire gagner son équipe. Moi dans mon équipe, je veux des joueurs comme ça. En plus, on voit qu’il est devenu beaucoup moins égoïste. Il fait plus participer les joueurs et il voit aussi qu’il y a des joueurs de qualités autour de lui à qui il peut faire confiance. Mais le joueur, c’est un phénomène. Qu’on me cite trois ou quatre attaquants qui peuvent faire la même chose sur un terrain. Le but encore qu’il met contre Bastia, la spéciale Ibrahimovic, c’est quelque chose que personne d’autre ne peut faire. C’est vrai que parfois, il donne l’impression d’être un peu nonchalant, car peut-être qu’il sait qu’il est bon. C’est même sûr qu’il sait qu’il est bon et il en joue. Mais il faut dire ce qui est, Ibra c’est un phénomène. Tout ce qu’il est en train de faire sur le terrain, il y a très peu de joueurs qui peuvent faire la même chose. Il n’a pas joué au Barça par hasard. Il n’a pas joué à l’Inter Milan par hasard. Il n’est pas venu au PSG, à une époque où le PSG voulait les meilleurs joueurs du monde, par hasard. Le hasard n’existe pas. C’est un grand joueur, point.

FM : Penses-tu qu’il peut gagner le Ballon d’Or cette année ?

PL : D’un point de vue qualité pure, il n’a rien à envier à Messi, Cristiano et Ribéry. Ce sont quatre joueurs avec des qualités complètement différentes, mais sur ces dernières années, on a vu que les personnes qui votaient privilégiaient le côté palmarès, titres. C’est peut-être là où je mettrais un point d’interrogation. Car là on parle d’un Franck Ribéry qui a fait le triplé et qui a gagné la Supercoupe d’Europe. Si vraiment on privilégie les titres et les palmarès, Ibrahimovic va avoir des difficultés. Mais d’un point de vue qualité intrinsèque, il n’a rien à envier à ces trois joueurs.

FM : Tu avais dit par le passé que l’équipe de France A, c’était le plus grand regret de ta carrière. C’est toujours le cas ?

PL : C’est clair. C’était, c’est et ça sera toujours mon grand regret. Et je dis ça sans aucune prétention. C’est juste qu’à une certaine époque, je pensais que j’aurais pu avoir ma chance. Quand je dis avoir ma chance, ça ne veut pas dire que je pensais mériter être dans le groupe pour le Mondial ou l’Euro. Mais à un moment donné où beaucoup de joueurs à mon poste ont été testés, je me disais que la roue allait tourner et que ça allait peut-être m’arriver. Et finalement, ça ne s'est pas réalisé et c’est pour ça que c’est un regret. C’est sûr qu’à l’époque des Vieira, des Makelele, des Petit et des Boghossian, c’était très difficile. Mais à une autre époque, je me suis dit que j’aurais aussi pu avoir ma chance. J’aurais aimé qu’on m’essaye sur un match amical. Et si après on m’avait dit « Peter, tu n’as pas le niveau. » et bien je serais rentré chez moi et je me serais dit que je n’ai pas su saisir ma chance. Il y a eu des choix faits par des entraîneurs à l’époque, mais le regret, c’est moi qui le porte. Je ne tape sur personne.

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