Les agents français face au défi de la réforme de la FIFA

Par Khaled Karouri - Jahed Makhlouf - Dahbia Hattabi
8 min.
Sidney Broutinovski se confie pour FM @Maxppp

De plus en plus nombreux dans le paysage footballistique, les agents de joueurs sont régulièrement pointés du doigt à l'image des récents évènements intervenus à l'OM. Fondateur et Directeur Général de l'Ecole des Agents de Joueurs de Football, Sidney Broutinovski s'attèle avec ses équipes à former et préparer au mieux les agents de demain. Pour Foot Mercato, il nous présente son école mais évoque également la future réforme du statut des agents de la FIFA et les solutions pour lutter contre les dérives d'un métier nécessaire. Entretien.

Foot Mercato : A partir du 1er avril 2015, la FIFA va mettre en place la réforme du statut des agents. En quoi consiste-t-elle ?

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Sidney Broutinovski : C'est une circulaire. La Circulaire 14-17 qui a été validée par la FIFA mais qui ne concerne aucunement la France. Il faut savoir qu'en France le métier d'agent est une profession qui est légiférée donc encadrée par le Code du sport. Effectivement, la FIFA a souhaité déréguler ou ne plus s'occuper de la problématique des agents et a mis en place cette circulaire. La circulaire parle de libérer le statut d'agent de joueurs de football, de passer sur le statut d'intermédiaire et de valider le statut d'intermédiaire. Ce pourquoi aujourd'hui l'ensemble des pays européens se battent c'est-à-dire justement mieux encadrer la profession. Ce constat là fait qu'aujourd'hui certains pays qui n'avaient pas légiféré la profession comme l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie se retrouvent confronter à une problématique. Pour cette année, ils n'ont pas fait passer d'examens. Néanmoins, ils ont fait un recours devant la Cour Européenne pour annuler cette décision. Décision qui ne peut être annulée tant qu'elle n'a pas été validée. L'acte c'est le 1er avril 2015. Avant, on ne peut pas casser cette décision. Donc on est obligé d'attendre le 1er avril 2015 pour voir ce qui va se passer dans les autres pays européens. Je le répète, ça ne concerne pas la France.

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FM : Bien que la France ne soit pas concernée, comment vous positionnez-vous par rapport à cette démarche de la FIFA ?

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SB : Nous, en tant qu'école, on continue à former des agents, des personnes qui souhaitent accéder à cette profession. Encore une fois, ça ne concerne pas la France, ça ne change rien. La seule problématique qu'il va y avoir c'est l'articulation entre les pays européens. Si aujourd'hui il y a une licence en France et que vous n'en avez pas besoin en Belgique, comment cela se passe ? Je pense qu'on y verra plus clair après la date d'entrée en vigueur de cette circulaire.

FM : La France et les autres pays européens ne devraient-ils pas adopté une réglementation commune ?

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SB : Non. Je pense qu'aujourd'hui le métier d'agent, comme vous avez pu le constater depuis de nombreuses années, est un métier relativement jeune qui est né à l'époque de part les impresario qui s'occupaient des stars et qui ont dérivés sur le sport. Néanmoins aujourd'hui si on enlève le métier d'agent, c'est le chao total dans le football. Alors la presse à cette fâcheuse tendance à pointer du doigt les agents quand ça se passe mal et rarement dans le cas inverse. Mais un agent, c'est primordial dans le football ne serait-ce que pour la gestion du sportif. Pour que le sportif ait un repère, qu'il soit accompagné toute sa carrière parce qu'un club va s'occuper de ses propres intérêts. Qui va s'occuper de l'intérêt d'un sportif ? L'agent. C'est une profession qui est obligatoire, qui doit être réglementée. Il doit y avoir une formation comme nous on le propose à l'EAJF.

Une école des agents nécessaire

FM : Vous êtes en effet Fondateur et Directeur Général de l'Ecole des Agents de Joueurs de Football. Quelles types de formations proposez-vous ?

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SB : La formation s'articule sur dix mois. Il faut savoir que l'examen est scindé en deux parties. Une première partie qu'on appelle droit général. C'est en tronc commun avec les autres disciplines. Ensuite, une qui est relative à la spécificité football. Il y a dix mois de formation. Vous avez du présentiel, du e-learning. On vous envoie des manuels de formation. Pendant ces périodes de présentiel, il est important de souligner que tous les professeurs, que ce soit sur nos centres de formation à Paris, Lyon, Lille, Marseille, sont des personnes qui officient dans le monde du football. Ce sont des professionnels que ce soit des avocats, des juristes, des agents de joueurs. L'examen est d'une grande complexité juridique. Aujourd'hui se présenter à l'examen les mains dans les poches, c'est voué à l'échec. C'est pour ça que le taux de réussite national est très faible. Tout au long de la formation, vous allez avoir du droit des contrats, droit des sociétés, droit des associations, des assurances, et j'en passe. Ensuite, vous allez justement apprendre la réglementation FFF, FIFA et LFP. Ce sont vraiment dix mois de formation. Dix mois pendant lesquels les étudiants sont dans leur bulle et ne mangent que du football. Néanmoins, on les aère avec des périodes de "transition" entre la théorie et la pratique. On fait venir des conférenciers à raison d'une ou deux fois par semaine sur l'ensemble de nos centres de formation où vous allez pouvoir avoir des personnes issues du monde du football que ce soit des entraîneurs de Ligue 1, des présidents de clubs, des entraîneurs, des anciens joueurs pros qui viennent justement transmettre le côté pratique à nos étudiants qui pendant dix mois sont plongés dans la théorie exclusivement. Il va y avoir un ancien joueur pro à l'image de Louis Saha qui vient vous expliquer. "Moi j'ai été ancien joueur pro, mais quand j'étais joueur j'ai eu à faire à tel agent, je suis resté avec lui parce que ça s'est super bien passé et il m'a accompagné tout au long de ma carrière. Néanmoins, quand j'ai commencé il y a eu des agents avec qui j'ai travaillé et avec lesquels je ne travaillais plus parce que leurs process n'étaient pas les bons. Aujourd'hui je pense que la famille du football a vocation à jouer sur la transparence entre les clubs, les joueurs et les agents. A l'image de Louis Saha qui a monté une plateforme qui a pour vocation de facilité l'échange entre les joueurs et les agents tout en ayant la possibilité d'échanger avec d'autres personnes.

FM : A combien s'élève le taux de réussite à l'EAJF ?

SB : On a un taux de réussite de 70% pour l'année dernière. On n'a pas encore le taux exact pour cette année. 70%, c'est un très bon taux. On avait deux classe parisiennes. Cette année, on a quatre centres avec cinq classes comme on a deux classes sur Paris. Donc forcément on aura un taux de réussite plus faible. Mais c'est le jeu.

Une profession à plus encadrer

FM : Avec les évènements qui ont secoué Marseille ces derniers temps, le métier d'agent a été un peu plus sali. Quel regard portez-vous sur cette affaire?

SB : Je ne peux pas parler d'une affaire qui est encore en cours. Je sais juste qu'il y a eu des interpellations, des gardes à vues et que tout le monde est ressorti. Donc c'est que quelque part il y a quelque chose qui n'est pas forcément clair, pas forcément du côté de l'OM, mais peut-être de la part des juges d'instruction. Encore une fois je ne peux pas me prononcer sur un dossier qui est actuellement en cours. Néanmoins, la faute ne vient pas des agents. La faute vient des clubs. Ce n'est pas l'agent qui est mis en cause. C'est effectivement le club.

FM : On a tout de même parler d'intermédiaires, de rétro-commissions. Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre cela ?

SB : Pour le coup, c'est vraiment à la Fédération Française de Football, j'insiste sur ce point là, de faire son travail et jusqu'au bout. Parce que à l'heure actuelle, ils font passer le diplôme mais il n'y a aucun suivi avec les agents de joueurs. Donc quand vous délivrez cette licence professionnelle qui a pour vocation dans l'absolu de gérer la carrière de sportif de haut niveau avec les sommes que ça génère, vous devez avoir un suivi et un regard très poussés sur les personnes qui officient en tant qu'agent. Aujourd'hui, nous on milite justement pour qu'il y ait un suivi très poussé de la part de la Fédération. Connaissant la Fédération, je pense qu'ils ont un peu peur et qu'ils diabolisent trop souvent la profession d'agent et qu'ils n'ont pas envie de se mouiller. Néanmoins, le Ministères des Sport lui a envie d'encadrer encore plus cette profession. On réfléchit justement sur le fait de mettre en place tous les trois ans une vérification des acquis de l'agent, etc.. Les dérives des agents ne sont pas dues aux agents. C'est qu'ils sont lâchés dans la nature tout simplement. Aujourd'hui, un agent a un problème lors du paiement d'une commission il va en référer à la Fédération qui va l'envoyer vers la FIFA. Généralement, ça prend deux trois ans. Il n'a aucun appui de la Fédération. Donc c'est ça qui est malheureux. Aujourd'hui, quand vous avez le permis et que vous prenez la route en sens interdit il y a la police. Quand vous êtes agents et que vous faites quelque chose qui parfois n'est pas volontaire mais qui est borderline, il n'y a personne qui vient vous réprimander. Un agent a l'obligation de déposer ses mandats par exemple. Vous prenez la liste des mandats déposés à la Fédération par les agents français, vous aurez des agents qui ont plus de vingt ou trente joueurs et qui se retrouvent avec quatre mandats déposés. Ce n'est pas normal. Ce n'est pas forcément de la faute des agents. Il n'y a personnes qui leur rappelle qu'il faut déposer les mandats. A partir de ce moment là, c'est uniquement la faute de la Fédération.

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