Temps Aditionn’Elles : Quelle est la place des femmes dans le football en France ?

Par La Rédaction FM
9 min.
L'équipe de France féminine prend la pose @Maxppp

Football et femme, un mariage qui a mis du temps à prendre dans l’Hexagone. Si l’union n’est pas encore parfaite, les mentalités commencent véritablement à évoluer ces dernières années. Au travers de divers témoignages, Foot Mercato s’est intéressé à la place des femmes dans ce milieu plutôt masculin.

2014, une année charnière pour les femmes dans le football. Des débuts de Corinne Diacre sur le banc du Clermont Foot à ceux de Stéphanie Frappart, première femme à diriger une rencontre de Ligue 2, le ballon rond fait la part belle aux dames cette année. D’ailleurs, la semaine dernière, la Fédération Française de Football a présenté son dossier de candidature pour l’organisation de la Coupe du Monde Féminine en 2019. Un nouveau tournant pour le football qui tend à s’accorder à tous les genres. Un secteur féminin en pleine expansion donc. C’est que nous a expliqué Frédérique Jossinet, responsable du plan fédéral de la féminisation pour la FFF : «Les chiffres prouvent une progression remarquable. On avait 73 000 licenciés au 1er août. On est sur les bases de +15% au mois d’octobre. On est en nette progression. On a des objectifs de minimum 100 000 licenciées en 2016. On forme des éducatrices, on va former des femmes pour qu’elles rentrent dans les instances dirigeantes. On a un plan sur l’arbitrage. (...) Il ne faut pas avoir peur de le dire, on est en pleine évolution et on ne va pas s’arrêter là. Ce qui nous manque, c’est un super évènement. Ce serait la cerise sur le gâteau, cette Coupe du Monde qui nous manque aujourd’hui».

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Si ces avancées sont significatives, il reste encore du chemin à parcourir. Un point sur lequel s’est exprimé le président de la FIFA Sepp Blatter il y a quelques semaines dans les colonnes du Guardian. « Le football est très macho. C’est tellement difficile d’accepter les femmes dans le jeu. Pas sur le terrain, mais dans les instances gouvernantes. (…) C’est facile en basket, en volley, en athlétisme. Il n’y a pas de problème. Mais dans le football, je ne sais pas… » En cette année de Coupe du Monde féminine 2015 au Canada mais également à la vue des dernières avancées en France, on peut se demander quelle est la place des femmes dans le football. Un éternel débat qui mérite bien plus que les quelques lignes que nous lui accordons. Mais la question mérite malgré tout d’être posée. Pour tenter d’y répondre ou au moins d’apporter quelques éléments de réponse, Foot Mercato a donné la parole aux principales intéressées. Ces femmes qui font le football. Joueuse, arbitre, agent ou responsable de la communication, quatre d’entre elles ont accepté de nous livrer leur ressenti sur ce milieu et la place qu’elles y occupent.

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Les femmes gagnent du terrain

Avec Corinne Diacre, Stéphanie Frappart symbolise à la perfection l’avancée des femmes dans le milieu du foot en 2014. Première arbitre à officier en Ligue 2, cette jeune femme de 30 ans est consciente que les mentalités commencent à évoluer petit à petit : « On a une place importante. On voit l’évolution du foot féminin. La féminisation de la Fédération que ce soit pour les joueuses, les arbitres ou les dirigeants amène à ce qu’il y ait une volonté politique de renforcer la place de la femme dans le foot. Les portes sont ouvertes au niveau du football. J’espère que ça peut susciter d’autres vocations pour l’ensemble du monde du foot ». Une évolution positive à laquelle ont aussi participé les joueuses de l’Équipe de France féminine mais également celles de l’Olympique Lyonnais, vainqueurs de la Ligue des Champions en 2011 et 2012. L’écurie présidée par Jean-Michel Aulas est la première à avoir développé professionnellement sa section féminine en France.

Milieu de terrain de l’OL Féminin, Amel Majri constate et apprécie les changements : « On voit que ça évolue d’année en année. C’est de plus en plus reconnu et médiatisé par rapport au début. Les résultats obtenus dans les grandes compétitions nous ont permis d’être valorisées. De fil en aiguille, ça a permis aux féminines et au football féminin d’avoir une place. Après, il ne faut pas forcément comparer aux hommes. On fait avec ce qu’on peut. On sait que ce ne sera jamais pareil. Mais c’est sûr que si on compare par rapport à il y a cinq ans, le football féminin a pas mal évolué. Les mentalités changent. Les gens acceptent aussi que les femmes aient des qualités ». Responsable des programmes et de la communication d’OLTV, Alexa Thille a elle suivi de près le développement de l’OL Féminin. Une spectatrice privilégiée qui nous livre son regard sur la place des femmes dans le football : « Quand j’ai commencé à travailler sur le foot à l’OL en 2000, à cette époque il n’y avait pas grand monde que ce soit les joueuses ou les présentatrices. C’était les débuts d’Estelle Denis sur TPS par exemple. Il n’y avait pas beaucoup de nanas qui traînaient autour des stades. Maintenant, non seulement il y a des nanas qui traînent autour mais il y a des femmes qui jouent au foot et c’est très bien ».

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Malgré une certaine évolution, tout n’est pas encore tout rose. C’est l’avis de Jennifer Mendelewitsch, agent licenciée de la FFF depuis 2003 : « A la base, il n’y a pas de place pour nous. C’est à nous de nous faire notre propre place. Malheureusement, c’est un petit peu plus difficile que pour les hommes. On part d’un postulat de compétence qu’on n’a pas pour les femmes. Une femme doit prouver deux fois plus qu’elle a les connaissances, qu’elle a le bagage. Un homme ne se pose pas trop la question. On pense que par définition il connaît le foot. Moi, j’ai eu cet avantage de pouvoir profiter un petit peu du réseau et de la réputation qu’avait mon père. Donc je n’ai pas eu à démarrer de zéro comme une femme qui veut se lancer aujourd’hui dans le métier d’agent sans avoir aucune connexion (...) Corinne Diacre, c’est quelqu’un qui a son CV qui parle pour elle. Malgré cela, ça a été un sujet plus que discuté alors qu’elle est plus que légitime. Certains coaches qui entraînent en L2 ou en L1 n’ont pas son passé. C’est un petit peu dommage. J’ai l’impression que c’est en train de changer. C’est en train de s’ouvrir par la force des choses. Mais quand on juge au jour le jour dans le milieu du foot professionnel, il faut savoir que ça reste compliqué ».

Que faut-il améliorer ?

Si ces femmes ont un avis sur la place qui leur est faite dans ce milieu, elles ont aussi une petite idée sur les choses à améliorer. Alors que le football féminin se professionnalise, tous les clubs et les joueuses ne disposent pas des mêmes moyens comme nous l’explique Amel Majri : « A l’OL, on a un président qui met les moyens. C’est le premier club qui a recruté à l’étranger. Il nous a permis d’avoir des contrats fédéraux. C’est sûr que pour d’autres équipes de milieu de tableau, certaines joueuses doivent avoir un emploi à côté ». La reconnaissance et le succès du football féminin passe aussi par des exploits : « Pour attirer les médias et que les stades soient remplis, il faut continuer à jouer de grandes compétitions comme la Ligue des Champions, indique Amel Majri. C’est sûr que ça va attirer du monde. Cette année il y a la Coupe du Monde. Les joueuses doivent se mobiliser ».

Un avis que partage totalement Alexa Thille : « Je pense que ça viendra tout doucement avec des exploits des filles sur le terrain forcément cela va avoir un retentissement positif. On va avoir de plus en plus de choses. Des magazines comme nous on peut en proposer sur OLTV depuis un petit moment. Le magazine "Femmes 2 Foot" sur Eurosport. Ce sont des choses qui ne peuvent qu’améliorer la place des femmes dans le foot et leur donner la place qu’elles méritent ». Une place qu’elles doivent encore justifier pour certaines notamment au niveau du journalisme et des médias comme l’explique Jennifer Mendelewitsch : « Malheureusement, il y a aussi le problème médiatique. C’est quand même assez rare le nombre d’émissions de foot où les filles ne sont pas là pour être des potiches mais pour être réellement consultantes. Il n’y en a pas beaucoup. Mais j’espère que ça va bouger à force de temps et de femmes qui vont réussir dans le foot. Les femmes sont autant capables de parler de foot que les hommes ».

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Ce n’est pas Alexa Thille qui nous dira le contraire : « On l’a vu quand on a installé une fille cet été à la présentation de la quotidienne d’OLTV (Colline Benaboura, Ndlr). Ce n’était pas évident. Les premières réflexions c’étaient "Elle est là parce qu’elle est jolie !". Elle est là parce qu’elle connaît le foot. Donc à ce niveau-là il faut encore que les mentalités bougent. ». Pour toutes et notamment pour Stéphanie Frappart, arbitre, la progression du statut des femmes dans le football français passera par le travail : « Il faut aider les femmes pour tout ce qui concerne la formation, tout ce qui est implication dans un club. Là on voit que ça s’ouvre. C’est compliqué parce qu’on est jugé. On doit faire plus quand on est une femme que quand on est un homme. Pour moi, être une femme est un plus. Est-ce que la femme est l’avenir de l’arbitrage français ? Pour moi, l’avenir il faut que ce soit des femmes qui soient compétentes et qui soient reconnues pour leurs compétences ».

Un problème de société

Mais finalement toutes s’accordent à dire que le fond du problème concerne les mœurs qui doivent évoluer bien au-delà du football. « Je pense que c’est la société qui doit progresser, explique Alexa Thille. Ce n’est pas que dans le football. La parité, c’est assez compliqué à mettre en place. C’est aussi le cas dans le football ». Même constat pour Jennifer Mendelewistch : « Je pense qu’il n’y a rien à améliorer. Il faut que ce soit eux qui s’améliorent. Il faut qu’il y en ait un plus grand nombre qui ose se lancer. Malgré tout, il ne faut pas se voiler la face. Je ne peux parler que pour le métier d’agent. Il y a beaucoup de femmes qui ont passé la licence d’agent pour des hommes qui n’ont pas réussi à l’avoir. Le job au quotidien, ce n’est pas elles qui le font. Il va falloir que les femmes aient une position plus légitime seulement grâce à leur travail. Il n’y a que comme ça qu’elles peuvent y arriver ».

Sans aucune forme de féminisme, force est de constater que si pour les hommes la question ne se pose pas, la place des femmes dans le milieu du football interroge toujours. Chacun au final à son avis sur le sujet. Peu à peu les femmes gagnent du terrain à force de travail mais aussi d’exploits pour les joueuses. En témoignent ceux des joueuses de l’OL qui ont remporté récemment la Ligue des Champions ou ceux de l’Équipe de France 4e de la Coupe du Monde en 2011. Une performance qui avait toutefois suscité un engouement moindre. Quoi qu'il en soit si le football au féminin évolue positivement, il reste encore du chemin à parcourir pour que leur statut s’améliore et progresse. En 2014, les femmes font parti intégrante du paysage footballistique. Finalement, la femme est-elle l'avenir de l'homme dans le football ?

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