C'est dans un stade de rugby et sans les supporters des deux équipes que se déroulera le 8e de finale de Coupe de France entre le Red Star et l'ASSE. Retour sur les événements qui ont fait passer un match de rêve en véritable agonie d'une certaine idée du football populaire prônée par les deux clubs.
Une rencontre entre le Red Star et l'AS Saint-Étienne, deux des plus grands clubs du football français, tant par la renommée que le palmarès et l'histoire, est une rencontre que seule la Coupe de France peut offrir. Le cours de l'histoire ayant plongé le club de la banlieue parisienne en National quand celui du Forez joue les premiers rôles en Ligue 1, il est rare de retrouver de telles équipes face à face. C'est pourtant la belle affiche des 8es de finale qui aurait dû être offerte aux spectateurs de Bauer ce mardi (21h).
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Du haut de ses 19 saisons parmi l'élite et ses 5 Coupes de France, le Red Star a su conserver un noyau dur de supporters locaux attachés à leurs couleurs et à leur stade, la forte identité du club lui permettant de ne pas se noyer dans la masse des clubs franciliens formés par le Paris FC ou l'US Créteil-Lusitanos pour ne citer qu'eux. De son côté, l'AS Saint-Étienne peut se targuer d'un palmarès sans égal sur la scène nationale, d'un public au fort potentiel migratoire, et de sections présentes aux quatre coins de l'Hexagone permettant au vert de s'afficher massivement dans tous les stades de France.
Populaire mais pas trop
Sur le papier, le football français pouvait donc ressortir grandi d'une telle affiche, fier de promouvoir lors de l'une de ses compétitions mythiques deux monuments qui ont façonné l'histoire du ballon rond dans notre pays. Sauf que le ciel s'est rapidement assombri après le tirage au sort, et que la fête n'aura pas lieu, résultat d'un incroyable gâchis. Premier coup de froid, ce n'est pas le mythique et cabossé Bauer de Saint-Ouen mais l'aseptisé et surtout dédié au rugby Jean-Bouin qui accueillera la rencontre.
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Il aura fallu pour cela homologuer l'enceinte flambant neuve du XVIe arrondissement, au grand dam des joueurs audoniens parmi lesquels le capitaine Samuel Allegro : «L'idéal aurait été de jouer dans un stade Bauer porté à 10 000 places», expliquait-il au Parisien cette semaine, sans qu'aucune homologation express ne le permette cette fois-ci. Le Collectif Red Star Bauer, qui milite pour une réhabilitation de l'enceinte mythique, a aussitôt affirmé qu'il boycotterait la rencontre, dans une lettre adressée aux joueurs.
«Vous avez surement dû l’entendre, c’est avec regret que nous tenions à vous prévenir que nous ne nous rendrons pas au stade Jean Bouin pour vous encourager. [...] Ne pas assister à un match de notre équipe n’est pas une décision prise de gaité de cœur. Néanmoins nous considérons que l’âme du Red Star c’est son stade Bauer, et que les deux sont liés, nous ne pouvons donc accepter que certains et certaines tentent de dénaturer l’esprit et les valeurs de ce club», précise le Collectif dans le courrier.
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Verts de rage
En plus de se priver des inconditionnels de l'étoile rouge, ceux-là même qui ont suivi leur équipe «de la DH au National, de Raon l’Etape à Concarneau, de Bayonne à Boulogne, en passant par tous les bleds les plus improbables de France» au prix de «sacrifices pour suivre l’équipe et l’encourager tout au long de l’année» selon leurs propres mots, la rencontre se passera également des supporters stéphanois. Le rendez-vous manqué prend alors des allures de débandade. Eux n'ont pas eu le choix, puisque le voyage leur a tout simplement été interdit par la justice.
Une situation ubuesque qui révolte l'Association lutte pour un football populaire ainsi que les Magic Fans 1991 qui ont fait front commun dans un communiqué : «Une fois de plus, une fois de plus les supporters Stéphanois sont interdits de se rendre dans la capitale pour assister au match de coupe de France opposant le Red Star à l'équipe Forézienne, le 10 février au stade Jean Bouin. Une interdiction qui résulte de plusieurs actes provenant des instances du football d'une part et du ministère de l'intérieur d'autre part», est-il écrit.
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La fête n'aura pas lieu
Avant de poursuivre : «Et c'est avec stupeur que nous avons pris connaissance de l'acte administratif, qui annonce que « le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter de l'AS Saint-Étienne ou se comportant comme tel est interdit ». [...] Sur la forme, la stratégie du ministère est bien huilé. En effet, cet arrêté est publié au journal officiel de la République le lundi 9 février au matin, rendant ainsi les délais de recours et de contestation juridique presque impossible», dénonce vivement le communiqué.
Sans une grand partie des supporters historiques du Red Star d'une part, sans aucun stéphanois, sous peine de poursuites pouvant conduire à des amendes de 30 000€, six mois de prison et cinq ans d'interdiction de stade d'autre part, Jean Bouin risque d'être bien triste ce mardi soir quand la fête populaire aurait pu être totale. Sans bonne volonté des pouvoirs publics et des instances du football français, il apparaît désormais impossible qu'une rencontre de football suive le cours qui devrait être le sien : dans des lieux chargés d'histoire, entourés de ceux qui font vibrer les travées chaque week-end pour insuffler un supplément d'âme à un sport qui semble parfois perdre la tête.
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