Les liens troubles du FC Barcelone avec le Brésil et la recherche du nouveau Neymar

Par Max Franco Sanchez
9 min.
Barcelone @Maxppp

Depuis quelques mois, le FC Barcelone et le Real Madrid ont réactivé la filière brésilienne. Si la motivation principale reste tout de même de se renforcer, il y a aussi d'autres intérêts derrière. Il ne s'agit pas de diaboliser ou de forcément dénoncer des pratiques un peu louches, mais surtout de faire comprendre que toute opération n'a pas forcément un but purement sportif.

Le Brésil a toujours été l’un des principaux exportateurs de talents vers les championnats européens. S'ils ont toujours eu l'étiquette d'être issus du pays du beau jeu et du dribble, les Brésiliens ont également su produire des latéraux particulièrement efficaces défensivement et offensivement, ainsi que des défenseurs et des milieux de terrains travailleurs. Le tout, en plus de tous ces joueurs offensifs diablement talentueux. Et en Espagne, on a souvent profité des meilleurs talents de la Canarinha, à l’image de Rivaldo, Bebeto, Djalminha, Ronaldinho, Ronaldo Nazario, Roberto Carlos, Romario ou même Neymar. Une ligne aérienne directe entre le Brésil et le pays de Cervantes qui s'est encore plus accentuée ces derniers mois après quelques années où les tauliers du championnat ibérique ont délaissé les Brésiliens, et qui va visiblement continuer. Après s'être offerts Rodrygo, Militão (qui évoluait déjà en Europe) et Vinicius Junior, les Merengues ont mis le grappin sur Reinier. Leur ennemi catalan, également présent jusqu'au bout dans la lutte pour le joueur de Flamengo, est lui est allé chercher Emerson il y a un an, et s'attaque maintenant à Matheus Fernandes, milieu de terrain de 21 ans de Palmeiras, et Marcos Paulo de Fluminense. Même l’Atlético semble se mêler à ce regain d'intérêt pour le pays latino-américain, puisqu’après avoir recruté Renan Lodi cet été, ils seraient aussi sur Bruno Guimarães de l’Athletico Paranaense.

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Au total, vingt-neuf joueurs originaires du pays sudaméricain ont porté le maillot blanc, et Reinier deviendra vraisemblablement le trentième. Trente-cinq Brésiliens ont joué pour le FC Barcelone si on part du principe qu’Emerson défendra, tôt ou tard, la tunique bleue et grenat. Cependant, l’histoire des Merengues et des Blaugranas avec le Brésil n’est pas la même, et on verra par la suite que les motivations actuelles des deux directions sont également bien différentes. Si on a tous en mémoire Ronaldo Nazario, ou même Marcelo et Roberto Carlos, les Brésiliens ont pourtant généralement eu plus de mal à s’adapter à la vie dans le centre de la péninsule ibérique que sur la côte méditerranéenne. Autre différence importante : le club de la capitale est surtout allé chercher des joueurs au profil défensif chez les Brésiliens, alors que les Catalans ont eux plutôt utilisé enrôlé des joueurs offensifs lorsqu’ils ont enrôlé des recrues du pays de l’ordre et du progrès.

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La peur de passer à côté du nouveau Neymar, et un business lucratif...

Du côté de Madrid, Florentino Pérez et ses hommes se sont fixés une nouvelle mission. Dans un marché où on semble désormais plus miser sur le potentiel d’un joueur que sur son CV – il suffit de voir les prix déboursés pour des jeunes joueurs avec une expérience encore relative – le Real Madrid ne veut laisser filer aucune pépite. Et bon nombre d'entre elles se trouvent au Brésil, pays habitué à sortir des joueurs talentueux à la pelle, même s'ils n'explosent pas tous par la suite. Dans les bureaux du Bernabéu, on sait très bien que si un joueur termine à Paris, à Barcelone ou à Manchester City, il sera pratiquement impossible d’aller le déloger. On est sur un marché où les clubs, et plus particulièrement le Real Madrid, ont adopté une stratégie d’anticipation. Avec le désormais célèbre Juni Calafat à la baguette, lui qui est à l’origine des arrivées de Vinicius Junior, Fede Valverde ou Rodrygo, le scouting merengue ne passe à côté d’aucun joueur un tant soit peu prometteur. Une sorte de spéculation oui, mais ces jeunes sont aussi rapidement lancés dans le grand bain et intégrés à l’équipe première. Le cas échéant, ils sont prêtés dans des clubs pour engranger de l’expérience avant de revenir. Tout cela répond donc plutôt à une stratégie purement sportive, sans véritable arrière-pensée ou volonté de mettre en place un trading juteux, même si les dirigeants sont aussi conscients que les Brésiliens sont habituellement très bankables. Il y a donc toujours possibilité de revente à prix fort et les maillots des cracks brésiliens partent généralement comme des petits pains.

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Côté Barcelonais, les motivations sont un peu plus floues. Un des objectifs reste de renforcer l’équipe, clairement. L'arrivée d'Arthur Melo en provenance de Gremio à l'été 2018 est un succès, même si le numéro 8 peine à enchaîner cette saison, la faute à des pépins physiques récurrents, sans parler de tous les Brésiliens qui ont offert de belles soirées aux fans catalans dans les années 2000 et 2010. Mais il y a aussi un intérêt financier qui n'est d'ailleurs pas toujours assumé, et qui n'est pas forcément évident au premier abord. Aujourd’hui, si on veut développer son activité loin de territoire déjà conquis, on a tendance à viser l’Asie ou les Pays du Golfe, où les opportunités financières sont énormes. Recruter un joueur originaire de ces zones géographiques assure un boom considérable pour les finances d’un club. En Espagne, on l’a bien compris, et les voisins du FC Barcelone par exemple ont connu un essor de popularité impressionnant en Chine lorsqu’ils ont enrôlé le buteur de la sélection Wu Lei. Le Brésil ayant déjà un championnat local particulièrement suivi et un nombre de grands joueurs très important qui fait que les Brésiliens n’ont pas forcément besoin de s’enflammer sur le premier joueur venu, pourquoi le pays est-il aussi attractif ?

Des liens troubles avec le Brésil côté catalan

Et bien tout simplement parce que Brésil est une terre d’opportunités financières énorme. Très bien implanté au pays, le champion d’Espagne a par exemple signé récemment un accord avec la banque BMG, sponsor du Santos de Neymar à l'époque par ailleurs. « Avec cet accord, le Barça renforce son positionnement sur un marché stratégique comme le Brésil », peut-on lire sur le communiqué du club. Rien de répréhensible a priori, dans la mesure où il s'agit d'un contrat de sponsoring tout à fait courant, et qui s'inscrit dans la volonté des clubs de Liga de générer des nouveau revenus coûte que coûte pour pouvoir rester compétitif. En revanche, certains transferts et opérations posent clairement question, d'autant plus quand on connaît la législation assez souple de l'ancienne colonie portugaise en matière de tierce-propriété qui permet de réaliser des deals financièrement intéressants pour plusieurs parties en même temps. De nombreuses connexions existent entre le club et le pays, via Nike, équipementier historique du Brésil et du club catalan, ou via l'agence de management Traffic. Cette dernière avait par exemple réussi à placer plusieurs joueurs à Barcelone, dont le flop Keirrison, qui avait tout de même coûté 14 millions d'euros en 2009. Même cas de figure pour le défenseur Henrique, pour qui les Barcelonais avaient signé un chèque de 10 millions d'euros un an plus tôt.

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Elle était également dans le coup lors du transfert plus récent de Douglas en 2014, dont elle détenait 40% des droits au moment de son transfert de São Paulo à Barcelone. Trois transferts qui se sont avérés être des échecs considérables, Keirrison et Douglas ayant clairement montré être à des années lumières du niveau du Barça, et sur lesquels Traffic aura réussi à faire des bénéfices monstrueux... Avec le recul, on peut aussi s'intéresser sur quelques opérations réalisées du côté de Palmeiras, équipe que Traffic a remis à flot au début des années 2000, à l'image de Yerry Mina, autre flop, et donc de Fernandes cité plus haut. Les arrivées de joueurs brésiliens au Barça B, à l'image de Gabriel Novaes ou de Robert Gonçalves, qui n'ont clairement pas affiché un rendement satisfaisant et sont repartis après une petite saison, ont aussi leur zone d'ombre. Sandro Rosell, prédécesseur de Josep Maria Bartomeu à la tête du club de la Ciudad Condal et ancien employé de Nike, avait également été à l'origine d'un contrat signé entre l'équipementier américain et la sélection brésilienne dans les années 90 et sur lequel Traffic avait touché un énorme pactole. Un deal sur lequel la justice américaine a ensuite enquêté en profondeur. Le dirigeant catalan est ensuite passé par la case prison suite à une affaire où on retrouve encore deux dénominateurs communs, Traffic et le Brésil. Il s'agissait là de pots de vins et de blanchiment d'argent (20 millions d'euros) dans le cadre d'obtention de droits d'image des matchs de la sélection brésilienne.

La double casquette d’André Cury

Si du côté de Madrid, on a Juni Calafat, véritable spécialiste du marché sudaméricain, au FC Barcelone un homme a pris de l'importance dernièrement : André Cury. Un nom qui est déjà connu du grand public, puisqu'il fait partie de l'entourage sportif de Neymar, étant décisif pour son arrivée à Barcelone en 2013 et aurait même touché des commissions sur son départ à Paris. Pourtant, c'est bien avec le FC Barcelone qu'il travaille, et le club avait d'ailleurs démenti l'information dans un communiqué officiel. Si son rôle n'est pas vraiment défini et qu'il n'apparaît pas officiellement dans l'organigramme du club, c'est le spécialiste du marché brésilien pour l'écurie espagnole. Ancien employé de... Traffic, il travaille avec les Blaugranas depuis 2012, du moins selon les dires de la direction, mais était déjà dans le coin quand les Catalans ont attiré Ronaldinho, presque dix ans plus tôt. Un personnage qui fait débat, puisqu'il fait visiblement à la fois office d'agent, d'intermédiaire et d'employé du Barça, avec les conflits d'intérêt qui vont avec. Un exemple récent est frappant. En 2018, Emerson avait été proposé au FC Barcelone. Le staff technique n'était pas intéressé par son profil. Le latéral droit a ensuite licencié son agent pour enrôler... André Cury. Six mois plus tard, les Bleu et Grenat officialisaient son transfert dans une opération conjointe avec le Betis.

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André Cury est aussi derrière l'arrivée d'Igor Gomes pour l'équipe U19 du FC Barcelone cet été. Un transfert qui est passé inaperçu à l'international, mais qui a fait polémique au Brésil. Et pour cause, les Catalans ont réglé les 300.000€ d'indemnité de formation du joueur à Cohimbra Sporte, alors que le joueur évoluait à Volta Redonda, club modeste de Rio de Janeiro. Un échange de licences aurait été réalisé juste avant son départ pour Barcelone, où personne ne connaissait le joueur, dont le transfert est 100% oeuvre de Cury. Proche du père de Neymar, il était aussi intervenu dans les opérations Mina, Paulinho ou Coutinho. Du côté de Madrid, ce n'est clairement pas le monde des Bisounours, soyons clair. Florentino Pérez n'a par le passé pas hésité à utiliser le club pour faire du business, et Juni Calafat est lui aussi pointé du doigt pour avoir touché des commissions sur certains transferts, mais son rôle est plus transparent dans la mesure où il n'occupe pas ce rôle d'agent et que son activité est exclusivement dédiée à son club, n'engendrant a priori pas de conflits d'intérêt. Entre quête du nouveau Neymar et opportunités financières à la limite de la légalité, on peut donc comprendre pourquoi le Brésil attire autant les ogres espagnols. Et nul doute que si on soulève encore un peu plus le tapis, la poussière continuera de sortir...

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