Les prêts et ventes avec option de rachat, une stratégie gagnante pour le Real Madrid

Par Max Franco Sanchez
11 min.
Real Madrid CF @Maxppp

Le Real Madrid compte dans ses rangs certaines des plus grosses pépites de la planète, dont beaucoup sont actuellement prêtées. Depuis des années déjà, le club de la capitale espagnole mise sur une stratégie intelligente pour optimiser le développement de ses jeunes joueurs loin du Santiago Bernabéu.

Martin Odegaard, Rodrygo Goes, Takefusa Kubo, Achraf Hakimi, Vinicius Junior, Ferland Mendy, Fede Valverde et bien plus encore. Pas de doutes, le Real Madrid et ses supporters peuvent se projeter dans le futur avec un certain optimisme et une certaine confiance, puisque les dirigeants ont, depuis des années déjà, décidé de mener une politique de recrutement visant à attirer les jeunes les plus prometteurs des quatre coins du globe. Une stratégie dont on a déjà parlé à de nombreuses reprises sur Foot Mercato, notamment via la figure de Juni Calafat, le dénicheur de pépites sud-américaines attitré du club. Sans compter les joueurs issus du productif centre de formation merengue, La Fabrica. Mais surtout, il est intéressant de voir comment le Real Madrid gère ensuite chacun de ces jeunes éléments, qu'il s'agisse de recrues fraîchement arrivées ou d'éléments présents depuis un ou deux ans dans l'équipe. Effectivement, il est toujours compliqué pour un jeune joueur avec une expérience limitée de se faire une place dans un effectif d'un tel niveau. C'est là que le club doit prendre une première décision, souvent cruciale pour la carrière d'un espoir, avec quatre voire cinq scénarios qui se présentent.

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Tout d'abord, un passage par le Real Madrid Castilla, l'équipe B du club qui évolue en troisième division, qui peut être utile pour les jeunes arrivant de l'étranger notamment. C'est la stratégie qui avait été choisie pour Vinicius Junior, qui avait passé la première partie de saison avec le Castilla avant de grimper chez les A. La deuxième option est celle d'un prêt dans une équipe de première division pour engranger du temps de jeu, qui peut lui même être consécutif à un passage en B. Fede Valverde avait ainsi évolué avec le filial du club avant d'être prêté au Deportivo de La Corogne. Dans le même registre, un joueur peut être vendu avec option de rachat. Cette possibilité permet au Real Madrid de s'assurer un potentiel retour en cas de réussite, et elle est généralement utilisée pour des joueurs assez prometteurs qui partent pour des clubs d'un certain calibre qui n'acceptent pas forcément de se faire prêter les joueurs. C'est souvent la solution utilisée pour les jeunes les plus talentueux du centre de formation, comme Dani Carvajal (Leverkusen) ou Alvaro Morata (Juventus). La quatrième possibilité, plus rare, n'est autre que d'intégrer directement les jeunes à l'équipe première. Rodrygo est effectivement un des rares qui y est parvenu, tout comme Raphaël Varane il y a des années déjà. Et enfin, après un prêt ou une saison peu fructueuse en équipe première, une vente définitive peut aussi être envisagée.

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Tout a commencé avec Dani Carvajal

Dès lors, on sent une stratégie bien différente de ce qu'on peut voir dans d'autres gros clubs européens. Au FC Barcelone par exemple, les jeunes joueurs ont tendance à rester plus longtemps au Barça B, aussi en troisième division, et les prêts sont moins fréquents. Le club avait parfois inclus des options de rachat mais la plupart du temps, il n'a pas jugé nécessaire de les lever, à l'exception de rares cas comme Gerard Deulofeu ou Denis Suarez. Il faut dire que contrairement à son rival historique, le club catalan est moins dans le scouting de pépites et lorsqu'il investit sur des jeunes, il s'agit d'éléments coûteux et déjà opérationnels, en théorie, pour jouer en équipe première. Ousmane Dembélé, Frenkie de Jong, Arthur ou Clément Lenglet étaient tous des joueurs avec un minimum d'expérience dans l'élite par exemple, alors que le Real Madrid tente généralement de recruter des joueurs plus verts pour parfaire leur formation. Au Paris Saint-Germain par exemple, la stratégie est similaire à celle du FC Barcelone dans le sens où les joueurs recrutés à un âge assez jeune (Kylian Mbappé, Marquinhos) sont des joueurs déjà habitués aux joutes du haut niveau. En revanche, les Parisiens touchent régulièrement de jolis chèques en vendant leurs titis aux quatre coins de l'Europe. Plus de 50 millions d'euros ont été récoltés cet été avec les ventes de Nkunku, Diaby, Weah, Zagré ou Nsoki. Un point commun avec le Real Madrid qu'on développera par la suite.

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Pour revenir à la politique menée par les Madrilènes, on peut dire que tout a commencé avec Dani Carvajal. Le latéral, indiscutable avec les sélections de jeunes de l'Espagne et connu pour avoir posé la première pierre du centre d'entraînement de Valdebebas lorsqu'il était gamin, avait été vendu à Leverkusen à l'été 2012 pour un montant de 5 millions d'euros. Un départ qui avait divisé au sein du Real Madrid, puisque le latéral de 20 ans était considéré comme l'un des éléments les plus prometteurs de l'académie. Mais les places étaient chères à l'époque, avec la présence d'Alvaro Arbeloa notamment. Conscient d'avoir un potentiel diamant qui avait besoin de temps de jeu, le Real Madrid a alors décidé d'intégrer une option de rachat de 6,5 millions d'euros dans le deal. Un an plus tard, après s'être fait remarquer en Allemagne, il était de retour à Concha Espina. Au final, c'est comme si les Merengues avaient payé 1,5 millions d'euros pour un an de formation supplémentaire au plus haut niveau pour leur joueur. Un investissement plus que rentable, puisqu'il est rapidement devenu titulaire indiscutable sur le flanc droit de la défense.

Morata a pris 50 millions en un an !

Depuis, les cas similaires se sont multipliés. Alvaro Morata est lui aussi un dossier intéressant et presque unique dans son genre en Europe. Barré par la concurrence à Madrid mais très coté sur le marché, c'est du côté de la Juventus qu'il s'en est allé faire ses gammes. La Vieille Dame a ainsi déboursé 20 millions d'euros pour l'attaquant ibérique en 2014. Deux ans où il aura montré de belles choses qui lui ont valu un retour à Madrid en 2016, les Merengues ayant levé leur option de rachat de 30 millions d'euros. Là aussi, la différence entre le prix de vente et celui du rachat reste minime, surtout pour un club comme celui-ci. Dix millions d'euros payés pour deux ans en Serie A, et un retour réussi avec une saison 2016/2017 à 15 buts en Liga en faisant office de joker de luxe. Fort de ses deux ans à Turin et cette saison sous la tunique blanche, il file direction Chelsea à l'été 2017... pour 80 millions d'euros ! Une sacrée affaire pour le Real Madrid, qui a donc bien fait d'exercer cette option de rachat, encaissant ainsi 70 millions d'euros au total pour son attaquant, contre seulement 20 millions s'il avait été vendu sans option de rachat en 2014. Une stratégie efficace sur le moyen et long terme donc.

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Lucas Vazquez avait lui aussi été racheté par les Madrilènes après une saison pleine à l'Espanyol. Après une très belle saison à l'Olympique Lyonnais, Mariano avait été rapatrié par son club formateur, bien qu'il n'ait pas vraiment été utilisé depuis. Quant aux prêts, de nombreux joueurs de l'équipe première actuelle ont engrangé de l'expérience loin de la meseta. On a ainsi tendance à oublier que Casemiro était passé par Porto pendant un an, ou que Marco Asensio a découvert la Liga pendant une saison à l'Espanyol, après que le Real Madrid soit allé le chercher en D2 à Majorque. Comme mentionné plus haut, Fede Valverde, la sensation du moment à Madrid, avait aussi fait ses premiers pas en première division sous un maillot autre que celui du Real Madrid avant de revenir.

De la spéculation intelligente et pas un Chelsea 2.0

Cette stratégie a donc deux principaux objectifs, qui sont sans surprise le développement des joueurs, puis une composante financière. Lorsqu'ils reviennent à Madrid, ces joueurs sont mieux préparés et ont gagné un ou deux ans d'expérience, et peuvent donc prétendre à une place en équipe première. Mais surtout, leur valeur a pratiquement toujours augmenté, et il faut ajouter à ça l'étiquette Real Madrid qui, on ne va pas se mentir, contribue également à faire grimper le prix d'un joueur sur le mercato. Raúl de Tomás, attaquant formé au club qui n'a jamais disputé le moindre match avec l'équipe A merengue, a été vendu pour 20 millions d'euros à Benfica cet été, le tout avec une seule saison en Liga, certes réussie, dans les pattes, avec ce prêt au Rayo Vallecano. Diego Llorente, aujourd'hui international espagnol, avait lui aussi été vendu pour 7 millions d'euros à la Real Sociedad il y a deux ans juste après un prêt fructueux à Malaga. Le défenseur central n'avait pourtant que deux apparitions avec le Real Madrid en pro. Cas de figure similaire pour Denis Cheryshev, vendu à Villarreal pour 7 millions d'euros en 2016 après plusieurs prêts en Liga. Bien entendu, un prêt n'est pas garantie de réussite, tant sportivement qu'en vue d'une possible plus-value. La force du Real Madrid, c'est aussi de trouver une bonne famille d'accueil à ses poulains. Les cas Martin Odegaard (Real Sociedad) et Achraf Hakimi (Borussia Dortmund) en sont les meilleurs exemples, eux qui évoluent dans des équipes avec un style de jeu qui leur permet d'exploiter au mieux leurs qualités.

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C'est là que se fait la différence avec bien d'autres écuries européennes, à l'image de Chelsea et de son armée de joueurs prêtés qui ne donnent habituellement pas grand chose. Même s'il y a des échecs forcément, à l'image d'un Andriy Lunin qui ne joue pas à Valladolid, le Real Madrid a généralement le nez creux. Il ne faut également pas être naïf sur la portée financière d'une telle stratégie comme expliqué ci-dessus. L'état-major madrilène sait très bien qu'il n'y aura jamais de place pour tout ce beau monde et seule une minorité d'heureux élus aura l'opportunité de jouer régulièrement sous les ordres de l'entraîneur en place. À l'image de clubs bien connus des fans de Ligue 1 comme l'AS Monaco et Lille, le Real Madrid fait aussi du trading, à une autre échelle peut-être et de façon moins flagrante. Les Espagnols ne sont pas des pionniers en la matière, et en plus des Blues ou de ces formations de Ligue 1, on peut aussi citer les effectifs de Serie A, à l'heure où la copropriété était à la mode. Mais ce sont probablement eux qui en profitent le mieux. À l'heure où la menace du fair-play financier plane au-dessus du Bernabéu, que la masse salariale augmente de façon conséquente, cette ligne directrice sur a donc aussi pour objectif d'assurer des revenus supplémentaires au club, en plus d'autres stratagèmes déjà connus comme les pourcentages à la revente. Il faut aussi rajouter que la législation espagnole "avantage" le Real Madrid et les autres clubs de Liga puisque ces clauses de rachat sont par exemple interdites en France, et les prêts de plus d'une saison ne sont également pas autorisés dans tous les pays d'Europe.

L'été prochain va être décisif

Cet été, le Real Madrid s'était d'ailleurs montré plus dur en négociations que d'habitude, puisqu'il avait besoin d'argent dans l'immédiat. D'où le refus de certains prêts, à l'exception de Ceballos et de Reguilon, et la vente définitive d'éléments comme Marcos Llorente (Atlético) ou Théo Hernandez (Milan) qui auraient a priori été prêtés en temps normal. En plus des contraintes financières auxquelles doivent faire face ses concurrents, le 13 fois champion d'Europe doit également financer la rénovation colossale de son antre, le Santiago Bernabéu. Un chantier qui a déjà commencé et qui va coûter 800 millions d'euros au total. Aujourd'hui, le club a 13 joueurs sous contrat dispersés un peu partout en Europe, même si principalement en Espagne. Et là aussi, la plupart s'épanouissent. Odegaard et Hakimi, mais pas que, puisque Reguilon cartonne à Séville au point d'avoir été appelé pour la première fois en sélection, alors qu'à un niveau un peu inférieur, Oscar Hernandez, Borja Mayoral ou Alberto Soro sont respectivement des joueurs qui comptent à Leganés Levante et Saragosse (D2).

Une belle ribambelle de joueurs qui fera son retour l'été prochain - même si le cas du Norvégien reste indécis puisqu'il est normalement prêté pour deux ans - et sur lesquels le Real Madrid compte pour mener à bien cette révolution tant attendue qui a démarré de façon timide en ce début d'exercice 2019/2020. Des places seront à prendre, avec le probable départ de Gareth Bale notamment, et l'avenir de joueurs comme Luka Modric qui s'écrit clairement en pointillés. De nouveaux cas Fede Valverde sont à prévoir donc dans les prochaines années, tout comme de nombreux jeunes madrilènes quitteront la Casa Blanca cet été, parfois dans l'anonymat, pour gagner leur place en équipe première et montrer leur valeur loin du soleil madrilène. Il est aussi intéressant de noter que de nombreux clubs, en Espagne principalement, commencent à s'inspirer de ce que fait le Real Madrid.

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