Real Madrid : qui se cache derrière le très puissant Florentino Pérez ?

Par Quentin Siebman
4 min.
Real Madrid CF Gareth Frank Bale @Maxppp

Mais qui est vraiment Florentino Pérez ? On connaît l’ambitieux président du Real Madrid, on connaît moins l’entrepreneur controversé. Portrait d’un homme puissant.

«Pérez est tellement malin qu'il pourrait même se faire des amis en enfer. D'ailleurs, si le diable décidait de construire une route vers le purgatoire, il lui confierait sûrement le projet.» Le bon mot est signé Juan Carlos Escudier, auteur d’une biographie du président madrilène, et résume bien ce personnage controversé. En 2012, Florentino Pérez était la dixième fortune d’Espagne selon la revue Forbes, qui estime son patrimoine à 1,6 milliard de dollars. Président depuis 1997 du groupe ACS (pour Actividades de Construcción y Servicios), leader espagnol du BTP, ce pur madridista a su tirer profit d’une première carrière en politique pour faire fortune. D’abord élu à la mairie de Madrid au service “assainissement et environnement”, Pérez connait un échec fracassant aux élections législatives 1986 avec le Parti Réformiste Démocratique (centre), dont il est alors secrétaire général. Qu’à cela ne tienne, Florentino se concentre alors sur sa vie d’entrepreneur. Après avoir siégé au conseil d’administration de plusieurs grands groupes, il prend la tête du groupe ACS à la fin des années 90. Tirant un profit maximal de ses relations dans la sphère politique madrilène, il va faire fortune en remportant plusieurs chantiers majeurs de la capitale espagnole.

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Que ce soit pour son entreprise ou pour son club, Florentino Pérez a basé sa réussite sur une méthode des plus singulières : l’entrepreneur s’appuie sur l’emprunt massif, multipliant les crédits... et creusant ses dettes. En 2012, le New York Times tirait à boulets rouges sur Pérez et ACS, lançant que la situation critique du pays n’était pas dûe à la dette publique mais bien à celle du secteur privé et notamment d’entreprises comme le leader du BTP. Le journaliste Landon Thomas évoquait pour ACS une dette«hors de contrôle» de 9 milliards d’euros (!), soit le double de sa valeur en bourse. Et pendant que son entreprise s’enfonce, Florentino obtient en 2000 la présidence du Real Madrid en promettant de «rembourser très facilement la dette en quatre ans.» Pour ramener le club à l’équilibre, il vend son centre d’entraînement à la ville de Madrid, contre 480 M€. Un choix pas tout à fait désintéressé : ACS obtiendra la construction de trois des quatre gratte-ciels du nouveau centre d’affaires construit sur ce terrain ! Mais finalement, l’opération “Galactiques” sera fatale aux finances du Real Madrid : en six ans sous sa présidence, la dette du club double et atteint près de 450 M€ lors de la démission de Pérez, en 2006.

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Le vendeur de rêves

Si sa carrière en politique n’a rien de glorieuse, Florentino Pérez n’en a pas moins gardé des traces. Le président du Real Madrid est un grand communicant qui sait “jouer” avec les mots. Cela lui permet de maquiller les chiffres, de les présenter de telle sorte à ce qu’ils soient toujours en sa faveur. Pour rendre à son avantage une dette passée de 240 à plus de 440 M€ en six ans de présidence du Real Madrid (entre 2000 et 2006), Pérez n’a besoin que d’une formule : “dette financière nette”. Le président madrilène n’évoque jamais la “dette” du club, mais toujours sa “dette financière nette”. Pour l’obtenir, on retire à la dette totale le montant des placements financiers et de la trésorerie du club, c’est-à-dire l’argent disponible en tout temps, considérant que celui-ci pourrait être destiné à rembourser la dette à tout moment. Ainsi, le rapport annuel du Real Madrid annonce fièrement que les finances n’ont jamais été aussi bonnes que sous la présidence de Pérez, et que le club a même vécu sans endettement entre 2002 et 2006. Inutile de souligner que lorsque Florentino Pérez faisait campagne en 2000 pour la présidence du Real, il pointait du doigt une dette astronomique de 240 M€, alors que la dette financière nette atteignait alors les 162 M€. Le schéma ci-dessous représente l’évolution de la dette financière nette (en bleu, selon le dernier rapport annuel du club) et la dette totale (en rouge, selon la presse nationale espagnole) entre 2000 et 2012. Il est ainsi possible d’observer le décalage entre le discours de Florentino Pérez et la réalité, notamment depuis son retour à la présidence en 2009.

Dette financière nette et dette totale du Real Madrid

Sans scrupule, Florentino s’est permis de modifier les pré-requis nécessaires pour postuler à la présidence du Real Madrid en avril dernier, soit quelques semaines seulement avant les élections. Il fait ainsi d’une pierre deux coups, se protégeant contre l’arrivée potentielle d’un richissime investisseur du Moyen-Orient, et même contre tout potentiel candidat. Eugenio Martinez Bravo, son principal opposant en 2013, n’hésitait pas à clamer que «presque personne ne peut se présenter». À juste titre : en plus d’être socio du club depuis 20 ans (contre dix auparavant), le candidat doit désormais justifier des garanties bancaires de 75 M€ ! Une aubaine pour Pérez, qui fut réélu sans opposant à la tête du club pour la deuxième fois après 2009. Aujourd’hui, alors que son club doit près de 600 M€ et que le fair-play financier pointe le bout de son nez, le président madrilène ne dévie pas de sa route et promet un mercato XXL à ses supporters. Plus de 30 M€ pour Isco et Illarramendi, 46 pour Suarez... 100 pour Bale ? Florentino Pérez est un vendeur de rêves, reste à savoir quand ses socios se réveilleront.

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