Dossier FM : football et rugby sont-ils réellement si opposés ?

S'il y a bien deux sports que l'on a tendance à trop souvent opposer dans l'imaginaire commun, c'est le football et le rugby. Et pourtant, la ville de Toulouse le prouve aisément, les deux sports peuvent cohabiter sans problème. Contacté par nos soins, l'ancien rugbyman Xavier Garbajosa nous décrit cette situation dans la Ville rose : « Il n'y a pas de rivalité. Toulouse a la chance d'avoir des équipes de très haut niveau dans pas mal de disciplines, on ne se déchire pas pour avoir la meilleure notoriété. Le Stade Toulousain est une institution rugbystique, qui est un exemple dans le monde du rugby. Le Téfécé a connu des hauts et des bas, il faut lui laisser le temps de revenir au premier plan. Le club forme des jeunes joueurs, se maintient en Ligue 1 en parvenant même à jouer la Coupe d'Europe. Entre joueurs des deux équipes, on partage des soirées caritatives, des repas. On ne se marche pas dessus ». Même son de cloche pour Jean-Baptiste Elissalde, ancien rugbyman reconverti coach adjoint au Stade Toulousain : « Il n'y a pas de guerre, bien au contraire. Je me souviens que je m'entendais bien avec des joueurs comme Arribagé, qu'on faisait des parties de golf. Les deux clubs cohabitent très bien, il y a de la place pour ces deux clubs, auxquels il faut ajouter le hand, le volley, la natation. Tout le monde a sa place ».

Il y a donc de la place pour tous, malgré un football qui domine le sport français. Une situation logique selon Xavier Garbajosa : « J'ai joué au football pas mal d'années, c'est un sport très populaire. À l'école, quand on est minots, on s'amuse plus facilement avec un ballon de foot. C'est le sport numéro un, qui est universel, et dans certains pays c'est même une religion. On ne peut pas comparer ce qui n'est pas comparable. Le rugby a connu une profonde restructuration il y a une quinzaine d'années en passant professionnel. Le rugby a longtemps été régional, presque présent seulement dans le Sud. On est en phase de structuration, on progresse ». Elissalde suit pour sa part les grands matches de football, intéressé par l'aspect tactique de cette discipline : « C'est un regard de sportif. Je ne regarde pas énormément le football, je regarde surtout les grands matches européens et de Ligue 1. J'essaye de comprendre la stratégie, avec un regard extérieur car je n'ai pas la prétention de comprendre la stratégie d'un 4-4-2, ou d'un 5-3-2 (rires) ».

Il poursuit : « Ce qui me plait, c'est la façon dont les joueurs peuvent aborder un nombre de matches incessants. Ils jouent tous les trois jours, avec des contraintes différentes que dans le rugby, mais j'aimerais comprendre comment les grandes équipes arrivent à s'adapter. En revanche, j'aime moins cette dépendance à l'exagération, voire la petite tricherie avec les simulations. Par exemple, je me souviens qu'en jouant au foot quand j'étais petit, j'ai eu droit à une séance où notre entraîneur nous apprenait à simuler, à tomber. Au rugby, le jeu ne s'arrête pas sauf en cas de KO, alors qu'au foot il existe cette entente pour sortir le ballon, la différence est là ». Autre différence, la couverture médiatique des deux sports. Garbajosa évoque justement cette différence de traitement : « En voyant les canards, on voit la différence entre les deux sports, le rugby n'a que deux pages, contre plus de quatre pour le foot. Le foot touche énormément de personnes. Quand vous avez des matches comme Real Madrid-Barcelone, c'est le choc au sommet attendu de tous. Un France-All Blacks ne retient pas la moitié du nombre de téléspectateurs ».

Mais le gros point d'opposition mis généralement en avant au sujet des deux disciplines reste le comportement des joueurs. La plupart du temps, les footballeurs sont présentés comme bling bling, alors que les rugbymen sont vus comme plus vertueux. Garbajosa tente d'expliquer cet état de fait : « Le foot est un sport d'équipes, avec des joueurs qui se remettent en question chaque jour. Il y a énormément d'argent, on ne peut pas lutter. Le rugby a encore ce côté régional, qui renvoie aux gens une meilleure image, avec des joueurs abordables. Cela laisse à penser à la vox populi que le rugby peut véhiculer une image plus populaire. Il y a eu certaines scènes en foot, notamment en équipe de France, qui ternissent l'image du footballeur et du foot en général ». Mais pour Jean-Baptiste Elissalde, il n'y a aucune raison de mettre en dualité les deux sports : « Peut-être qu'on aura aussi des problèmes type affaire Zahia ou Knysna dans le rugby, à nous éducateurs, entraîneurs, dirigeants, de prévenir ces comportements. Il y a des comportements que l'on souligne dans le foot, mais il y a aussi des comportements bizarres dans notre sport. On n'est ni à l'opposé, ni jumeau dans ce domaine. Chacun a son mode de fonctionnement ». Une conclusion on ne peut plus sage.