Entretien avec… Alain Cayzac : « Pour tout l’or du monde, je ne m’occuperais pas d’un autre club professionnel que le PSG »

Par Khaled Karouri
13 min.
PSG @Maxppp

Dirigeant historique du Paris Saint-Germain, Alain Cayzac est l'une des figures emblématiques du club de la capitale. Et alors que son livre « Alain Cayzac : le Mister de Paris » sort aux éditions Hugo&Cie dans les jours à venir, celui qui a été fait chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur en 2009 nous livre son regard sur la saison du PSG et fait le point sur son actualité.

**Foot Mercato : Tout d'abord, comment allez-vous ?

Alain Cayzac :** Et bien écoutez, plutôt pas mal merci.

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**FM : Le Paris Saint-Germain a loupé l'occasion d'accrocher une Coupe de France de plus à son palmarès en s'inclinant face à Lille. En tant qu'ancien dirigeant et en tant que supporter, comment avez-vous vécu cette finale ?

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AC :** C'est vrai qu'on est des habitués des finales, avec généralement de bonnes performances. Comme tous les supporters, les joueurs, les dirigeants et les entraîneurs, j'ai vécu ça avec pas mal de déception et de tristesse. Mais il n'y a pas de mal non plus à perdre contre Lille, après un bon match. C'est une déception mais on savait que ce serait un match difficile.

**FM : Le PSG est quatrième du classement, une position tout à fait respectable. Quel regard portez-vous sur la saison des hommes de la capitale ?

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AC :** Quoi qu'il en soit, c'est une bonne saison. On nous aurait dit en début d'année qu'on serait finaliste de la Coupe de France et troisième ou quatrième, puisqu'il ne faut pas oublier qu'on peut encore être troisième, on aurait considéré que c'était un bon résultat. En plus, l'équipe joue bien, on ne s'ennuie pas quand on voit les matches du Paris Saint-Germain. C'est une équipe qui est offensive, qui produit un beau football, qui est spectaculaire. De toute façon, quel que soit la fin de saison, c'est une bonne saison. Et elle peut être très bonne si on réussit à accrocher la troisième place.

**FM : Finalement, cette troisième place ne serait-elle pas plus importante qu'une victoire en Coupe de France ?

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AC :** C'est difficile de faire des choix. Mais la réponse serait quand même oui. Avec une réserve, c'est qu'une troisième place n'est pas une qualification directe pour la Ligue des Champions. C'est un tour préliminaire qui n'est généralement pas facile. Pour être très franc, je ne connais pas bien le règlement, à savoir qui est protégé et qui ne l'est pas. Mais j'ai cru comprendre que si on était qualifié, on pourrait tomber sur des équipes importantes comme Arsenal, le Bayern et autres. Mais bon, ceci étant dit, ce serait évidemment une possibilité sur deux matches de jouer la Ligue des Champions avec tout ce que ça comporte de positif au niveau de l'image et au niveau des finances du club bien sûr.

**FM : Êtes-vous surpris par le bon parcours du PSG et, surtout, par la qualité de jeu affichée ?

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AC :** Surpris, non. Il y a une bonne équipe, de bons joueurs. Quoi qu'on en dise, depuis que le nouvel actionnaire est là, il y a eu au fil du temps des bons recrutements, des joueurs de qualité. L'équipe s'est bâtie progressivement, il y a eu trois ou quatre joueurs clés qui sont arrivés chaque année et quand on voit l'arrivée cette année de joueurs comme Nenê, Bodmer ou Tiéné, on était forcément assez confiant. Ceci étant dit, depuis plusieurs années et c'était vrai aussi quand j'étais président, on nous pronostiquait toujours sur le podium en début de saison (rires). Donc bon, il faut se méfier mais là c'est la première année où on y sera ou en tout cas on n'en sera pas loin. J'étais confiant, mais chaque année j'étais confiant. Ça devient une très belle équipe, même si je dis ça alors qu'il y a eu récemment une déception évidente contre Bordeaux (défaite 1-0, Ndlr). On a perdu alors que ça pouvait être décisif pour la troisième place.

**FM : Une déception qui a engendré un coup de gueule de Robin Leproux. Est-ce une bonne solution selon vous ?

AC :** Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises solutions. Un président doit réagir en fonction de ce qu'il ressent. Je pense que Robin Leproux n'est pas quelqu'un qui pousse des coups de gueule à tort et à travers. Il a été déçu par la défaite, par un certain manque d'envie des joueurs. Mais bon, il est normal qu'un président ne manie pas toujours la langue de bois et dise ce qu'il ressent à la fin d'un match. Je trouve ça tout à faire explicable.

**FM : Robin Leproux avait fait part de sa déception à l'idée de voir ses joueurs manquer d'envie face à l'enjeu de la troisième place. Pourtant, comme vous le disiez, une quatrième place serait déjà synonyme de saison réussie...

AC :** On a toujours tutoyé cette troisième place, parfois même la deuxième, donc ce serait une déception. Même si la quatrième place ne serait pas un échec, on serait forcément déçu. Retrouver la Ligue des Champions après plusieurs années serait important aussi bien pour l'image, pour les supporters et pour les finances du club, il faut être réaliste et pragmatique.

**FM : Selon vous, que manque-t-il encore au PSG pour être un prétendant régulier à cette troisième place ? D'aucuns parlent de carences à certains postes, alors que d'autres avancent l'idée d'un blocage psychologique après avoir loupé le coche lors de matches importants...

AC :** Il ne manque pas grand chose. De toute manière, ça va se jouer à un ou deux points. Après, c'est difficile de dire exactement pourquoi on n'a pas quatre ou cinq points de plus. Mais je pense qu'il y a beaucoup de matches où on a dominé, où on a parfaitement bien joué et où on a eu soit un manque de réussite soit un peu de maladresse devant le but. Ça se joue à rien. Il a manqué probablement un peu d'efficacité. Durant la saison, Antoine n'avait pas tout à fait trouver le bon équilibre, ensuite il a pris des décisions courageuses. Il a replacé Armand dans l'axe, même si Camara fait une bonne fin de saison. On a vu un joueur comme Chantôme percer et avoir une influence très importante sur l'équipe, ce qui n'était pas forcément le cas en tout début de saison. Tout ça se joue à très peu de choses, et c'est ce très peu de choses qu'il faudra corriger et acquérir dans les prochaines années. Mais on est en tout cas en progrès.

**FM : Cette saison a permis au PSG de faire éclore définitivement certains jeunes comme Sakho et Chantôme, mais aussi de lancer de nouveaux visages comme celui de Bahebeck. Voir que le PSG s'appuie sur son centre de formation, cela doit vous ravir...

AC :** Ça, ça fait plus que de me ravir. Ça a toujours été une de mes obsessions. J'ai toujours considéré que l'on était sévère avec le centre de formation du PSG en disant qu'on ne formait pas beaucoup de joueurs, ce qui était faux. La vérité, c'est qu'il y avait beaucoup de joueurs formés mais que certains entraîneurs ne prenaient pas le risque de leur donner une chance. Ils partaient ailleurs. Mais ne serait-ce que dans la génération Sakho-Chantôme qui sont maintenant de grands joueurs ou de futurs grands joueurs, on a eu des joueurs comme Obertan qui est à Manchester United, comme N'Gog qui est à Liverpool, comme N'Goyi qui fait une bonne saison à Brest ou comme Sankharé qui fait une bonne saison à Dijon. La formation est bonne. Et puis effectivement comme vous le dîtes, il y a une nouvelle génération de trois ou quatre jeunes joueurs. D'ailleurs, on a de très bons résultats dans les équipes de jeunes donc ce n'est pas une surprise. Pour moi, c'est une énorme satisfaction.

**FM : Comment aviez-vous accueilli les décisions prises par Robin Leproux pour ramener un peu de sérénité dans les travées du Parc des Princes ?

AC :** C'est difficile. J'ai aussi fait des choses pour essayer d'éradiquer ce fléau qu'est la violence, car il ne faut pas oublier que j'ai eu aussi un problème grave du temps de ma présidence et qu'il y a eu un mort autour du Parc. Même en considérant que Graille, Perpère ou moi-même nous avions pris des décisions fortes pour essayer de résoudre ce problème, il y a eu un autre mort sous la présidence de Robin Leproux. Il était évident qu'il fallait faire quelque chose. Ensuite, la raison me fait dire qu'on ne pouvait pas laisser le club sans prendre de nouvelles décisions car il y a eu deux morts en quelques années, c'est inadmissible. Robin avait l'avantage d'être quelqu'un de nouveau. Moi, j'avais dit que je n'aurais pas pu, pas su, et peut-être pas voulu faire exactement la même chose que lui. Mais ce n'est pas du tout une critique sur son plan. C'est simplement qu'il y a des dirigeants historiques qui ont l'avantage de connaître les racines du club mais qui sont parfois prisonniers de cette histoire. Le plus important, c'est que lui et moi souhaitons que les choses évoluent. J'ai été en charge d'une médiation, les résultats ne sont pas époustouflants puisque nous avons proposé des mesures qui n'ont pas été acceptées. Mais il ne faut pas dire ni croire que Robin Leproux se satisfait de la situation actuelle. Il souhaiterait trouver les solutions pour que les supporters historiques reviennent au club. Je suis toujours peiné, même s'il fallait faire quelque chose, que les supporters historiques souffrent du comportent de 400 ou 500 voyous qui sont indéfendables. Il fallait faire quelque chose, maintenant on souhaiterait que progressivement on ait la sécurité autour du Parc et qu'on retrouve la ferveur, les chants et les tifos que ce club mérite. Je le souhaite ardemment et en disant ça, je ne pense pas que Robin Leproux pense différemment de moi. Simplement, ce n'est pas si facile. Si on y arrive, et je pense qu'on y arrivera, ça se fera progressivement.

**FM : Comprenez-vous donc la colère ou la frustration d'une partie de ces supporters historiques ?

AC :** Je comprends la tristesse des bons supporters historiques, qui représentent la majorité. Je comprends leur déception, leur colère éventuelle. Je leur dis simplement qu'il faut essayer d'avancer ensemble, on a proposé des solutions. Rien n'est parfait, mais la solution n'est pas tout ou rien. Il faut essayer de trouver des solutions qui permettent de revenir progressivement à une certaine normalité. Je ne crois pas que les insultes envers la direction et envers les supporters soient la solution. Ça tend les esprits, ça fige les positions et je ne suis pas sûr que ce soit efficace. Je le leur ai dit. Je suis assez proche de beaucoup d'entre eux, et j'espère qu'ils m'écouteront. Je ne parle pas des violents, mais de ceux qui sont là depuis longtemps et pour de bonnes raisons. J'espère que tout le monde se remettra autour d'une table et qu'on trouvera une solution.

**FM : Vous êtes aujourd'hui président d'honneur à Évreux et au Paris Foot Gay. En quoi consistent vos fonctions au sein de ces deux clubs ?

AC :** Pour des raisons tout à fait diverses, je suis très attaché à ces deux club. Évreux, parce que c'est ma ville natale. Mon père a été président de l'Évreux Athletic Club pendant très longtemps. J'ai fréquenté les stades d'Évreux depuis l'âge de 4 ans. À l'époque, il y avait deux clubs qui ont récemment fusionné sur l'initiative de Mathieu Bodmer, de Bernard Mendy, du maire d'Évreux et d'autres personnes très efficaces dans l'entourage de Mathieu et de Bernard. Ils m'ont demandé de devenir président d'honneur, j'ai accepté avec plaisir. Je vais aux matches quand je peux, je suis l'équipe. Si je peux rendre service, je le fais. J'essaye d'être présent, mais le vrai président opérationnel c'est Mathieu Bodmer. Ce qui est formidable, parce que c'est un joueur en exercice qui est en même temps président. Et je peux vous dire que c'est un vrai président. Il met la main à la poche aussi, ce qui n'est pas rien. Pour le Paris Foot Gay, j'ai vécu tellement de périodes difficiles et de problèmes liés aux discriminations, que j'ai tout de suite signé la Charte contre l'homophobie. Quand le président du Paris Foot Gay m'a demandé de donner un coup de main, je l'ai fait. J'essaye d'être présent avec lui dans des réunions où je peux être utile. Toutes les formes de discriminations et pas seulement le racisme sont inacceptables.

**FM : Vous êtes donc plus en retrait par rapport au monde du football professionnel. Est-ce qu'un retour sur le devant de la scène vous plairait ?

AC :** Au Paris Saint-Germain, je ne serai plus président. Je l'ai été. Même si les résultats sportifs n'ont pas été bons, je n'en garde pas non plus que des mauvais souvenirs. Il y a eu des choses positives de faites. Il y a une équipe en place et qui tourne bien, il n'y a pas de raisons de rappeler les anciens. Je n'ai donc aucune ambition au niveau du Paris Saint-Germain. Et au niveau professionnel, c'est le seul club où je peux envisager d'avoir une action. Et comme je n'y serai pas, ça limite beaucoup mes possibilités (rires). Je suivrai les matches avec attention, même comme simple supporter.

**FM : D'autres clubs professionnels vous ont-ils déjà sollicité ?

AC :** Non. Chacun sait que, pour tout l'or du monde, je ne m'occuperais pas d'un autre club professionnel. Il y a des clubs amateurs, dans des régions que je connais bien, où je vais en vacances, qui m'ont sollicités. Mais pas de clubs professionnels. Et de toute manière, il n'en serait pas question. Je suis l'homme d'un seul club pro, qui est le PSG.

**FM : Pour le mercato estival, des noms comme ceux d'Alou Diarra ou de Kevin Gameiro reviennent avec insistance, autrement dit des valeurs sûres de la Ligue 1. Est-ce selon vous une bonne stratégie ?

AC :** Je suis trop bien placé pour savoir que quand on est en période de recrutement, il y a beaucoup de paramètres qui entrent en ligne de compte. Il y a bien évidemment la qualité du joueur, sa complémentarité avec les autres joueurs, ses prétentions financières, les négociations du transfert avec le club. Il y a aussi des joueurs qui vont rester et d'autres qui vont partir. Tout ça, ce sont des données que je n'ai pas. Je ne peux donc raisonner qu'en tant qu'observateur. Et effectivement, les noms que vous avez cité sont ceux d'excellents joueurs. Maintenant, est-ce que c'est possible, il y a aussi sans doute d'autres possibilités. Je souhaite donc qu'on ait une équipe encore meilleure, bien qu'elle soit déjà très bonne.

**FM : Il se murmure avec de plus en plus d'insistance que des investisseurs qataris pourraient venir au PSG. Pensez-vous que l'arrivée d'investisseurs au pouvoir financier important soit indispensable pour que le PSG joue sur la durée les tous premiers rôles en Ligue 1 ?

AC :** Si on n'est pas au sommet, on est déjà sur le podium ou pas loin du podium. Après, il est évident que, je l'ai toujours dit, quand on n'a pas d'argent on est sûr d'échouer et quand on a de l'argent on n'est pas sûr de réussir. Mais il faut des moyens. C'est à Colony, puisque c'est l'actionnaire principal, de les trouver. Soit en mettant de l'argent, soit en trouvant à l'extérieur. Mais là, c'est du domaine de l'actionnaire. C'est lui qui traite ce dossier. Mais plus on a d'argent, plus on peut recruter de joueurs, et plus je suis content en tant qu'amoureux du Paris Saint-Germain.

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