Entretien avec… Steve Marlet : « Nasri méritait d’être dans cette liste»

Par Dahbia Hattabi
11 min.
France Samir Nasri @Maxppp

Ancien joueur d'Auxerre et de l'OM, Steve Marlet a été l'un des (courts) artisans du premier titre de Champion de France de l'OL en 2002. Présent à l'Euro 2004 avec l'Équipe de France il y a dix ans, l'ex-international tricolore s'épanouit désormais dans sa nouvelle vie. Consultant pour Infosport+, il s'investit aussi corps et âme au Red Star, son club formateur. Pour Foot Mercato, il évoque sa carrière, ses nouveaux projets mais également l'Équipe de France et la fameuse liste dévoilée par Didier Deschamps cette semaine. Entretien.

Foot Mercato : Comment décririez-vous votre carrière en quelques mots ?

Steve Marlet : J'ai eu une carrière riche et faite de bonnes expériences. J'ai eu la chance de jouer dans trois championnats différents (L1, Bundesliga, Premier League, Ndlr). J'ai connu des clubs qui ont évolué assez souvent au haut niveau. Il y a aussi les sélections en Équipe de France. Je suis plutôt satisfait de ma carrière. Elle a été riche.

À lire JO : l’OL, Toulouse et Montpellier vont jouer le jeu

FM : Quel est votre plus beau souvenir en tant que joueur ?

SM : C'est difficile d'en sortir juste un. J'ai quand même joué assez longtemps. Ça va du premier contrat pro quand j'étais au Red Star à mon premier match en Ligue 1 avec Auxerre, aux premières en Coupe d'Europe, en sélection. Il y a eu aussi le premier titre avec Lyon, la première finale de Coupe d'Europe avec Marseille. Chaque club a son histoire et dans chacun d'eux je peux sortir un souvenir important. Donc c'est difficile d'en sortir juste un. Si je dis que ma carrière a été riche, c'est parce qu'il y a eu beaucoup de moments importants.

FM : Quel a été le pire moment de votre carrière ?

SM : Il y a eu de grosses blessures avec Auxerre et Marseille. (...) Il y a eu aussi des moments délicats. Ce fut le cas en 2002 lorsque Roger Lemerre m'appelle pour me dire que je ne partirai pas au Mondial. J'étais en vacances en famille et il m'appelle pour me dire que je serai réserviste. J'avais compris que je n'irai pas à la Coupe du Monde. Je n'allais souhaiter la blessure de personne. Cela a été une déception.

FM : Vous parlez de l'Équipe de France. Quel regard portez-vous sur la liste des 30 joueurs retenus par Didier Deschamps ?

La suite après cette publicité

SM : C'est cohérent. Il y a tellement de choix possibles. Après quand on regarde les dernières sélections et notamment la dernière (face aux Pays-Bas, Ndlr), on retrouve la majorité des joueurs. On ne peut pas vraiment dire qu'il y a des surprises. Si ce n'est qu'on peut peut-être regretter l'absence de Samir Nasri. Quand on est champion avec un club et qu'on est titulaire la majeure partie du temps, on peut penser quand même qu'on est bon et qu'on est potentiellement sélectionnable. Donc on peut se demander pourquoi Nasri n'est pas dans cette liste. Il y a juste ce petit bémol qui n'en est pas un au final parce que Deschamps s'est expliqué là-dessus.

FM : Deschamps a indiqué qu'il ne l'avait pas sélectionné notamment par rapport à son attitude. Il a privilégié la vie de groupe au talent individuel. Qu'en pensez-vous ?

La suite après cette publicité

SM : C'est important, l'équilibre d'une équipe. Après, je pense qu'en club comme en sélection, il faut du caractère. Il y a des moments difficiles dans un match, dans une compétition. Ce sont ces joueurs de caractère qui vous sortent de là. On peut comprendre que Deschamps ait préservé un équilibre d'équipe par rapport aux caractères. Mais je ne suis pas non plus 100% d'accord avec cette méthode. C'est bien pour Nasri de vouloir jouer. Après, il faut le faire comprendre au joueur et qu'il l'accepte. Je pense que Deschamps a l'expérience nécessaire pour le faire comprendre à un joueur. C'est pour ça que c'est étonnant. Je n'ai pas tout suivi. Mais je ne suis pas sûr que Samir Nasri soit un élément perturbateur dans un groupe. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Mais le joueur s'est toujours défendu. Moi, je serai toujours du côté des joueurs. Je pense que Nasri méritait d'être dans cette liste par rapport à ses qualités. Et puis c'est Manchester City. Il n'y a que des stars qui jouent autour de lui.

FM : Les Bleus peuvent-ils aller loin dans l'épreuve ?

SM : Tout est une question de dynamique et d'entame de match. Après, il faut avoir un petit peu de réussite. C'est comme en Coupe de France ou en Coupe d'Europe. À un moment donné, on ne passe pas loin de l'élimination mais il y a toujours ce côté facteur chance qui vous permet d'aller au bout. Il faut de la qualité, savoir créer une dynamique, avoir un tout petit peu de chance. Avec toutes ces conditions, je pense que l'Équipe de France peut aller loin. L'entame de la compétition sera très importante. Je ne vais pas faire le démago et dire on va gagner. Quand on compare le potentiel de notre équipe avec celui de sélections comme l'Espagne, l'Allemagne ou le Brésil, ils sont plus forts que nous. On n'a pas une équipe pour aller au bout si on part aujourd'hui. Mais avec la confiance et la dynamique dont je parle, pourquoi pas.

FM : Vous avez été des 23 tricolores présents à l'Euro 2004. Comment gère-t-on la pression des grands rendez-vous en Équipe de France ?

La suite après cette publicité

SM : Ce sont surtout les adversaires qui avaient la pression à l'époque (rires). Il y avait une force qui se dégageait de ce groupe. J'ai eu la chance d'y jouer de 2000 à 2005. Je ne sentais pas une pression particulière. Peut-être en 2004 où l'on commençait à chahuter un peu certains joueurs qui étaient sur la fin. La presse s'en mêlait. Il y avait une pression lors de ce championnat d'Europe 2004 au Portugal. Des souvenirs que j'ai pu garder, on rentrait sur le terrain et on savait quasiment qu'on allait gagner. Il y avait une confiance et une force qui se dégageaient du groupe. Les joueurs étaient à 100% de leur potentiel. Il n'y avait pas de place pour le doute parce qu'il y a eu les périodes 98 et 2000 avant. Ce sont plutôt les adversaires qui se posaient plus de questions que nous. Je n'ai pas de souvenirs où l'on a eu une grosse pression à l'entame d'un match.

Une après-carrière toujours dans le monde du football

FM : Vous avez évolué avec Zinedine Zidane sous le maillot tricolore. Il souhaiterait entraîner la saison prochaine. On parle notamment de Bordeaux. Quelques mots là-dessus...

SM : C'est une question d'envie. Si lui veut se lancer dans le grand bain, en France cela pourrait être une bonne idée. Après il y a une grosse pression. Il en aura forcément une comme l'avaient eu Didier Deschamps ou Laurent Blanc lorsqu'ils ont commencé. Il faudra surtout qu'il choisisse bien son club. Si on parle de Zidane à Bordeaux, le Bordeaux de l'année prochaine et le Bordeaux qu'a eu entre les mains Laurent Blanc, sont complétement différents. Il y avait vraiment de bons joueurs. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas de bons cette année. Mais l'équipe reste sur une dynamique négative. Elle va être là la difficulté. Il y a surtout le fossé qui va séparer les joueurs qu'il avait entre les mains au Real Madrid où les exigences peuvent être très hautes puisque vous n'avez que des stars. Il va peut-être devoir revoir ses exigences à la baisse avec des joueurs généreux certes, mais qui ont peut-être moins de qualités. Il va falloir gérer ça. Au départ c'est une bonne idée. Mais nul n'est prophète en son pays. Donc attention.

La suite après cette publicité

FM: Durant votre carrière vous avez porté le maillot de l'OM. Un club où Marcelo Bielsa va officier. Que pensez-vous de son arrivée ?

SM : Aujourd'hui, il y a un entraîneur à poigne qui arrive. Je crois qu'ils ont prévu de reprendre le 15 juin d'après ce que j'ai entendu dire. Ce qui serait une première. On peut se dire que ça risque d'être bien. Ça peut fonctionner parce que c'est un homme droit, qui sait se faire respecter, qui a l'habitude de pratiquer du bon football partout où il est passé. A priori, ça sent bon. Après il y a le contexte marseillais qui est compliqué. Il y a la pression, l'impatience des supporters. Cette année, ils se voyaient finir dans les trois premiers. Quand on regarde les budgets, l'investissement, ils avaient toutes les raisons de croire à une place dans les trois premiers. Vont-ils être aussi patients l'année prochaine ? Je ne suis pas sûr. Je pense qu'il faudra vite avoir des résultats. Sinon ça risque d'être compliqué. Moi j'aime bien l'idée qu'un Argentin vienne avec sa grinta, son tempérament et ses méthodes. Aujourd'hui, je n'ai que des a priori positifs. Après, maintenant il y a la réalité du terrain.

FM : Vous êtes passé par Lyon où vous avez gagné le premier titre de champion de France du club en 2002. Dans le futur, pensez-vous qu'il soit possible de revoir le Lyon de la grande époque ?

SM : Çà va être difficile parce qu'il y avait moins de concurrence à l'époque. Maintenant, il y a Paris qui est vraiment au-dessus de tout le monde. Je pense que Lyon peut revenir et avoir sa place dans les trois premières équipes de la L1. Quand je vois Lille et Saint-Etienne, qui pourront être troisième cette année, je me dis que l'OL avait sa place. Lille et l'ASSE n'avaient pas de compétitions européennes il me semble. Ça les a peut-être à un moment donné aidé. J'en suis même sûr. Quand on regarde le nombre de matches joués par Lyon aujourd'hui, les voir 5e et toujours en course pour la qualification pour la Coupe d'Europe, je me dis que c'est du bon boulot. Maintenant, redevenir ce que Lyon était avant, ça va être compliqué sans moyens financiers. Parce que le nerf de la guerre c'est quand même ça.

FM : Vous êtes désormais consultant pour Infosport+ et très engagé au Red Star votre club formateur. Quelques mots là-dessus....

SM : Pour l'instant, je me plais dans ce rôle de consultant. Je suis aussi directeur sportif du Red Star qui évolue en National. C'est une fonction qui me prend aussi du temps. J'aime bien cette double casquette. Cela me permet d'avoir un regard et une analyse différents sur les matches. Comme j'ai des diplômes d'entraîneur, tout cela concorde. Ce que je fais actuellement me plait bien. (...) J'ai beaucoup de projets avec le Red Star. L'un d'eux est de remonter en Ligue 2. Quand j'ai débuté ma carrière ici, le club était en L2. Donc le projet c'est de retrouver la L2 et le statut professionnel. Avant, on avait un club où l'on se basait sur la formation. Je suis issu du centre de formation. Beaucoup de joueurs de l'équipe première étaient issus du centre de formation. Le but c'est de retrouver ça. Cela on ne peut l'avoir qu'en remontant et en se stabilisant en Ligue 2 pour pouvoir créer un centre de formation et se baser là-dessus. Dans un futur proche ou lointain selon la réussite, remonter en Ligue 1 pourrait être le futur projet du club.

FM : Vous avez entraîné aussi. Revenir sur un banc dans le futur, est-ce envisageable ?

SM : Dans un futur très lointain je pense. Pour l'instant, je suis très bien dans mes fonctions de directeur sportif. Après cela ne m'empêche pas de temps en temps d'aller voir les entraîneurs et de donner mon avis sur les équipes jeunes ou même l'équipe première. Il y a ma carrière et mon diplôme d'entraîneur qui me donnent un peu de crédit lorsque je parle de football. C'est sûr que je n'exclus pas de revenir sur un banc un de ces jours. Maintenant, je suis très bien là. C'est une autre facette du football. On est un peu plus dans les bureaux que sur le terrain. Pour l'instant, ça me plait.

FM : Avant de prendre votre retraite sportive, vous avez joué en amateur. Un phénomène de plus en plus en vogue puisque Giuly ou encore Govou évoluent à Chasselay par exemple cette saison. Comment expliquez-vous cela ?

SM : Déjà, il est difficile d'arrêter. Des fois, malgré l'âge, on a encore un bon niveau. Mais pas assez pour jouer encore en pro. Du coup, on retourne au niveau amateur et on se retourne vers les premiers clubs que l'on a connu s'ils sont à des niveaux corrects. Cela a été le cas pour moi. Cela l'a été aussi pour Ludovic Giuly ou Sidney Govou aussi. Ils sont en CFA à Chasselay. Ils peuvent encore jouer et rendre service au club amateur. Je sais que Giuly a démarré là-bas. C'est une façon de boucler la boucle et rendre service au club qui l'a formé. Moi, c'était un petit peu le même cas. Donc c'est pour ça qu'il y a de plus en plus de joueurs qui arrêtent sans vraiment arrêter. Ça permet aussi pour certains de passer les diplômes d'entraîneur. C'est une sorte de reconversion en continuant de jouer, même si c'est au niveau amateur.

La suite après cette publicité

Fil info

La suite après cette publicité