Info FM : l’agent Frédéric Guerra vous décrypte le mercato estival

Par Khaled Karouri - Jahed Makhlouf - Quentin Siebman
6 min.
Frédéric Guerra se confie pour FM @Maxppp

Agent influent en France, Frédéric Guerra est venu dans les bureaux de Foot Mercato. L'occasion pour lui de revenir sur un mercato estival à deux vitesses.

**Foot Mercato : Quel bilan faîtes-vous du mercato écoulé ?

Frédéric Guerra :** Il suffit de regarder le transfert de Gareth Bale, qui est somme toute exceptionnelle, étant le record de tous les temps. Il s'est donc échangé 100 M€ sur un seul transfert, ce qui correspond au double des sommes échangées franco-françaises dans ce mercato d'été. Les clubs ont peur de s'investir, et font confiance à leur centre de formation, comme l'Olympique Lyonnais.

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**FM : En France, hormis le PSG et Monaco, les autres clubs ont peu investi. En tant qu'agent, est-il plus difficile de travailler dans un tel contexte ?

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FG :** Je pense, oui. Le contexte actuel est beaucoup plus difficile, beaucoup d'agents se plaignent de ne rien avoir fait. Mais c'est normal, la bulle football a explosé, est en crise comme le reste du monde, donc forcément ceux qui comme moi travaillaient avec les 18 autres clubs de Ligue 1 ont souffert.

**FM : Vous travaillez depuis de longues années avec de nombreux joueurs de l'OL. Avoir une telle relation avec un club sur la durée est-il un atout dans les discussions ?

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FG :** Oui et non. Chaque dossier a été ouvert en présence des gens du club, et on les a ré-ouverts ensemble sans jamais évoquer d'autres dossiers. Je n'ai jamais parlé de plusieurs joueurs dans la même réunion sans que cela ne soit demandé par le club, mais très souvent le club est respectueux. Si on se voit à un rendez-vous pour un joueur donné, on ne parlera que de ce joueur. Aujourd'hui, avec Lyon, j'ai des rapports très respectueux, autant dans un sens que dans l'autre, et j'ai toujours été très attentif au fait de ne pas mélanger les dossiers, car ça voudrait dire léser quelqu'un par rapport à un autre. Pour le club, ce ne sont que des salariés, mais pour moi ce sont des individus différents, avec leur égo, leur manière de penser, leur plan de carrière.

**FM : Après avoir connu un OL ogre de la L1, voilà un OL rentré dans le rang. Cela change-t-il le contenu des négociations ?

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FG :** Tous les autres clubs sont aussi dans des difficultés financières. Le plus dur à faire comprendre au joueur, c'est justement qu'on n'est plus dans les phases financières du passé. Le football est en crise. Knysna, en 2010, a mis une pierre à l'édifice de la crise du football. Les Français ne se reconnaissent plus au travers de l'équipe de France, aussi par rapport à La Marseillaise, parce que d'autres se sont permis des mauvaises attitudes par rapport à l'argent qu'ils avaient. Et dans un monde de crise, il faut ramener de l'humilité, faire comprendre aux jeunes qu'ils doivent aller au devant du public. L'OL, parce qu'il y a moins de stars et de football de haut niveau, voit ses abonnements baisser. Une fusion se passait entre le public et le terrain, mais la déception et la désertion vient plus d'un contexte d'attitude et de jeu, qu'autre chose. Ce sport est populaire, et attirera encore les masses.

**FM : Déplorez-vous le fait que, de nos jours, l'aspect contractuel et salarial prend le pas sur le côté purement footballistique ?

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FG :** Ce qui est le plus dérangeant aujourd'hui, c'est qu'on puisse n'analyser que l'aspect contractuel, or dans le foot il y a de belles choses à analyser, comme des mauvaises. Par exemple, le jeu de l'équipe de France est d'une tristesse... Pareil pour la Ligue 1. Quand je vais voir des matches de jeunes, je fais le même constat, et j'en tire donc des conclusions. Je me dis que ce qui était la formation à la française, qui était exceptionnelle et admirée par tous et même copiée, n'est plus ce qu'elle était. Aujourd'hui, les entraîneurs poussent la culture tactique au maximum, en oubliant le côté créativité du football. Aujourd'hui, c'est prends et donnes, c'est d'un ennui absolu. Moi qui me suis occupé de Ben Arfa, avec une créativité à faire rêver les petits comme les vieux... Pareil pour Ribéry, abandonné par un centre de formation, pareil pour Valbuena ou Carrière, parce que c'était des créateurs. Aujourd'hui, si vous êtes marathonien et que vous avez un peu de technique, vous êtes sûr de jouer au football. Ce n'était pas vrai du tout il y a 10-12 ans. Le supporter veut du spectacle, du génie, il vaut mieux un 10-8 qu'un 0-0. Mais c'est comme dans la vie, on dit souvent que peu importe la manière seul l'objectif est important.

**FM : Un joueur libre fait parler de lui, c'est Anthony Réveillère, qui n'a finalement pas rejoint l'OM. On sait que de nombreux agents gravitent autour de ce dossier. Avez-vous tenté d'en faire partie ?

FG :** Non, je ne m'occupe jamais d'un dossier qui n'est pas le mien sans qu'un joueur me le demande. D'autre part, lorsque je travaille pour un joueur je le fais de façon exclusive. Lorsqu'il y a plusieurs agents, il y a plusieurs discours, plusieurs interlocuteurs, et dans ces milieux-là la discrétion est de mise. Quand il y a trop d'interlocuteurs, les clubs se fatiguent. Je préfère donc ne parler que de mes dossiers.

**FM : Les clubs peuvent également mandater des agents pour placer un joueur, chose qui a été énormément mise en œuvre durant ce mercato. Avez-vous vous-même fait l'objet de ce genre de sollicitations ?

FG :** Bien sûr. Cela ne date pas d'aujourd'hui. Un agent, est souvent critiqué, mais ça arrange les clubs. Car quand un club vous dit qu'il aimerait faire disparaitre X de son club et qu'il aimerait que vous vous en occupiez, le club est tranquille car il y a de la discrétion, ils n'ont pas à le dire aux joueurs, ils parlent à des agents en qui ils ont confiance. Tout ça évite les vagues au sein de l'entreprise.

**FM : Parmi les joueurs avec qui vous travaillez, Sidney Govou et Mahamadou Diarra sont pour l'heure libres. Où en sont-ils ?

FG :** Suite à sa grave blessure, je touche du bois, Sidney court à nouveau, il fait des appuis. On peut estimer que, d’ici quelques jours, il va pouvoir retoucher le ballon. Il revient du diable vauvert tellement sa blessure a été compliquée. Mahamadou Diarra, c'est pareil. Lorsqu'il était au Real Madrid et qu'il était blessé, j'allais le voir à l'hôpital, je lui demandais comment pouvait-il être dans cet état. Et il me répondait que Dieu n'avait pas inventé l'homme pour jouer au football (rires). Je trouve qu'on en fait beaucoup, ce ne sont pas mes machines, les tendons s'usent. Même s'ils ne retrouvent pas de club, ce n'est pas dramatique, car ils ont eu une très belle carrière, ont vécu des moments d'exception.

**FM : Avez-vous des touches pour eux ?

FG :** Oui, bien sûr, des clubs m'appellent. Paradoxalement ce sont des clubs exotiques, ce qui leur fait changer beaucoup de choses dans leur vie. Ils y réfléchissent. Pour des joueurs en fin de carrière, c'est très loin du contexte financier que l'on peut imaginer.

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