Entretien avec… Franck Sauzée : « Les clubs français doivent se décomplexer ! »

Par Khaled Karouri
7 min.
Franck Sauzée, une passion toujours intacte @Maxppp

Rares sont les joueurs français à pouvoir se vanter d'avoir remporté une Coupe d'Europe. Parmi eux, on retrouve Franck Sauzée. L'ancienne frappe légendaire du football hexagonal a aujourd'hui tourné la page pour endosser le costume de consultant. Pour Foot Mercato, il revient sur sa nouvelle vie, sa carrière, les clubs français et les Bleus.

Foot Mercato: Tout d'abord, comment allez-vous?

Franck Sauzée : Et bien écoutez, très bien je vous remercie. Tout va très bien.

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FM : Vous êtes aujourd'hui consultant. Comment s'est passée votre reconversion?

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FS : Lorsque j'ai arrêté ma carrière, je me suis donné deux ans pour respirer un peu, car une carrière de footballeur, c'est assez intense. J'ai eu la chance de jouer pendant pratiquement 20 ans. C'était donc important pour moi de prendre mon temps. Bien vivre son après carrière n'est pas évident. On parle de petite mort d'ailleurs, mais j'ai la chance de continuer ma passion.

FM : Comment vous êtes-vous décidé à devenir consultant?

FS : J'ai eu une première expérience lors de la Coupe du Monde 1998, pour France Télévisions. Ça m'a plu et après mes deux années sabbatiques, j'ai eu la chance de faire un essai avec Canal+ et Thierry Gilardi. Thierry m'a dit que c'était bon donc je suis parti sur Canal. Je regrette seulement de ne pas avoir pu commenter une seule fois avec lui.

FM : En tant que consultant, quel joueur de Ligue 1 vous impressionne le plus?

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FS : J'aime bien Ciani, il a un avenir certain. Des jeunes comme M'Vila à Rennes ont de la qualité. Mais celui qui m'impressionne le plus, qui sera vraiment un énorme joueur, c'est Eden Hazard. Je pense que c'est un joueur de grande classe.

FM : Pensez-vous qu'un retour dans le milieu, en tant qu'entraîneur ou dirigeant, serait possible?

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FS : Oui, pourquoi pas. Mais ce n'est pas d'actualité. Il faut vraiment faire les choses comme on les sent. J'ai déjà eu une ou deux touches mais je n'ai pas donné suite car il faut vraiment en avoir envie. Pour l'instant, ce que je fais me plaît beaucoup. Mais peut-être qu'un jour effectivement je dirai oui, ça fait partie d'une certaine logique donc pourquoi pas.

Un parcours inévitablement lié à l'OM

FM : Vous parliez tout à l'heure de carrière intense. Quels souvenirs en gardez-vous?

FS : Je suis fier de ma carrière. J'ai joué 20 ans donc ça, c'est vraiment positif. Bien évidemment, ensuite il y a des choix judicieux, d'autres un peu moins. Mais j'ai eu la chance d'être champion d'Europe avec les Espoirs, de connaître l'équipe de France, d'être à Marseille, j'ai joué des finales. Quand on arrête sa carrière, ce qu'on retient le plus, ce sont les aventures humaines. Je prends beaucoup de plaisir à discuter avec des joueurs que j'ai connu dans ma carrière.

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FM : Mahamadou Diarra disait que, quand il était jeune et qu'il jouait au football avec ses amis, il se prenait pour vous. Avez-vous conscience d'avoir marqué les esprits de certains jeunes ?

FS : Cette équipe marseillaise était assez représentative de ce qu'on a pu appeler plus tard la France Black, Blanc, Beur. On était précurseur. Il y avait une mixité extraordinaire. Marseille représentait une partie du sol africain. Au Vélodrome, on trouve de toutes les nationalités, c'est fabuleux. Cette équipe était représentative et Marseille a eu un impact sur le football africain. Et je me souviens de cette phrase de Mahamadou qui disait ça car il s'amusait à frapper le plus fort possible (rires). Il avait donc décidé qu'il était Franck Sauzée. Ça m'avait fait sourire quand il m'en avait parlé.

FM : Vous avez évoqué l'OM. Il est vrai que votre nom est forcément associé à celui du club phocéen. Est-ce le club qui vous aura le plus marqué ?

FS : Incontestablement, oui. Mais je n'oublie pas pour autant que je suis passé par Sochaux, où j'ai été formé. Dans les années 1980, c'était le centre de formation de référence. J'ai appris le métier là-bas, j'y ai joué mes premiers matches en pro. J'y ai une partie de moi. Après, il y a Marseille où là, quelque part, c'est l'accomplissement d'une carrière. On a tout gagné avec ce club. J'ai joué 4 ans à Marseille, j'aime ce club. Je suis supporter de cette équipe. C'est d'ailleurs la difficulté quand je commente mais je laisse l'aspect émotionnel de côté.

Son avis sur les clubs de Ligue 1

FM : Quel regard portez-vous sur cet OM version Didier Deschamps ?

FS : C'est une équipe qui monte en puissance. Durant la deuxième partie de saison, Marseille est toujours mieux donc il ne faut pas s'arrêter là. En cette fin de saison, tout peut encore bouger.

FM : Comme voyez-vous cette fin de saison ?

FS : Le calendrier est brouillon, avec les matches reportés. Bordeaux et Montpellier sont à égalité, mais il ne faut pas oublier que Bordeaux a un match en moins. Après, un match en moins n'est pas une victoire assurée. C'est donc très serré et il faudra certainement attendre jusqu'au bout pour connaître le champion. Pour les trois premières places, Bordeaux est en pole position. On parle beaucoup de Montpellier et je pense qu'ils vont réussir à se maintenir sur le podium. Et puis derrière, Lyon, Marseille voire Lille et Auxerre sont aussi présents donc c'est difficile de se prononcer. Il risque d'y avoir encore quelques revirements de situation avec les confrontations directes.

FM : Vous avez remporté la Coupe des Clubs Champions avec l'OM. Un club français peut-il à nouveau réaliser cet exploit ?

FS : Ça sera compliqué, c'est sûr. Maintenant, il faut prendre exemple sur Monaco qui a perdu en finale. Ça doit motiver. Il faut se hisser au niveau des grands clubs européens du point de vue du mental. Quand on voit les demi-finales de la Ligue des Champions, c'est souvent les quatre plus gros budgets qui sont présents. Sur ce plan-là, c'est difficile d'être compétitif, mais on peut arriver à compenser. Il n'y a qu'à voir ce qu'a fait Lyon contre le Real, c'est remarquable. Il faut croire profondément en ses chances et se décomplexer. En 1993, il ne faut pas croire, le Milan AC était supérieur, mais l'équipe avait un état d'esprit de guerrier et on est allé la chercher. Il ne faut pas non plus se réfugier derrière l'argent. Il faut aller au bout de soi-même et se faire mal. Ce sont des valeurs qu'on ne peut pas négliger en football.

FM : Et en Europa League, un club français peut-il l'emporter?

FS : Bien sûr que Marseille a les moyens de l'emporter. Il y a aussi Lille qui peut aller loin. On a deux clubs susceptibles d'aller loin même si cette Europa League est relevée. Il faut simplement qu'ils croient en eux.

Son point de vue sur les Bleus

FM : La Coupe du monde approche à grands pas. Quel regard portez-vous sur l'équipe de France?

FS : Il y a un discours tenu depuis maintenant quelques années, mais on n'en voit pas la couleur sur le terrain. On fait des constats qui sont alarmants. Il faut dire ce qui est, il n'y a plus Zizou pour faire un coup comme au Mondial 2006 car c'est lui qui avait pris les choses en main. J'ai du mal à adhérer au discours du sélectionneur national qui se veut rassurant mais une chose est sûre, on n'arrive pas à produire du jeu. Ça fait peur d'autant que sur le dernier match, on a perdu face à une équipe d'Espagne au petit trot ! Je fais partie de ceux qui aiment profondément le football et l'équipe de France et j'aimerais voir toutes ces individualités se fondre dans un collectif. Il faut une prise de conscience et que les joueurs se prennent en charge car la France peut faire un bon parcours.

FM : Que pensez-vous du débat autour de Thierry Henry?

FS : C'est un joueur qui a été décisif en équipe de France. Son passé plaide en sa faveur. Il se trouve qu'à l'heure actuelle il ne joue pas au Barça et ça se voit. Contre l'Espagne, il n'y était pas. S'il continue à être sur le banc, ce n'est pas en trois semaines de stage juste avant le Mondial qu'il sera au niveau. Même s'il faut l'emmener en Afrique du Sud du fait de son impact dans le groupe, il faudra prendre des décisions.

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