L’autre visage des Ultras français

Par La Rédaction FM
7 min.
Les tribunes françaises en action @Maxppp

Indispensable composante du monde du football, les supporters, au premier rang desquels les Ultras, sont pourtant méconnus du grand public. Au-delà du stade, de nombreuses actions à portée associative voient le jour chaque année.

Fréquemment pointés du doigt, mis au ban par une bonne partie des médias et de l’opinion publique, les Ultras, ces supporters particulièrement actifs qui animent les tribunes françaises par leur engagement inconditionnel auprès d’un club, sont actuellement en voie de disparition. Victimes d’une réputation de fauteurs de troubles et de décérébrés qu’ils subissent plus qu’ils ne méritent, ils sont plus que jamais dans l’œil du cyclone des autorités ainsi que de la Ligue de Football Professionnel. Tandis que l’étau se resserre autour de nombreuses pratiques faisant pleinement partie de la culture des tribunes, que la répression décime les noyaux de ces groupes pourtant bien structurés, les Ultras français sont à un tournant de leur existence.

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Apparus dans l’Hexagone sous leur forme actuelle entre le milieu et la fin des années 80, les groupes de supporters jouent depuis toujours un rôle majeur dans les différents échelons du football français. N’a-t-on pas pour habitude d’associer immédiatement Lens et Saint-Étienne à leur public respectif ? Ne promeut-on pas à la télévision une rencontre du haut de tableau en évoquant « l’enfer » de tel ou tel stade, images de tribunes en ébullition à l’appui ? Spectacle pour les joueurs, le « 12e homme » est suffisamment vanté pour son influence, il l’est également pour les autres spectateurs qui garnissent chaque week-end les travées des stades français. On ne vient ainsi pas seulement au stade pour assister à une manifestation sportive mais également pour profiter d’une atmosphère dont il est absolument impossible de s’imprégner de l’autre côté d’un écran.

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Entre défiance et méconnaissance

Tifos, banderoles, chants, animations diverses et variées dans ou autour des stades, les Ultras sont les premiers responsables de cette ambiance. Si d’autres groupes qui ne se qualifient pas comme tels remplissent également ce rôle, ils sont davantage l’exception que la règle. Car au fond, qu’est-ce qu’un Ultra ? Pour répondre à cette question, Foot Mercato a tendu le mégaphone à ceux qui font le mouvement ultra français. Pour James, ancien porte parole d'une association (à présent dissoute, ndlr) du PSG : «Un groupe ultra, c’est la base pour un jeune. Un premier exemple structuré où il y a des règles. L’existence même d’un groupe ultra, c’est l’action sociale.» Pour Romain, des Ultramarines de Bordeaux : «C’est la passion qui est vécue dans tous les domaines qui entourent le stade. Notre but premier c’est d’animer les tribunes, alors pour cela, le groupe vit comme une vraie association. Il y a des réunions toutes les semaines et certains viennent quotidiennement au local pour organiser nos animations, créer des graffs, des sticks, des pochoirs, on prépare nos déplacements, nos tifos.»

Une passion «chronophage» que Pierre, responsable des Red Tigers Lens 1994 et président de l'Association Nationale des Supporters décrit comme «une façon de supporter son équipe, par des déplacements, des tribunes vivantes et des tifos. C’est à la base une bande de potes qui se voient en dehors du stade. Nous sommes indépendants et auto-financés. Nous sommes en constante relation avec le club, c’est nous qui montons au créneau pour tirer les bretelles du club. Nous avons tous la volonté de combattre le football moderne.» Car à l’origine, existe surtout une bande d’amis qui en décidant de s’unir et de coordonner leurs efforts, ont un jour fondé un groupe. Et au-delà, c’est une vie associative qui s’organise. Comme toute association, le lien social occupe une place prépondérante.

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Ultras, des acteurs sociaux engagés

Plutôt hostiles aux médias du fait de fâcheux précédents, les Ultras se retrouvent malgré eux sous-représentés, voir mal représentés dans l’actualité, et ainsi relativement méconnus du grand public. Pas étonnant à partir de là qu’ils fassent régulièrement l’objet de raccourcis ravageurs pour leur image. Combien de fois ont-ils été confondus avec des hooligans lors d’incidents violents en marge de certains matches ? Sans angéliser ceux qui mettent un point d’honneur à défendre farouchement leur cité, leur club et leur groupe, les Ultras n’ont rien à voir avec ceux qui, en provoquant des heurts, parfois planifiés, discréditent l’œuvre de passionnés et d’inconditionnels. «Venez au stade, ouvrez les yeux, parce que ceux qui parfois nous critiquent, notamment dans les médias, on a l’impression qu’ils ne viennent pas vraiment voir les matches, et qu’ils ne sont pas au même endroit que nous. Alors de la tribune présidentielle peut-être qu’ils ont l’impression que l’on insulte tout le temps, que l’on est des vauriens, des voyous, mais au final pas du tout. Il y a de tout dans une tribune et notamment des gens très bien qui sont là pour encourager leur équipe de manière tout à fait normale, et qui n’hésitent pas à se bouger pour d’autres actions solidaires, et aider les autres », nous confiait Flo, capo de Lyon 1950, groupe d'Ultras lyonnais.

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Car il y a des choses dont on parle bien peu. Lorsqu'ils ne s'usent pas les mains et la voix à encourager leurs protégés, les Ultras se muent en véritables acteurs sociaux. Au bon souvenir des associations de supporters du PSG, James relate : « Avec des groupes qui ne sont maintenant plus au Parc, on avait organisé une collecte de vêtements et de médicaments de première nécessité pour venir en aide aux Balkans. C’était organisé dans un gymnase du Kremlin Bicêtre.» Pour les Red Tigers Lens 1994, comme pour plusieurs groupes d'Ultras français, la période de fêtes de fin d'années rime forcément avec générosité : «Cela fait 9 ans que nous organisons le Noël des Enfants. Nous collectons des jouets dans les quatre tribunes du Stade Bollaert. Nous les redistribuons ensuite dans les hôpitaux de Lens et d’Arras pour les enfants qui sont hospitalisés pendant les fêtes. La plupart du temps, nous essayons d’amener des joueurs ou le coach avec nous, ça donne le sourire aux enfants».

Murir ensemble pour survivre

Parfois, les Ultras s'unissent avec des associations caritatives pour mener à bien des projets et prêter main forte aux bénévoles, c'est le cas des Ultras Bordelais qui sont venus en aide aux Restos du Cœur : «Cela fait 30 ans que le groupe existe, 20 ans que nous faisons dans l’action sociale. Nous avons collaboré avec les Restos du Cœur. Nous aidions à la distribution des repas, nous collections du matériel de cuisine comme des casseroles ou des poêles», confiait Romain, des Ultramarines. À Lyon, une collecte de vêtements chauds et de jouets a été organisée la semaine passée au profit de l’association Notre-Dame des Sans-Abri : «On fait plein d’actions qui tournent en général autour du foot. On a des moments de vie ensemble, on essaie de vivre notre passion ensemble, et là pour une fois que l’on peut faire autre chose et utiliser ce phénomène de groupe pour une action solidaire au profit des plus démunis, on a trouvé que c’était une bonne idée», souligne Flo de Lyon 1950.

On pourrait également souligner les collectes de nourriture organisées à Bastia, Colmar et bien d'autres villes à l'initiative des Ultras locaux, sans oublier la vie associative marseillaise, allant là encore bien au-delà du football. Récemment près d'un millier de supporters de la France entière ainsi que d'une partie de l'Europe s'étaient réunis à Lyon pour réclamer l'interdiction du flash-ball autour des stades, suite à la dramatique blessure à l’œil de l'un des leurs. Des rassemblements qui se multiplient, permettant ainsi à une partie du mouvement ultra de gagner en maturité, délaissant volontiers les querelles passées pour faire front commun face aux défis de l'avenir : «On a tous évolué comme homme en étant ultra, c’est une prise de responsabilité, il faut parfois écrire (communiqués pour les clubs, la LFP, ndlr). Il faut prendre confiance en soi aussi, être professionnel. On agit démocratiquement et tout le monde a le droit à la parole», résume Romain des Ultramarines. Si tout n'est pas toujours rose dans le petit monde des Ultras, et que la vindicte populaire se charge bien assez vite de pointer du doigt le moindre écart de conduite, il est pourtant faux de ne se fier qu'à la représentation médiatique qui est la leur actuellement. Ils devront vraisemblablement vociférer plus fort pour faire entendre la voix de leurs tribunes, à moins de deux ans de l'Euro 2016...

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