À lire Ligue 2

De la recherche pétrolière au statut d’agent prometteur, l’ascension éclair de Jérôme Lancery

Par Sébastien DENIS
8 min.
Jérôme Lancery lors de la présentation de Mickaël Landreau à Lorient @Maxppp

En deux ans, Jérôme Lancery a plaqué une vie professionnelle aboutie et confortable pour le monde tumultueux des agents. Par le biais de l’EAJF, il a obtenu sa licence d’agent et a récemment fait signer Mickaël Landreau à Lorient. Retour sur cette trajectoire peu banale…

Qui n’a jamais rêvé de changer de vie ? De faire un virage à 180° dans sa carrière ? Ce rêve, Jérôme Lancery l’a réalisé il y a deux ans. Son nom ne vous dit rien, mais ce jeune agent s’est déjà montré très actif depuis le début du mercato. La signature de Mickaël Landreau à Lorient, c’est lui. La venue puis la prolongation de Sylvain Marveaux chez les Merlus, c’est lui aussi. Pourtant, à l’écouter, rien ne prédestinait cet employé dans la recherche pétrolière à changer de vie il y a deux ans pour devenir agent de joueurs.

La suite après cette publicité

« J’ai eu une expérience assez enrichissante à l’étranger. J’ai travaillé dans la recherche pétrolière pendant plus de 10 ans sur des bateaux de recherche où je faisais de la cartographie 3D du sous-sol maritime pour donner le volume de pétrole potentiel et le lieu le plus précis pour le forage. Je gérais une équipe d’ingénieurs et de techniciens. Mais au bout d’un moment, j’avais fait un peu le tour du job et le fait d’être loin de ma fiancée et d’être en vase clos dans un bateau en pleine mer six mois par an commençait à me peser. Ensuite, il y’a eu un tournant dans l’industrie du pétrole et je me suis dit que, de par mon expérience et de par mes relations dans le foot, il était temps de passer à l’acte. » Un tournant dans la vie professionnelle de ce breton, bien meilleur pour négocier les contrats et analyser le jeu des joueurs que pour le pratiquer sur les vertes pelouses.

À lire L2 : Auxerre étrille Laval et se rapproche de la promotion, Angers et l’ASSE suivent

L'EAJF, le déclic qu'il attendait

Reste que s’il a des connexions depuis de nombreuses années dans le foot, il ne s'imaginait pas forcément en agent. « Je n’avais pas forcément prévu de passer ma licence d’agent, mais la lecture d'un article paru sur l’école des Agents de Joueurs de Football (EAJF) a été un déclic pour moi. C’était le moment de me lancer. Je suis impliqué dans le foot depuis un certain moment et j’ai décidé de passer ma licence. Au début, je pensais qu’il s’agissait d’une licence privée mais après j’ai vu que c’était assez encadré et qu’il fallait faire le truc à fond sinon tu ne passais pas. Je me suis mis à fond pendant un an et l’école m’a bien aidé avec des intervenants de qualité. Au fur et à mesure des épreuves, je voyais mes camarades échouer et au final tu te retrouves à la fin un peu seul tant c’est compliqué. »

La suite après cette publicité

À l’heure où la profession d’agent souffre d’une mauvaise image dans l’imaginaire collectif, l’ambition de l’EAJF depuis une décennie est de former chaque année de nouveaux agents dotés non seulement d’une solide compétence juridique, mais également d’une éthique irréprochable. Ainsi, une fois le précieux sésame donnant officiellement le droit de représenter un joueur obtenu, Jérôme Lancery a rapidement été confronté au milieu du football professionnel dans un monde semé d’embûches, notamment pour les plus novices, ou ceux bénéficiant le moins de connexions dans le milieu. « Après l’obtention de la licence, le plus dur commence. Et il ne suffit pas d'avoir un carnet d’adresses bien rempli pour réussir à percer. C’est un vrai métier, il y en a beaucoup trop qui pensent qu'avoir eu une carrière de joueur professionnel, ou avoir des amis ou de la famille dans le monde pro, suffit pour devenir agent. Si vous pensez ça, c’est tomber dans un raccourci pour le moins dangereux. Il y a un vrai travail de fond derrière. »

Un travail de fond effectué en amont grâce à son entourage, mais aussi à sa parfaite connaissance du monde du foot et de ses méandres. Un avantage qu’il assume parfaitement aujourd’hui et qui fait l’une de ses forces. « Moi j’ai eu la chance de grandir dans le monde professionnel de par des relations familiales. Depuis l’âge de 8 ans, j’ai baigné dans le foot professionnel et ça, c’est une vraie force d’avoir une éducation footballistique et d’en connaitre les codes. Savoir rester à sa place quand il faut, ne pas se prétendre entraîneur, technicien ou analyste vidéo. C’est quelque chose qu’il faut savoir faire avec tes joueurs. Parce que ce n’est pas ton métier et que ça peut mettre en porte-à-faux ton joueur dans son club. »

La suite après cette publicité

Le métier d'agent, un job à temps plein !

Au-delà de la licence d’agent, la formation reçue à l’EAJF a permis à l’agent de Mickaël Landreau d’être incollable sur tous les aspects contractuels et sur le métier d’agent de joueur. En cela, la formation dispensée à l’EAJF s’est avérée payante. En plus d’une connaissance juridique incontournable, son cursus lui a appris à appréhender l’aspect relationnel si particulier d’un sportif de haut niveau. Une connaissance indispensable selon lui pour répondre aux attentes des joueurs qui n’accordent que peu d’intérêt à l’aspect contractuel d’un transfert. « Pour les contrats que je viens de faire, je suis entré dans les détails, c’est grâce à la licence, grâce au fond et à la prise de conscience de tout le pavé à apprendre. Aller chercher le moindre détail pour défendre les intérêts du joueur, ça c’est un vrai métier. Il ne faut pas tomber dans les travers de la facilité à se dire, j’ai un copain qui est pro, je vais lui gérer sa carrière. Non, il y a une forme de responsabilité sur le contrat. Parce que généralement, les joueurs ne lisent pas leur contrat en profondeur et ils ont une confiance aveugle en leur représentant. Et si l’agent n’est pas sérieux, on peut vite avoir à faire face à de sacrées déconvenues. »

Intarissable sur le métier d’agent de joueurs, Jérôme Lancery aime faire partager sa connaissance de ce monde. S’il n’hésite pas à donner de sa personne à l’EAJF, ce dernier ne souhaite pas pour autant mâcher le travail aux élèves. « J’aime montrer la clarté du métier. Après, il ne faut pas mâcher le travail aux élèves. Il y a certaines choses qu’il faut aller chercher soi-même. Tu ne peux pas attendre que les clubs t’appellent. C’est charmer les directeurs sportifs hors période de transferts. Il faut se déplacer dans les clubs dans les moments de calme. Il faut toujours garder un temps d’avance et anticiper les besoins », explique-t-il, tout en restant très lucide sur son cas personnel. « Après c’est facile pour moi de dire ça. J’ai le luxe d’avoir commencé fort. Mais la difficulté, c’est qu’il faut continuer sur cette dynamique pour essayer de faire au minimum aussi bien voire même mieux. Mais tout ça, ça se provoque, rien n’arrive tout seul. Il faut aussi savoir rester ouvert et accessible car on apprend beaucoup des personnes que l’on peut rencontrer.»

La suite après cette publicité

Une vingtaine de joueurs sous contrat

« Je suis agent depuis un an. La vie est faite de coïncidence, j’ai fait signer « Micka » Landreau à Lorient le jour du premier anniversaire de ma licence. J’ai fait signer mon premier joueur, Sylvain Marveaux, le 14 juillet 2016, toujours à Lorient, un club et une ville que je connais très bien. Mais je tiens à garder de la distance avec tout ça pour ne pas avoir de conflit d’intérêt sur mes relations. Nous y mettons un point d‘honneur. Si jamais un de mes joueurs devait aller dans un club ou j’y ai un entraîneur ce sera avant tout parce que la cellule de recrutement aurait validé le profil en amont. Concernant Sylvain il était déjà au club. »

Mais les Merlus ne sont pas les seuls à bénéficier des services de Lancery, puisque ce dernier dispose d’une quinzaine de joueurs sous contrat, plus Mickaël Landreau et six jeunes joueurs. Une belle réussite, même s’il déplore aujourd’hui n’avoir aucun joueur dans les gros clubs qui disputent la Ligue des champions. « J’ai 15 joueurs plus Mickaël Landreau. Mais je suis lucide, je n’ai aucun joueur dans un club majeur de l’élite du football Européen. J’ai aussi des joueurs libres (dont Gabriel Obertan, ndlr). J’ai également six joueurs en centre de formation. C’est un bon équilibre, 20-25. Un jeune prend autant de temps, voire plus, qu’un joueur confirmé. Cela coûte autant de temps, d’argent et d’énergie qu’un joueur confirmé et il y a, quoi qu’on en dise, une part de risque », explique-t-il avant de poursuivre. « Dans le milieu il y’a de place pour tout le monde, il y a énormément de joueurs, différentes façon de travailler mais j’essais de représenter des joueurs qui correspondent à certaines valeurs qui me sont importantes. Je ne peux pas correspondre à tout le monde et il y a un type de joueur pour un type d’agent et vice versa selon les affinités ou les projets.»

Bien dans son costume d’agent, l’ancien ingénieur dans la recherche pétrolière assure ne pas avoir de plan de carrière, même s’il reconnaît bien volontiers que le plus dur est à venir pour lui. « Je ne me prends pas la tête. Ça marche bien, si ça continue de marcher tant mieux. S'il n'y a pas assez de rentrées d’argent dans le foot, je ferai quelque chose à côté. C’est quelque chose dont les gens n’ont pas conscience. Tu ne peux pas te permettre de travailler à côté, de faire un autre métier. Au quotidien, tu as une grosse charge de travail. Il faut régulièrement appeler les joueurs, les clubs, la famille. Il faut se déplacer régulièrement, il faut suivre les matches. » Une belle histoire donc, mais qui est loin d’être généralisée chez les agents de joueurs. Un monde sans pitié, où il est difficile de survivre. Mais qui, lorsque tout sourit, peut être une incroyable expérience de vie.

Plus d'infos sur...

La suite après cette publicité

Fil info

La suite après cette publicité