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Mehmed Baždarević-Faruk Hadžibegić : du derby de Sarajevo au derby d’Ile-de-France

Par Mathieu Rault
19 min.
Paris Mehmed Baždarević @Maxppp

À la veille du derby d’Ile-de-France entre le Paris FC et le Red Star, au stade Charléty, comptant pour la dernière journée de la phase aller de Ligue 2, Foot Mercato est allé à la rencontre des entraîneurs des deux clubs, pour évoquer leurs racines. Liés par une même ville, Sarajevo, meurtrie par la guerre, Mehmed Baždarević et Faruk Hadžibegić ne se sont jamais vraiment quittés depuis leur découverte du football français au FC Sochaux, il y a plus de trente ans. Portraits croisés.

Trois ans séparent Faruk Hadzibegic, 61 ans, coach du Red Star, et Mécha Bazdarévic, 58 ans, entraîneur du Paris FC, figures bien connues du microcosme footballistique français. Un détail lorsque l’on observe les parcours intimement liés des deux enfants de Sarajevo. Ce 21 décembre, un sacré bagage sur le dos, les deux hommes prendront place sur les bancs de touche du stade Charléty, enceinte intimiste du 13e arrondissement de Paris, à l’occasion d’un derby d'Ile-de-France entre le « deuxième club » de la capitale, et son voisin de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

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Faruk Hadžibegić est né à Sarajevo, en 1957, au sein d'une République populaire de Bosnie-Herzégovine alors rattachée à la République fédérale populaire de Yougoslavie. Auprès de nous, il évoque une jeunesse qui sonne comme « la meilleure période de (sa) vie. Comme tous les gosses, qui vivaient en famille, avec leurs copains, leurs voisins et leurs coéquipiers du club de football. Une période magnifique d'insouciance ». Né au même endroit, un peu plus au sud, quelques années plus tard, Mehmed (ou Mécha) Baždarević a respiré le même air et ses souvenirs ne diffèrent presque pas.

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Enfances heureuses à Sarajevo

« C'est une enfance que je souhaiterais à tout le monde. C'était une époque que j'aimerais revivre, faite d'innocence, de liberté et que de bons moments. Aujourd'hui, il m'arrive de me souvenir de moments très forts, avec ma famille, avec mes amis et mes coéquipiers du club de foot. Cette période, dans un pays qui était à l'époque la Yougoslavie, n'était que du bonheur » répète-t-il trois fois. Mécha grandit dans une famille « modeste, dans laquelle il ne manquait de rien. Surtout pas l'amour et l'envie d'éduquer ses enfants ». Il grandit avec un frère. Son père, maçon, gagne bien sa vie.

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Si, à l'image des accents qui chevauchent les consonnes de leurs noms, ils se retrouvent sur bien des points, Baždarević et Hadžibegić ont débuté aux antipodes. Faruk fréquente le FK Sarejevo, club du quartier où, fils unique, il vit avec son père, plombier, et sa mère, qui s'occupe du foyer. Le gamin a plus vite fait de rejoindre le Stadion Koševo (photo 1), futur stade Olympique, que l'école. Il y fait toutes ses classes, animé par la passion, « comme tous les gosses un jour ou l'autre ». À cette époque, « tout est parfait et le football n'est qu'un détail » d'une jeunesse dont il ne retient « que la joie de vivre ».

Débuts chez les deux frères ennemis

Les premiers souvenirs de football de Mehmed Baždarević le ramènent à l'école primaire. Un tournoi d'enfants inter-écoles, à huit ans et demi, à Sarajevo. « C'était ma première sortie dans un vrai stade de 15 000 places. C'est quelque chose qui reste aujourd'hui gravé dans ma mémoire ». Comme Faruk, Mécha habite à 500 mètres du stade où évolue le club qui l'a formé. Le Stadion Grbavica (photo 2), antre du FK Željezničar Sarajevo, l'autre club de la capitale bosnienne. Le frère ennemi. Inscrit dans une école technique où il étudie l'économie, Mécha troque rapidement le cartable pour les crampons, focalisé sur le football.

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Paris Mehmed Baždarević

« Nous, Željezničar, nous étions plutôt le club des travailleurs, des étudiants... un club plus populaire. Nous avions beaucoup plus de supporters. C'était un club qui formait des footballeurs, mais aussi et surtout des hommes. Il avait la réputation de faire marcher droit les gamins qui y entraient. On recevait une éducation stricte, pour être prêt à rentrer dans la vie professionnelle par la suite » raconte Baždarević. Club de la compagnie des chemins de fer à l'origine, le FK Željezničar rassemble la classe ouvrière de Sarajevo et s'ouvre dès le départ aux différentes communautés de la capitale.

FK Željezničar, populaire, FK Sarajevo, politique ?

En face, club fondé par la Ligue communiste de Bosnie, le FK Sarajevo, cher à Faruk Hadžibegić. Un lien entre politique et football que Faruk ne renie pas, mais un simple détail qu'il balaye d'un revers de main. « On était dans un pays qui était très bien organisé. On était tous contents. La politique, comme en France, était présente, elle était intéressée par le football. Mais je ne dirais pas que le football était guidé par la politique. Nous étions libres de nos idées », se souvient le coach du Red Star. « Le FK Sarajevo c'était un peu plus... je ne vais pas dire politique, mais disons le club de la Ville », précise l'entraîneur du Paris FC.

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Paris Mehmed Baždarević

Tombés en pleine période de domination des clubs de Belgrade - Partizan et Etoile Rouge - dans le championnat yougoslave, les deux hommes ont néanmoins marqué de manière indélébile les deux institutions de Sarajevo. « Željezničar était un club très très populaire. Un club qui m'a formé et avec lequel j'ai tenté pendant plusieurs années (229 matchs, 22 buts) d'être champion », évoque avec regret Mécha Baždarević. En vain. Le club, qui formera quelques années plus tard un certain Edin Dzeko, ne décrocha qu'un seul titre de champion de Yougoslavie, en 1972. Il n'était alors qu'un gamin. Željezničar s'est depuis construit un palmarès sur la scène bosnienne, qu'il domine aujourd'hui avec 6 titres remportés.

« Nous, on nous appelait les Romantiques »

Mécha se souvient de son premier derby disputé – et perdu (2-1) – face au FK Sarajevo. « On jouait devant 55 000 personnes et à l'extérieur du stade 15 000 personnes qui n'avaient pu rentrer attendaient. À l'époque où j'étais capitaine, on a gagné un grand nombre de derbys. » S'il a remporté plusieurs derbys, il manque un titre de champion au coach du Paris FC, pour le satisfaire complètement. Ce qu'il retient c'est que le jeu primait sur le résultat. « Nous, on nous appelait les "Romantiques". On aimait pratiquer un beau football. Pour nous, être premier ou deuxième c'était très important, mais jouer un beau football l'était encore plus ». Souvent bien placé, «Željo» a aussi été demi-finaliste de la Coupe de l'UEFA en 1985. 

Paris Mehmed Baždarević

Un titre de champion, Faruk en a remporté un, juste avant de quitter la Bosnie, en 1985. Au terme de neuf ans passés dans la capitale (246 matches, 25 buts), il décroche le graal, deuxième trophée majeur du club après 1966-67. Un titre que son ancien partenaire de club, Safet Susic, « le meilleur joueur de l'histoire de Sarajevo » selon ses dires, n'aura pu ajouter à son palmarès, parti briller du côté du PSG trois ans plus tôt. Pour Faruk, direction l'Espagne et le Betis. « Je ne peux pas dire que l'année 1985 a été ma meilleure saison à Sarajevo, même si on a été champion. Sportivement, cela a été une très bonne saison, mais tous les souvenirs passés sont des souvenirs exceptionnels », lâche-t-il indécis.

Sarajevo-Željezničar, derby de la capitale bosnienne

Des souvenirs aussi exceptionnels que le derby de Sarajevo. C'est de ce match à la saveur si particulière qu'est née la relation qu'entretiennent encore aujourd'hui les deux hommes. « On se connaissait des derbys entre équipes de gamins de Sarajevo. La rivalité entre les deux clubs existe encore aujourd'hui. C'est, je pense, l'un des derbys les plus importants d'Europe. Il fallait acheter les billets des semaines à l'avance. Le jour du match, 10, 15 ou 20 000 personnes souhaitaient aller au match mais n'avaient pas de billets. C'était énorme. La ville entière vivait dans l'attente de ce jour-là. Quand tu gagnais, tu étais tranquille. Quand tu perdais, tu étais triste. C'était une question de suprématie et de prestige », se souvient Faruk.

Un derby aux allures de quête de la tranquillité. « Il fallait le gagner, et après on pouvait vivre très tranquillement jusqu'au prochain » se rappelle Mécha. « C'était une rivalité... c'était la guerre ! Mais il faut remettre dans le contexte d'une ville de quand même 700 000 habitants, qui était coupée en deux. C'était une très très forte rivalité. Lorsqu'on joue devant 55 000 spectateurs, à Sarajevo, au Stade Olympique, ou chez nous, devant 30 000, c'était une ambiance de fou. C'était très fort, mais une fois le derby terminé on était très amis. Il n'y avait pas d'animosité entre les deux équipes ».

Paris Mehmed Baždarević

Gagner un peu plus d'argent et découvrir autre chose

Partir, mais partir tard finalement. « C'est le destin de tous ceux qui, un jour, décident de changer de club. C'est finalement quelque chose d'assez normal. À cette période, il y avait de nouvelles opportunités de gagner un petit peu plus d'argent. C'est un petit peu comme aujourd'hui, toutes proportions gardées. Quand vous voyez Rabiot qui pourrait partir à Barcelone, ou Mbappé qui a quitté Monaco pour le PSG. C'est le milieu, c'est le métier qui veut ça », relativise Faruk, qui a découvert l'Espagne à 28 ans, où il évolua du côté du Betis pendant deux saisons.

À l'époque, on ne peut quitter le pays avant vingt-sept ans. Autant dire que les joueurs sont dans les starting-blocks et qu'à peine les bougies soufflées les voilà sur le tarmac de l'aéroport. L'objectif est alors clair : « aller gagner un petit peu d'argent à l'étranger et rentrer au pays », se souvient Mécha. « On partait tous pour une saison loin de la Yougoslavie et finalement nous ne sommes jamais rentrés. C'est une chance que nous soyons toujours là aujourd'hui. Toute la famille est restée à Sarajevo, c'était très compliqué de quitter sa famille, de quitter ses potes aussi. Nous étions vraiment très attachés à nos amis. Les deux premières années ont été très difficiles, après c'est rentré dans l'ordre. Enfin... ». Après, ce fut la guerre.

Ensemble à Sochaux

« J'ai fini par quitter Željezničar. Cela a été perçu à l'époque comme une trahison. Ils auraient aimé que jamais je ne parte. Le pays protégeait son championnat ». À l'époque, Mécha Baždarević donne son accord pour rejoindre l'Inter, mais aussi le Torino. Un imbroglio qui lui vaut une suspension de la part de la fédération italienne et l'oblige à trouver un autre point de chute. Il opte pour la France. L'OL de Jean-Michel Aulas, alors en D2, est proche de l'enrôler, mais Faruk Hadžibegić, tout juste débarqué de Séville, et Silvester Takač, coach serbe du FCSM de retour au club de 1987 à 1994, le convainquent de rejoindre Sochaux.

Paris Mehmed Baždarević

Si les premiers instants sont compliqués à appréhender, rapidement les deux hommes tombent sous le charme. « On est arrivé à l'aéroport, à Sochaux, avec Faruk. C'était un peu bizarre. On ne savait pas où on mettait les pieds. Quand on est arrivé à Sochaux j'ai dit : "mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ce n'est pas une ville". Finalement, on s'y est tellement attaché qu'aujourd'hui encore c'est une région que j'adore. Sochaux m'a donné un nom en France. On y a passé 4 ou 5 très bonnes saisons. Quand on est arrivé, avec Faruk, je crois que les gens étaient un peu surpris que des joueurs de ce niveau-là viennent jouer à Sochaux ».

Le Doubs plutôt que l'Inter ou Barcelone

À l'époque, les clubs se bousculent pour s'attacher les services des deux Bosniens de Sochaux. Mais le président, Jacques Thouzery, est intransigeant. « Monaco, Marseille, Inter, Barcelone...À l'époque, ce n'était pas comme aujourd'hui. Ton club ne voulait pas te laisser partir, tu ne partais pas. Faruk aussi avait de très bonnes propositions. Mais le Président voulait qu'on reste. Et surtout, on était très bien payés. » S'il y a bien eu un départ, l'attachement à cette terre d'accueil est resté. « J'ai beaucoup voyagé, j'ai travaillé ailleurs, à Genève, en Tunisie, à travers la France, mais j'ai toujours conservé ma maison de Montbéliard. On l'a toujours gardé car ça a été notre premier achat là-bas, où est née notre fille. On a des liens vraiment très fort avec cette région, » se remémore Mécha Baždarević.

« Sochaux, c'était un club immense. Je suis passé à une époque à laquelle tous les dirigeants que j'ai côtoyés, la Famille Peugeot... c'était la vraie France, une vraie famille. On m'a accueilli avec ma famille, on m'a aidé à m'adapter à la culture locale, à apprendre la langue aussi. Tout a été très naturel » se rappelle Faruk. Dans le Doubs, les deux hommes font grimper le club en D1 dès leur première saison. La même année, ils atteignent également la finale de la Coupe de France. Après un parcours dantesque (Tours, PSG, Montpellier, Lens, Nice), ils tombent au Parc des Princes face au FC Metz (1-1, 5-4 t. a. b.).

Jouer au football loin de son pays en guerre

Si le conflit débute en juin 1991, avec les guerres d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, il faut attendre le 6 avril 1992 et la déclaration d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine pour que les événements prennent une tournure tragique chez Faruk et Mécha. Les deux hommes sont à Sochaux lorsque le conflit éclate au plus près de leurs racines. Ils restent aujourd'hui profondément marqués. « C'est une tragédie. Le quartier Grbavica, où se trouvait le stade, était en ruines (photo 6). Malheureusement, toute ma famille était là-bas. Ils ne voulaient même pas partir. J'avais 32 ans, je voulais arrêter ma carrière. Je jouais mais mes pensées étaient tournées vers Sarajevo », se remémore Mécha Baždarević.

« Dans mon cœur, il y a encore des traces de la guerre. J'avais des personnes réfugiées chez moi, à Sochaux. Les Sochaliens, les Franc-Comtois, m'ont aidé à sauver pas mal de vies. On a passé un appel à ceux qui étaient là-bas, on a sorti ceux qu'on pouvait. Je suis désolé de ne pas avoir pu faire plus. Je serai éternellement reconnaissant envers les gens qui m'ont aidé à Sochaux. La famille Peugeot et tous les autres. Je n'oublie pas ça ». Chez lui, Faruk héberge une vingtaine de personnes pendant plus de deux ans. Des proches, des amis, femmes et enfants de ses anciens coéquipiers, qui voulaient quitter Sarejevo avant que les choses ne tournent à l'horreur.

Un conflit international, la Yougoslavie comme terrain de jeu

« La guerre a arrêté un pays dans son élan, elle a arrêté le développement de beaucoup de choses. La guerre a surtout causé la mort de plus de 300 000 personnes. Des viols ont été commis. On a détruit un pays. On a détruit les fondements d'une démocratie. Ceux mêmes qu'on réclame aujourd'hui en Europe. Au cœur de l'Europe, au cœur du monde, la guerre est une responsabilité internationale. Le problème, c'est qu'aujourd'hui on n'a toujours pas compris pourquoi on faisait la guerre. On justifie la guerre pour des raisons politiques, de manière inacceptable, » tente d'expliquer Faruk

« C'est un problème politique. Il y a beaucoup de raisons pour expliquer l'origine de la guerre. Une volonté étrangère, notamment, de régler des conflits internationaux sur un territoire qui était le nôtre. Après, beaucoup ont profité de la guerre de manière inacceptable. Faire la guerre est déjà inacceptable en soi, mais en profiter est encore pire ». Une allusion à peine voilée à Radovan Karadzic, chef des Serbes de Bosnie, préparateur mental du FK Sarajevo lorsque Faruk Hadzibegic y évoluait, condamné à 40 ans de réclusion pour le Massacre de Srebrenica par la Cour Pénale Internationale de La Haye en 2016.

« C'était, quelque part, pas chez moi. Je me suis retrouvé sans identité. La France m'a en quelque sorte offert une nouvelle identité. J'étais déçu aussi, de voir que le pays (la France), l'Europe, regardait ça de loin. Un drame qui se passait à une heure de vol d'ici. On dit que c'est la vie, que c'est le destin, mais c'est malheureux. On avait un pays magnifique, mais qui dérangeait un peu tout le monde en Europe » surenchérit Mécha, avant de préciser qu'il ne veut pas s’appesantir sur le sujet. « Cela ne fait pas partie du football ».

La fin d'une sélection talentueuse

Secondaire, le football est lui aussi victime du conflit. Coéquipiers en équipe de Yougoslavie depuis 1981, sur le terrain lors de l'Euro 84 en France, les deux hommes sont séparés à l'approche du Mondial 90 en Italie. Accusé d'avoir craché sur un arbitre, Mécha est suspendu un an. « Cela a été une injustice. Une décision prise pour déstabiliser une équipe qui faisait peur à beaucoup de monde, » se rappelle-t-il, amer. Faruk Hadžibegić participe donc seul aux derniers exploits de la sélection yougoslave en Italie. Quart de finaliste malheureux face à l'Argentine, il voit son tir au but détourné par Sergio Goycochea (défaite 3-2 aux t.a.b, après un 0-0). Un souvenir amer qui reste le dernier match de l'histoire de la sélection de Yougoslavie dans un Tournoi officiel.

Paris Mehmed Baždarević

En 1992, meurtri par la guerre, Faruk décide qu'il ne portera plus le maillot de la sélection. Mécha et ses ex-coéquipiers s'en verront eux aussi privés. L'éclatement de la guerre civile en Yougoslavie, à partir de novembre 1991, conduit le Conseil de sécurité des nations unies à instaurer un embargo contre le pays et l'empêche de participer à toute manifestation sportive. Dix jours avant l'Euro 92 en Suède, alors en stage de préparation, les Yougoslaves sont exclus de la compétition. Double champion d'Europe avec les Espoirs, Mécha voit ses rêves de trophée s'envoler. D'autant que la Yougoslavie, sortie première de son groupe de qualifications devant l'Écosse et la France, figure parmi les favoris, avec dans ses rangs nombre de talents issus de l'Étoile Rouge de Belgrade, qui vient remporte la Coupe des Clubs Champions face à l'OM.

«Les gens qui s'aiment ne bougent pas»

« Il n'y a plus de Yougoslavie, donc il n'y a plus de sélection de Yougoslavie. C'est ça qui nous a fait très mal. Il a fallu quitter une équipe qui était capable de gagner des titres, pourquoi pas de champion d'Europe et de champion du Monde. On a dû y faire face. Après, il y a notre pays, la Bosnie. La séparation n'a pas toujours été facile, du point de vue du football j'entends. On voulait juste jouer. Mais, dans ces cas-là, tout le monde paie. On avait une grosse équipe, une grande amitié. Il y avait des choses plus importantes, plus graves que le football à ce moment-là. On a laissé le football de côté un moment », se souvient Mécha. La Yougoslavie est remplacée par le Danemark au pied levé, qui remporte la compétition. Si la transition aura paru aisée pour la Croatie ou la Serbie, il faudra du temps à la Bosnie-Herzégovine pour émerger.

De son côté, Faruk Hadžibegić tient à nuancer la rivalité née de cette division « Personnellement, je n'ai jamais eu aucun problème avec mes coéquipiers, après l'éclatement du pays. On est restés tous les mêmes. Surtout aujourd'hui, on est par la force des choses Bosniens, Serbes, Croates, Slovènes, Macédoniens, Monténégrins... L'un de mes meilleurs amis, à Metz, un Monténégrin, nous étions comme deux frères, nous n'avons jamais eu aucun problème. La politique fait toujours le nécessaire pour diviser un pays. Mais le peuple lui-même n'est pas aussi divisé qu'on peut le dire. Qu'on soit d'un camp ou de l'autre, c'était la guerre. Mais les gens qui s'aiment, eux, ne bougent pas. Il y avait des couples de Croates et de Bosniens, qui ont eu des enfants. La guerre ne les a pas séparés ».

Les prémices de la sélection de Bosnie-Herzégovine

En 1996, Faruk Hadžibegić est au cœur du processus de reconnaissance de la sélection bosnienne. Celui qui travaillera ensuite sous les ordres de Michel Platini, alors président de l'UEFA, en tant qu'observateur à la Fédération bosnienne se souvient de ces débuts. « J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai travaillé sur le dossier de la Fédération bosnienne pour qu'elle soit reconnue par la FIFA. J'ai activement participé dans ce projet-là. J'étais dans la dernière délégation qui a formé la Fédération bosnienne. Et par la force des choses, je suis devenu sélectionneur de la Bosnie (1999), même si je n'étais pas pour au début. C'était une façon de montrer que j'étais solidaire avec mon peuple. Mais comme joueur c'était trop tard pour moi, j'avais déjà pris ma retraite. »

Paris Mehmed Baždarević

Ce qui n'était pas le cas de Mécha. Et c'est non sans fierté que l'actuel coach du Paris FC se remémore ses premiers pas sous le maillot de la Bosnie-Herzégovine. Baždarević ou le premier capitaine d'une nation nouvelle. « On a laissé passer du temps et puis il a fallu reconstruire. Je suis allé jouer pour la sélection de Bosnie, dont j'ai été le premier capitaine. C'est un souvenir très fort, c'était un pays qui venait de naître, mon pays. Être capitaine, entouré de joueurs qui venaient bâtir cette sélection... c'était vraiment une fierté et c'est aujourd'hui un souvenir très fort », raconte celui qui portera le maillot bosnien à onze reprises, de 35 à 38 ans.

Après l'expérience du capitanat, Mécha va plus loin. Comme son alter ego cinq années plus tôt, il prend les rênes de la sélection. Une pige de trois ans, de 2014 à 2017, au sortir d'une première participation en Coupe du Monde historique. « C'était une suite logique. Je voulais donner tout ce que j'avais à donner. Malheureusement, on a atteint les barrages, mais on n'a pas pu aller au Championnat d'Europe en France (éliminé 1-1 ; 0-2 par l'Irlande, ndlr). On a fait pendant trois ans de très bonnes choses, on a fait avancer le football bosnien, on a fait éclore des jeunes, je suis content de ce passage. » Après trois années, malgré un nouvel échec dans les qualifications au Mondial 2018, la Fédération bosnienne propose de renouveler le contrat de Mécha, qui refuse. « Vous savez, trois ans en Bosnie c'est déjà un petit exploit ».

Hadžibegić en quête d'un premier succès face à Baždarević

Déjà à la tête de bon nombre de formations de l'Hexagone, Faruk Hadžibegić et Mehmed Baždarević se retrouveront vendredi soir pour leur 6e affrontement en tant que coachs. Le 5e en championnat, toujours en Ligue 2. Mécha domine le duel avec deux victoires alors qu'il était aux commandes d'Istres puis de Grenoble, et que Faruk dirigeait l'ESTAC et Dijon, mais également un succès en Coupe de France, avec les Isérois, face au DFCO. Les deux coaches s'étaient également séparés sur un match nul à deux reprises. En position d'outsider à la tête du Red Star, lanterne rouge, Faruk Hadžibegić cherchera donc un premier succès en tant qu’entraîneur face à son rival et ami.

Une rencontre que Mécha anticipe sobrement. « Cela reste un match. Ce qui est important c'est qu'on travaille, dans un pays qui nous a donné quand même beaucoup et auquel on a envie de rendre. Cela reste un match de Ligue 2. On est passionnés, on est contents de travailler et de se retrouver l'occasion d'un match. C'est vrai que ce serait une bonne chose que le Paris FC comme le Red Star deviennent de grands clubs. Paris et sa région méritent une ou deux autres équipes au meilleur niveau. C'est un match entre deux personnes qui se connaissent très très bien, qui se respectent. On va se chambrer un petit peu après le match, mais c'est tout. »

Pour aller plus loin : Le Dernier Pénalty, Histoire de football et de guerre de Gigi Riva, Editions Seuil.

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