La Juve a perdu son porte-bonheur Giaccherinho

Par Alexandre Pauwels
5 min.
Juventus FC Emanuele Giaccherini @Maxppp

Une vente dictée par le marché, voilà tout. Mais une vente à contre-cœur. Avec le départ acté d'Emanuele Giaccherini pour Sunderland, officialisé ce mardi, la Juve pleure, du simple tifoso au coach Antonio Conte. Question, tout de même : Comment un joueur qui ne disputait pas plus d'une quinzaine de matchs par saison pouvait-il être aussi apprécié au sein du meilleur club d'Italie ? Explications.

« Pour moi, tous les garçons de ces deux dernières saisons sont intransférables, mais je comprends les exigences de la société. On lui a proposé un beau contrat. Je suis heureux pour lui, mais il est clair que je ne peux me réjouir de son départ. » Jeudi dernier en conférence de presse, Antonio Conte a tristement commenté le départ d'Emanuele Giaccherini. Un joueur que pleurent également les supporters de la Juve, convaincus que dans leur obligation de ventes, leurs dirigeants ne choisiraient pas un joueur aussi exemplaire et utile. Car c'est bien ce qu'est avant toute chose le Giak – de son surnom : un joueur exemplaire. Sympathique, voire attendrissant. Son parcours, son profil et son attitude sont autant d'éléments qui ont façonné cette image.

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Il va sans dire que le parcours de Giaccherini est atypique. Originaire de Talla en Toscane, il rejoint très tôt le club de Cesena, lequel le prête les premières années de sa carrière dans de sinistres clubs de divisions inférieures. Giaccherini joue alors en C2 (le quatrième échelon italien) et ne voit pas sa carrière décoller. En 2008, à 23 ans, il songe même à tout plaquer. Revenir chez lui pour jouer avec le club de sa ville, en amateur, juste pour le plaisir. Et à côté, aller bosser à l'usine pour gagner sa croûte. Un projet de vie loin d'être sexy, qui sera finalement balayé par la chance. Après sa descente en Serie C1, Cesena change d'entraîneur. Le nouveau coach en question, Pierpaolo Bisoli, accorde directement sa chance à Giak. Et alors qu'aucun de ses prédécesseurs ne savait que faire du petit bonhomme (1,67m), le technicien l'aligne en ailier titulaire. La réussite est au rendez-vous, et pas qu'un peu : la Puce – son autre surnom – distribue les caviars et se montre décisif. A tel point que sous son impulsion, Cesena remonte en seconde division. Puis, successivement, en Serie A.

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Là, Giaccherini poursuit son ascension, et participe activement au maintien des siens avec 7 buts et 4 assists en 36 matchs. Des statistiques inchangées, par rapport à ses précédentes saisons. En bref, le passeport idéal pour un club plus huppé. Surprise, c'est la nouvelle Juve d'Antonio Conte, qui s'octroie ses services à l'été 2011. 3 millions pour une copropriété, que la Vieille Dame lèvera un an plus tard contre un nouveau chèque de 4,25 millions. Car entre-temps, Giaccherinho – nouveau surnom attribué par Conte – s'est adapté à l'environnement du grand club. Si ses statistiques paraissent dérisoires (23 petits matchs, 1 but, 3 passes décisives), le joueur est utile. C'est simple, Conte l'utilise partout. Ailier de formation, Giak se retrouve à jouer au centre, en mezzala (nomination italienne du poste des centraux de côté dans un milieu à 3) ou encore en soutien d'une pointe. Sortant du banc, il apporte fraîcheur et enthousiasme. Toujours souriant, timide devant les caméras, réservé, il suscite le respect de ses tifosi, autant que les moqueries des adversaires. Mais cette attitude, cette exemplarité, n'aura pas laissé Cesare Prandelli insensible.

Le Maracana, passeport pour la Premier League

L'arrivée de Giak en Nazionale italienne relève également du curieux. Après sa première saison avec la Juve, il est, à la surprise générale, parmi les 32 pré-convoqués pour l'Euro 2012. Plus surprenant encore, il finit parmi les 23. Mais ce n'est rien à côté de l'annonce de la composition d'équipe italienne pour le match d'ouverture du tournoi face à l'Espagne : Giaccherini, qui n'avait encore jamais revêtu le maillot azzurro, est titulaire pour sa première. Face au champion du monde. Et devinez quoi, il surprend, là encore, par le boulot abattu sur la pelouse. Grâce à cet Euro, le petit juventino gagnera sa place en Squadra Azzurra. Et c'est sans surprise cette fois-ci, qu'il intégrera le groupe pour la Coupe des Confédérations.

Peut-être là, que Giak aura attiré les regards. Déjà bien prédisposé après avoir marqué le but le plus rapide de l'histoire de la Nazionale lors d'un amical de préparation face à Haïti (au bout de 19 secondes), le joueur sera souvent aligné titulaire sur la compétition. Et que ce soit en soutien de l'attaquant ou en milieu central, il se montrera décisif : deux passes décisives lors de matchs ô combien étriqués (face au Japon pour un 4-3 et au Mexique pour un 2-1), et aussi un but, au Maracana, face au Brésil. Des performances qui ont achevé de convaincre Sunderland de casser sa tirelire. Contre 10 millions d'euros (8 millions cash et le reste en bonus), les Black Cats de Paolo Di Canio auront raflé la mise. Si coach Conte se montrera déçu, le choix est logique pour tous : la somme rapportée par la transaction rembourse l'achat de Tevez, et permettra à la Juve de recruter. De son côté, le joueur, en rejoignant la Premier League, a signé un contrat de 4 ans, gagnera plus de 2 millions à l'année (deux à trois fois plus que ce qu'il percevait à Turin), et sera très certainement titulaire. Dans une interview récente accordée à la Gazzetta dello Sport, Giak lui-même évoquait cette logique, avec son humilité habituelle : « Je n'en veux pas à la Juve. Je suis déçu de quitter Conte, mais tout le monde tire les bénéfices d'une telle opération. » Oui, mais l'amour, c'est bien connu, n'a que faire de la logique. Avec ce transfert, le Juventus Stadium a perdu son chouchou...

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