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La révolution qui va bouleverser le mercato en Turquie

Par Sébastien DENIS
6 min.
Les joueurs du Galatasaray célèbrent un but contre le Benfica Lisbonne en Ligue Europa @Maxppp

En déclin ces dernières années, la Super Lig prend un virage à 180° grâce notamment à une révolution financière prônée par la fédération turque de football (TFF) et l'Association bancaire turque (TBB) mise en place en janvier dernier. Une sorte de DNCG turque visant à assainir les comptes des clubs surendettés depuis de nombreuses années. Une bonne nouvelle pour le football turc, moins pour le Galatasaray, Fenerbahce et le Besiktas, criblés de dettes et qui vont devoir changer radicalement de stratégie sur le marché des transferts sous peine d’une sacrée désillusion.

Clubs endettés, problèmes de salaires, recrutement de joueurs sur le déclin, performances en berne sur la scène continentale, autant d'éléments qui font de la Super Lig turque un championnat en net recul depuis plusieurs années. Consciente que cette situation ne pouvait plus durer, la fédération turque de football (TFF) a décidé de prendre les choses en main pour permettre à la Super Lig de retrouver son lustre d'antan. Mené conjointement entre la TFF et l'Association bancaire turque (TBB), ce projet appelé "révolution financière" vise à assainir les comptes des clubs professionnels gangrenés par des problèmes financiers d'envergure qui ont plombé les clubs emblématiques de Turquie. « Les clubs turcs ne sont plus viables financièrement. Par conséquent, ce plan est devenu obligatoire pour nous », expliquait Yıldırım Demirören, l’ancien président de la TFF en janvier dernier.

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L'idée n'est pas de mettre sous tutelle les clubs professionnels du championnat mais plutôt de les aider à gérer efficacement leur budget tout en diminuant leurs dettes. C'est tout le problème des clubs turcs qui ont pour la plupart consenti à des prêts plus ou moins importants en fonction de leur importance, comme l'explique Hüseyin Aydın, le président de la TBB. « Les clubs turcs de Super Lig vont nous apporter leur bilan et nous coordonnerons le processus avec les autres créanciers. L'idée est que les clubs disposent d'un flux de trésorerie correspondant à leurs revenus afin de maintenir leurs perspectives financières », commentait lui aussi Aydın il y a quelques mois. Pour faire simple, les clubs de première division turque ne pourront dépenser que ce qu'elles auront en banque.

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Une DNCG turque pour éviter les dérives

Une sorte de DCNG à la turque et une vraie nécessité comme nous l’explique Mathieu Markaroglu, un agent très influent en Turquie. « On va avoir un championnat plus équilibré. Les clubs devront s'engager lors de la signature d'un joueur sous contrat à les payer en temps et en heure. Ce qui n'était pas le cas dans le passé. Le club disait, "je te donne X M€ de salaire." Mais ils n'avaient pas l'argent. Là ils ne peuvent plus proposer de tels salaires, car désormais ça rentre dans le budget final du club en fin de saison. C'est effectivement une sorte de DCNG. Il y a un contrôle fait par une autre entité, ici la Banque Nationale, qui va contrôler les finances des clubs. » Les clubs de première division turque ne pourront plus dépenser sans compter et ne pourront utiliser que leurs bénéfices. Et pour ceux qui ne respecteront pas cette règle ou qui n'arriveront pas à résorber leurs dettes, des sanctions seront imposées. Pour y parvenir, la plupart de ces clubs vont devoir diminuer de 30 à 40 % leur budget, comme nous l’explique Mathieu Markaroglu. « Cette règle va faire en sorte que les clubs doivent diminuer leurs budgets de 30 à 40 % pour pouvoir payer en temps et en heure les joueurs. C'est une bonne chose pour les joueurs locaux et aussi pour les futurs joueurs qui vont arriver sur le marché turc », nous explique-t-il.

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Et à l’écouter, il n’y a que du positif dans ce contrôle des budgets. « Ici, tout le monde pense que c'est une très bonne chose. Ce système va permettre de ramener des joueurs plus jeunes avec un potentiel de revente dans le futur. Cela sera différent qu’actuellement ou les gros clubs turcs prennent des joueurs majeurs de 33-34 ans payés 3-4 Millions d’Euros par an et qui jouent un an ou deux sans grand résultat. Cette stratégie de recrutement n'a aucun sens pour le développement du football turc », explique l’agent de joueurs qui officie dans la plus grande agence turque qui a facilité entre autre les passages de Demba Ba, Arda Turan, Adriano, Pepe, Mario Gomez, Roberto Soldado, Ricardo Quaresma, Sofiane Feghouli, ou encore Nabil Dirar en Super Lig. Avant d’expliquer les raisons pour lesquelles cette révolution va apporter un souffle nouveau au football turc. « On parle d'un pays de 80 millions d'habitants, et il y a du potentiel. Cette révolution financière va permettre d'assainir les comptes des clubs et va faire avancer le football turc. C'est une bonne chose pour les gros clubs devront batailler pour être champions ou se qualifier en Champions League pour avoir des rentrées supplémentaires. Mais ceux qui n'iront pas en Europe devront être très créatifs en matière de recrutement.»

Des répercussions dès cet été sur le mercato de la Super Lig

Et selon lui, l'impact va être visible dès cet été lors du prochain marché des transferts. « L’impact va être immédiat et les conséquences immédiates sur le prochain mercato si bien que les clubs doivent déjà être intelligents. Car ce n'est pas simple de diminuer le budget d'un club de 30 à 40 % en une fois. Mais quand tu diminues, tu élimines certains gros joueurs. À la place, tu dois trouver des joueurs libres, en prêt avec des salaires beaucoup plus petits ou dénicher des pépites à moindre coût. Dès cet été, on va voir ceux qui travaillent bien, ceux qui ne sont pas performants. C'est un gros boulot pour les clubs, mais nécessaire parce que la situation du football turc n'est pas au mieux. »

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Et les clubs emblématiques de Turquie pourraient être les premiers à subir des sanctions. Pour rappel, le Fenerbahce, bien mal en point en championnat (17e) cumule 653 M€ de dettes. Quant au club le plus titré de Turquie, le Galatasaray (2e du championnat), la dette s'élève à 440 M€. Enfin, le troisième club star du championnat, le Besiktas n'est pas mieux loti et paye les folies de son président sur les précédents mercatos et totalise 406 M€ de dettes. Mais tous les clubs ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, parmi les 18 clubs de l'élite, certains font office de bon élève, comme par exemple, l'actuel leader de Super Lig Istanbul Başakşehir qui dispose de finances saines. Déjà bien placé dans le championnat depuis quatre ans et sa remontée en première division, le club stambouliote pourrait ainsi valider sa mainmise sur le championnat. Dès lors, à quel mercato faut-il s’attendre en Turquie l’été prochain ?

La fin de l'eldorado turc pour les stars en fin de carrière

Selon Mathieu Markaroglu, les joueurs qui touchent un confortable salaire et qui ne donnent pas vraiment satisfaction ont du souci à se faire. « Les clubs de milieu de tableau n’offrent pas des salaires incroyables, ils donnent des contrats à 500-600 000 Euros. Pour ces joueurs-là, ils vont les garder, surtout s’ils sont contents d’eux. Par contre, les joueurs aux gros salaires et dont les clubs ne sont pas contents, ils ont du souci à se faire. Car généralement les gros salaires sont dans les grands clubs. Et les clubs les plus endettés sont les grands clubs. Les bons joueurs étrangers vont rester. Après les gros gros salaires qui explosent, les budgets vont partir. » Un virage à 180° est donc annoncé pour le prochain mercato. Les stars en fin de carrière voulant toucher un gros chèque devront sans doute trouver une autre destination tandis que d’autres joueurs à fort potentiel et dans la force de l’âge seront peut-être séduits par l’ambiance survoltée des stades turcs surtout si leur salaire est garanti. La « révolution financière » prônée par la fédération turque et l’association des banques de Turquie n’a jamais aussi bien porté son nom.

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