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Liga : la fin du modèle Eibar

Par Max Franco Sanchez
5 min.
Un match entre Eibar et l'Espanyol en 2016 @Maxppp

Le club d'Eibar a été relégué ce week-end et jouera en deuxième division l'an prochain. La fin de l'une des plus belles histoires du foot espagnol.

Le modèle Eibar. Plus que le titre d'un livre publié en 2019 par l'ancien président du club Alex Aranzabal, c'est l'histoire d'un club qui a fasciné l'Espagne du football. Petite ville de 27.000 habitants perdue dans les vallées basques, Eibar s'est fait connaître dans tout le pays et même dans le monde grâce à de nombreuses facettes. Mais surtout grâce à son fonctionnement et son modèle aujourd'hui peu commun, à l'heure où on parle de Super League et de clubs financés par des fonds d'investissement ou des états. Sept saisons pendant lesquelles les Armeros - les Armuriers, NDLR, artisanat historique de la région - ont défié les ogres du foot ibérique, ne faisant que très peu de fois pâle figure d'ailleurs, avec des moyens rachitiques et une philosophie très marquée.

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Souvent plus faible budget du championnat, l'écurie basque est restée fidèle à une ligne de conduite : ne pas dépenser plus de ce qu'on a. Et c'est peut-être ce qui a provoqué sa descente, mais ça, c'est un autre débat. Une devise à laquelle sont restées fidèles les différentes directions de ces dernières années, jusqu'à celle présidée par Amaia Gorostiza, par ailleurs seule femme patronne d'un club de première division en Espagne cette saison et parmi les pionnières dans ce domaine. Un modèle de club horizontal, avec des choix qui sont faits de façon commune. Pas de patron omniprésent pour prendre les décisions, comme cela est de plus en plus souvent le cas de l'autre côté des Pyrénées, mais une équipe de dirigeants qui travaille main dans la main pour recruter intelligemment notamment. Joueurs libres ou très peu coûteux (le transfert record du club est de 4 millions d'euros pour Edu Exposito en 2019), qu'on n'hésite pas à aller chercher dans des marchés peu habituels. L'optimisation des moyens à disposition est le maître-mot.

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Un moteur économique pour la ville et une internationalisation réussie

Dans une région où les géants Athletic et Real Sociedad, ainsi qu'Alavés à une moindre échelle, vampirisent l'attention des supporters, difficile de tirer son épingle du jeu et d'avoir des perspectives de croissance intéressantes. Et que dire au niveau national... Comment survivre dans cette jungle ? L'internationalisation du club, passant par les réseaux sociaux notamment, a permis de rameuter des fans et des actionnaires aux quatre coins du globe. On parle d'un club qui a 20 peñas (groupes de supporters) à l'étranger, dont deux en Australie ! Du jamais vu pour un club avec aussi peu d'expérience à ce niveau. Certains recrutements et contrats de sponsorings ont également permis de toucher des nouveaux fans, au Japon notamment, avec l'arrivée de Takashi Inui à l'époque. Des tours ont même été organisés pour que des touristes du pays asiatique puissent venir voir des matchs dans un endroit où ils n'auraient logiquement jamais eu l'idée de mettre les pieds sans le foot. Et donc, d'indirectement, générer de nouvelles sources de revenus pour le club... mais aussi pour la ville.

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Les retombées financières après la montée de 2014 ont été énormes dans cette ville désindustrialisée, avec un impact direct et indirect de plus de 50 millions d'euros pour la région, entre impôts et charges payés par le club, revenus liés au tourisme, à la restauration et l'hôtellerie et bien d'autres encore. Surtout, les dirigeants du club se sont forcés à conserver les traditions et créer une véritable identité locale. Avant la pandémie, trois fois par semaine, les joueurs se réunissaient pour manger dans le bar du stade, où ils côtoyaient tous les employés du club, une cinquantaine aujourd'hui, créant une véritable culture club. La création d'un centre d'entraînement dans les prochaines années - Eibar est le seul club de première division en Espagne qui n'en a pas - va également dans ce sens.

Une équipe qui a souvent fait le bonheur des fans de Liga

Le côté financier, social et administratif, c'est bien. Mais sur le terrain alors ? Et bien là aussi, le modèle Eibar est brillant. Autant si ce n'est plus que dans les bureaux. Dans ce petit Ipurua de 8000 places, et même 5600 à l'époque de la montée, le club a toujours conservé une identité très claire malgré les passages d'entraîneurs et de joueurs différents : le 4-4-2 souvent à l'honneur, et une certaine prise de risque avec la balle. Les Armeros n'ont pas forcément déployé un jeu ultra-offensif, mais ont toujours offert du spectacle. Là aussi, on a retrouvé cette tendance de "on lutte avec nos armes" mais sans complexe, avec des rencontres généralement très intense, du duel physique et un style de jeu vertical. Un contexte idéal pour permettre à de nombreux joueurs de briller.

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Ce n'est pas un hasard si de nombreux footballeurs de qualité s'y sont révélés, à l'image de la pépite Bryan Gil cette saison (prêté par Séville), de Marc Cucurella (Getafe/prêté par le Barça à l'époque) avant lui ou de joueurs comme Joan Jordan (Séville), Ander Capa et Dani Garcia (Athletic). Sans même parler de David Silva et de Xabi Alonso au début des années 2000. Cette saison, l'effectif était effectivement trop juste pour se conserver dans un championnat qui, paradoxalement, n'a jamais été aussi homogène. L'attaquant Kike García, le fantasque milieu de terrain Edu Exposito, les défenseurs Esteban Burgos et Paulo Olivera, ou l'excellent gardien Marco Dmitrovic devraient avoir bon nombre d'offres sur la table cet été. Et même si le statut de relégué est loin d'assurer une remontée directe, avec un club aussi bien structuré à tous les niveau nul doute qu'on reverra Eibar dans l'élite du football espagnol d'ici peu.

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