Doucement, mais sûrement, Jordan Veretout s’est imposé comme l’un des meilleurs milieux de Serie A pour le plus grand bonheur de l’AS Rome. Ses prestations lui ont même valu d'être pré-sélectionné par Didier Deschamps.
De l’autre côté des Alpes, Jordan Veretout a, petit à petit, fait son trou. À l’AS Rome, le milieu de terrain français s’éclate et n’a jamais été aussi bon que cette saison. Pourtant, il passerait presque inaperçu, ici, en France. Depuis son départ du FC Nantes en 2015, le joueur de 28 ans a connu de nombreuses expériences qui ont très certainement fait le joueur qu’il est aujourd’hui, à savoir une référence à son poste en Serie A. Récemment, il faisait parler de lui en devenant le deuxième milieu français de l’histoire du championnat italien à inscrire dix buts en une saison. Le premier ? Un certain Michel Platini. Le natif d'Ancenis dans l'ouest de la France, a donc fait mieux que des joueurs comme Zinedine Zidane ou plus récemment Paul Pogba. Plutôt pas mal.
Cette année, Veretout est indéboulonnable. Il a débuté 24 des 28 matches de son équipe en Serie A (les quatre manqués pour cause de blessure). Sa régularité n’est finalement pas si surprenante que ça. Déjà à la Fiorentina, le Français avait montré de très belles choses. De quoi attirer l’attention de son entraîneur Paulo Fonseca qui avait insisté pour le récupérer en prêt avec option d’achat à l’été 2019. Une saison plus tard, le technicien portugais avait demandé à sa direction de ne pas laisser partir l’ancien Nantais à Naples estimant qu’il faisait partie des cadres de l’équipe au côté des expérimentés Edin Dzeko et Aleksandar Kolarov. Preuve encore une fois qu’il avait la confiance de son coach et qu’il commençait à conquérir la capitale italienne.
Une nouvelle dimension physique et technique
Cette confiance, Jordan Veretout l’a d’abord gagnée sur le terrain. Dans un championnat plus tactique et physique, il a dû vite se développer pour pouvoir s’imposer. « À Nantes, il manquait de physique et surtout de puissance. Sur ça, l’Italie lui a fait énormément de bien. Après, il était jeune quand il était chez nous. Entre l’Angleterre et l’Italie, sa façon de travailler l’a changé. Il a pris du volume », explique Michel Der Zakarian, son ancien entraîneur qui l’a côtoyé pendant plus de trois saisons à Nantes. La discipline et la rigueur italienne lui ont certainement fait du bien, mais il ne faudrait surtout pas négliger son passage du côté d’Aston Villa. Si sa seule saison chez les Villans n’aura pas spécialement été une réussite (malgré des bons débuts, il a fini par disparaître du groupe en fin de saison), elle aura eu le mérite de lui faire passer un cap physiquement. Les exigences de la Premier League l’ont obligé à devenir plus solide, plus explosif. « Je trouve qu’il s’est vachement étoffé physiquement. Quand il est revenu en France après (à Saint-Etienne), on avait senti qu’il avait déjà pris de la masse musculaire. Physiquement, on le sent prêt, il est beaucoup plus solide dans les duels. C’est ce qui lui manquait même s’il était au début de sa carrière. Mais c’est sa plus grosse progression, je pense », analyse Adrien Thomasson, son ancien coéquipier chez les Canaris qui évolue désormais du côté de Strasbourg.
Il serait sans doute réducteur d’estimer qu’il n’a progressé que sur le plan physique. En réalité, l’ancien joueur de Saint-Étienne a aussi considérablement élargi une palette technique déjà bien fournie. Dans son rôle de milieu relayeur, Jordan Veretout est devenu un milieu qui fait jouer ses partenaires, qui organise et qui sait aussi se servir de sa tête pour comprendre le jeu. Des qualités qui étaient déjà visibles à ses débuts au FC Nantes. « C’est un joueur intelligent et très technique. Il avait une bonne vision de jeu. Il était capable d’éliminer et de se projeter vers l’avant très facilement. En relayeur, c'est là où il peut le mieux se projeter », confirme Der Zakarian. Un avis partagé par son ancien coéquipier. « C’est un joueur très complet, il a une très bonne endurance. Il est capable de répéter les efforts sans problème. En plus de ça, il est très sûr techniquement. C’est là où il m’impressionnait. Il perdait très peu le ballon, il faisait souvent les bons choix. » Sa polyvalence aide aussi son équipe et ses coéquipiers du milieu de terrain. Mais pour être encore plus performant, l’ex-joueur d’Aston Villa doit progresser défensivement. Il n’est que le 8ème joueur de l’effectif en termes de tacles réussis par match (0,5). « En défense, il était capable d’intercepter pas mal de ballons, mais ce n’est pas un joueur qui peut gratter des ballons dans les pieds adverses. Il doit jouer plus haut », précise l’actuel entraîneur de Montpellier.
Un milieu qui a des statistiques
Dans un football de statistiques où l’on demande constamment aux milieux d’être plus décisifs dans leur équipe, Jordan Veretout a enfin prouvé qu’il était capable de marquer et faire marquer. Très peu décisif lors de ses passages à Nantes, Aston Villa, Saint-Etienne ou même plus récemment à la Fiorentina, l’ex-international Espoirs est maintenant le meilleur buteur de l’AS Rome en championnat cette saison (10 buts) devant des attaquants comme Edin Dzeko, Borja Mayoral ou même Henrikh Mkhitaryan. Et c’était loin d’être si évident à ses débuts. « Il avait une bonne frappe de balle. C’est vrai qu’il n’était pas trop en réussite et avait du mal à finir les actions. Maintenant, il fait souvent marquer et se projette encore mieux. Mais cela dépend aussi de la qualité de l’équipe et du style de jeu de l'équipe », souligne le technicien français. « C’est un vrai box-to-box. Il peut décrocher pour faire le jeu, être à la construction puis finir les actions. On l'a vue face à l'AC Milan », ajoute Adrien Thomasson. Dans ces dix buts cette saison, cinq l’ont été sur penalty, l’un de ses exercices préférés. Sa qualité sur les coups de pied arrêtés est un véritable plus pour son équipe. « Dans ce domaine, il est impressionnant. Que ce soit les penaltys ou les coups-francs et corner, c’est fort. C’est très important dans une équipe. Si je ne me trompe pas, il tire tous les penalties à la Roma. Ça prouve qu’il est très adroit », remarque le Strasbourgeois.
En devenant le joueur complet et décisif qu’il est aujourd’hui, Jordan Veretout s’est aussi donné l’ambition de rêver de l’équipe de France. « L’Euro, c'est clairement un objectif. (…) Quand tu vois tes anciens coéquipiers aller en sélection, tu te dis que tu as aussi envie d’être là. » avait-il expliqué lors d’une interview accordée à So Foot. Pré-convoqué par Didier Deschamps, le champion du monde U20 (en 2013 avec Pogba, Digne, Umtiti) n’a toujours pas eu la chance d’être en Bleus. Il sera d’ailleurs difficile de se faire une place aux yeux du sélectionneur. Mais il n’est pas non plus trop tard pense Thomasson. « Je ne pense pas que ce soit trop tard même s’il a 28 ans. Il ne ferait pas tâche dans cette équipe de France pour moi. Il pourrait apporter et il a l'expérience du haut niveau. » On pourrait aussi se demander si le manque de médiatisation a joué contre lui, car Jordan Veretout apparaîtrait presque comme un joueur sous-coté. Le genre de joueur dont on parlerait beaucoup plus s’il réalisait ce qu’il fait à Rome dans un club comme Lyon, Marseille ou même Lille.
Son parcours très linéaire et son style de jeu pas spécialement spectaculaire en sont aussi la cause. « Ce n’est pas un joueur comme ça. C’est un joueur de devoir. Il ne va pas perdre des ballons, mais il ne va pas te faire une roulette, un petit pont ou un passement de jambes non plus. Donc on en parle moins » regrette le meneur de jeu strasbourgeois. Ajoutez à cela un caractère discret, parfois introverti et réservé (même s'il "hait la défaite et est plus expressif sur le terrain" pour Adrien Thomasson), et vous obtenez un joueur qui pourrait faire parler beaucoup plus de lui. Mais pour Michel Der Zakarian, son ancien joueur n’est pas forcément sous-estimé en France. « Je ne sais pas s’il a vraiment été sous-côté. Après ses bonnes années à Nantes, il est juste parti en Angleterre. Il avait eu l’opportunité de partir à l’étranger, c’est une bonne chose pour lui, une bonne expérience. C’est bien de découvrir de nouvelles choses », explique t-il. Blessé depuis le début du mois de mars, Jordan Veretout était sans surprise absent de la liste des Bleus. Ses chances de jouer l’Euro avec les Bleus s’éloignent malheureusement un peu plus. Une fin de saison en boulet de canon pourrait peut-être attirer l'attention sur lui et ça ne serait pas de trop. Mais à défaut d’avoir convaincu Didier Deschamps, il a au moins conquis Rome, et c’est déjà beaucoup.
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