Plongée au coeur du secret de fabrication des pépites de Benfica

Par Matthieu Margueritte
11 min.
Florentino Luis, Gonçalo Ramos et Antonio Silva @Maxppp

Connu pour être un fournisseur de pépites pour le football portugais, Benfica a ses méthodes pour faire éclore ses jeunes talents. Coordinateur technique du Benfica Campus, Rodrigo Magalhães a répondu à nos questions.

Foot Mercato : Benfica a remporté la dernière Youth League et la dernière Coupe Intercontinentale U20. Quel est le secret de votre réussite en matière de formation ?

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Rodrigo Magalhães : le secret de Benfica dure depuis plusieurs années maintenant et est le fruit d’un long travail depuis longtemps. Si on se penche sur les 24 joueurs qui ont participé aux finales de Youth League et de la Coupe Intercontinentale U20, on remarque que 16 d’entre eux ont effectué toute leur formation à Benfica. Le SLB a un département de scouting très fort, au Portugal et à l’étranger. On choisit bien d’abord, pour pouvoir développer les joueurs. Une fois les joueurs intégrés à l’univers Benfica, le club a un plan de développement pour chaque joueur de la formation à la transition vers le football professionnel. Nous avons une équipe de travail de professionnels qui font tout ce qu’il faut pour développer au mieux les joueurs, mais surtout des hommes, car la majorité d’entre eux ne passera pas forcément professionnel. Cela part de nos entraîneurs, de nos intendants, de nos nutritionnistes, de notre secteur scolaire, de nos médecins, des entraîneurs spécifiques. On essaye d’accompagner de bons êtres humains, avec des valeurs et des principes, en même temps que des footballeurs de qualité. On obtient des résultats puisque, contre le Paris SG mercredi, Antonio Silva, Florentino Luis, Gonçalo Ramos étaient titulaires et Diogo Gonçalves sur le banc, tous issus de notre formation. Notre objectif est de produire des joueurs capables de jouer au plus haut niveau, c’est-à-dire l’équipe première de Benfica. Nous avons par ailleurs formé des joueurs qui représentent les plus grands clubs du monde et jouent un peu partout en Europe. C’est un immense motif de fierté pour nous.

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FM : face au Paris SG mercredi en Ligue des Champions (1-1), trois joueurs issus de la formation étaient titulaires et formaient la colonne vertébrale de l’équipe. Commençons par Antonio Silva, le jeune défenseur central de 18 ans. Il a surpris bon nombre d’observateurs par sa maturité dans le jeu et la relance, mais aussi sa personnalité. Avez-vous également été surpris ?

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RM : sincèrement, non, je connais Antonio depuis qu’il a dix ans. Je connais, nous connaissons ses valeurs humaines. Pour ceux qui le suivent de près, ce n’est pas une surprise. Il a toujours fait preuve d’un caractère et d’une personnalité qui lui ont permis de dépasser des situations parfois compliquées. Il a toujours été serein et confiant en ses capacités. Antonio a eu des hauts et des bas durant sa formation. Il a eu du retard en U14, U15 ou U16, mais quand il a grandi, Antonio a toujours été au-dessus grâce à sa force défensive, mais aussi sa vision du jeu et sa prise de décision. Tout ça lui a permis d’être prêt pour saisir l’opportunité de jouer en équipe première. C’est une fierté de le voir atteindre ce niveau et qu’il réponde de cette manière. Mais nous ne sommes pas surpris parce que nous savons que plus le défi est difficile, plus Antonio répond présent.

«Gonçalo Ramos peut être la référence offensive de n’importe quelle équipe en Europe»

FM : poursuivons avec Florentino. En France, nous avons une image mitigée du milieu de terrain suite à son prêt à Monaco, au cours duquel il avait peu joué et rarement montré de quoi il était vraiment capable. Son excellent début de saison, est-ce simplement une question de confiance ?

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RM : Florentino a intégré l’équipe première de Benfica très jeune. Il n’a pas su maintenir de la régularité dans ses performances. Puis il est passé par des prêts dans des clubs où nous ne contrôlons pas l’utilisation qu’en fait son entraîneur, le système de jeu dans lequel il évolue. Pour un jeune joueur, ne pas avoir le volume de matches nécessaires à son évolution est parfois difficile à vivre et peut provoquer un creux psychologiquement. Mais Florentino a mûri grâce à ses expériences et quand il a eu l’opportunité de revenir et de rejouer en équipe première de Benfica, on a retrouvé un joueur plus fort, plus mûr et mieux préparé pour le football de haut niveau, tout en ayant gardé ses qualités, toujours soulignées dans sa position depuis son jeune âge.

FM : enfin, Gonçalo Ramos, jeune attaquant, annoncé dans le viseur du Paris SG notamment. Selon vous, jusqu’où peut-il aller ?

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RM : je crois que Gonçalo Ramos peut être la référence offensive de n’importe quelle équipe en Europe. D’abord grâce à sa polyvalence. Durant sa formation, Gonçalo a joué milieu offensif, n° 9, ailier aussi. Le père de Gonçalo a lui aussi été joueur chez les jeunes, comme ailier. Par sa versatilité, sa capacité à jouer entre les lignes ou à prendre la profondeur en rupture dans le dos des défenses, il est un joueur complet. Il marque, physiquement, il est résistant. C’est un attaquant complet. Il peut s’adapter à différents systèmes et différents plans de jeu. Il est en confiance cette saison, il est motivé et répond présent. C’est un pur produit de notre formation qui a aussi une relation spéciale avec les supporters et les gens du club. C’est un être humain excellent, toujours disponible pour aider les autres jeunes de la formation. Il mérite ce qui lui arrive en ce moment, tout comme les deux autres joueurs évoqués précédemment. Ce sont des bonnes personnes avec des valeurs humaines très fortes.

FM : parallèlement à ces trois exemples de réussite probants, Henrique Araujo et Paulo Bernardo, aperçus ces derniers mois en équipe première, semblent actuellement peiner.

RM : tous les joueurs n’arrivent pas au même niveau, en même temps. Certains parcours ne sont pas linéaires. Ils jouent plus que les années précédentes. Les autres joueurs travaillent dur pour être prêts quand on fera appel à eux.

FM : Benfica possède-t-il actuellement au sein de son académie un futur crack ?

RM : je ne répondrai pas à cette question, notre objectif est de développer des joueurs en fonction de leurs moyens. Certains ne concrétisent pas leur potentiel, d’autres ont réussi grâce à une dose de travail supérieure. Je pourrai vous donner une liste d’une cinquantaine de noms de jeunes nés entre 2005 et 2015 qui pourraient devenir des cracks. Mais individualiser n’est pas une bonne chose, cela pourrait poser plus de problèmes qu’autre chose avec tout ce que cela implique et n’est pas la politique de Benfica.

FM : Bernardo Silva, João Cancelo, Ruben Dias, André Gomes, Renato Sanches, Gonçalo Guedes, João Félix et j’en passe : la liste des talents récemment formés au club est impressionnante. Y a-t-il une réussite qui vous tient particulièrement à cœur ?

RM : sincèrement, non. Notre objectif est de produire des joueurs capables de jouer au plus haut niveau. Certains y arrivent, d’autres noms, sont toujours au club, ou détachés du football, ce sont des bons hommes. Ils sont reconnaissants envers Benfica. C’est notre meilleur triomphe, qu’ils réussissent ou pas, c’est qu’ils aient des valeurs fortes. Le monde change, il y a de moins en moins de joueurs de talents, probablement car le football ne se joue plus dans la rue. Les jeunes ont d’autres centres d’intérêt. Le football n’est plus une priorité. Tout le monde le ressent au Portugal et partout dans le monde. Le joueur de football change aussi au fil des années. Une dizaine de joueurs pouvaient remporter le Ballon d’Or dans les années 90. Sur la dernière décennie, il n’y en avait que 2 ou 3. Il faut avoir une stratégie. Nous en avons une, en ramenant la rue dans la formation, avec d’autres paramètres plus éclectiques. Nous devons nous adapter à ça aussi et préparer des joueurs pour le football du futur.

«Renato Sanches jouait avec des joueurs de deux ou trois ans de plus que lui et finissait toujours par gagner»

FM : le PSG compte dans ses rangs deux joueurs passés par l’académie de Benfica : Danilo Pereira et Renato Sanches. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

RM : Danilo, je ne l’ai pas beaucoup connu à la formation, je n’ai pas été très proche de lui. Mais il a toujours été reconnu comme un bon joueur, avec une puissance physique hors norme et des capacités motrices au-dessus de la moyenne tout comme une qualité technique supérieure. On imaginait déjà que Danilo pourrait aller au plus haut niveau. Renato, je le connais depuis qu’il a dix ans. Il s’est toujours distingué par sa force, son irrévérence, sa résistance et ses qualités techniques. Il jouait dans la rue, dans les citystades. Il jouait avec des joueurs de deux ou trois ans de plus que lui et finissait toujours par gagner. Il a toujours été ambitieux. Il a franchi les étapes grâce à ses efforts et son travail. Il a toujours eu une énorme confiance en lui, il s’est toujours comparé aux meilleurs dans sa position, au club, mais aussi chez nos adversaires au Portugal et en Europe, pour comprendre ce qu’il pouvait ajouter à son jeu pour progresser. Il a été très précoce. Il a connu une période charnière dans sa carrière à 16 ans. Il était surclassé en U17. En l’espace d’un an, il est passé des juniors à l’équipe B de Benfica puis a eu sa chance en équipe première où il s’est imposé. Il a terminé la saison champion, titulaire, il a été convoqué avec la sélection portugaise, il a remporté l’Euro en étant important et a rejoint le Bayern. Tout a été très très vite pour lui, qui n’était encore qu’adolescent. Il a toujours dû beaucoup se battre pour avoir du succès dans le football et devenir un jeune talent national et international.

FM : la post-formation est un secteur de plus en plus important pour les clubs. Benfica n’échappe pas à la règle. On l’a vu par exemple avec Morato, jeune défenseur brésilien formé à São Paulo puis poli à Benfica. Est-ce dans cette même perspective que le SLB a accueilli les deux jeunes Français Lenny Lacroix et Sofiane Dris cet été ?

RM : on parle d’une question qui touche le football professionnel. Nous, notre mission, c’est de détecter les meilleurs jeunes talents portugais et de les former du mieux possible. Nous restons également attentifs aux jeunes talents étrangers et nous avons eu des succès sur ce plan. Mais dans ces cas précis, on parle du secteur professionnel et plus de la formation et je ne suis pas le mieux placé pour en parler.

FM : le succès suscite les convoitises et les jalousies. Avez-vous déjà été approché par d’autres clubs ces dernières années ?

RM : oui, honnêtement, j’ai été approché par d’autres clubs, au début de ma carrière à Benfica, c’est arrivé 4-5 fois concrètement. Mais il y a une relation ombilicale au vu du travail effectué depuis tant d’années. C’est un travail collectif et un motif de fierté d’avoir fait de Benfica le meilleur club formateur du monde et fait du Benfica Campus une académie mondialement reconnue. Le football doit aussi être question de passion, pour les joueurs aussi selon moi d’ailleurs. Plusieurs de ceux que nous avons formés. Moi, et mes collègues, nous avons le sentiment de contribuer à quelque chose d’unique. Oui il y a des approches, moins fréquentes. Mais je suis à Benfica et Benfica est le meilleur club du monde.

FM : pensez-vous qu’il soit possible de voir Benfica aligner dans un avenir plus ou moins proche un onze majoritairement composé de joueurs formés au club ?

RM : si nous avions réussi à retenir un an ou deux de plus certains des joueurs que nous avons formés et qui jouent dans certains des meilleurs clubs du monde, nous aurions peut-être pu lutter pour le titre en Champions. Si on pense à Ederson dans les buts, João Cancelo et Nelson Semedo chez les latéraux, Ruben Dias, Victor Lindelöf, Antonio Silva et même David Luiz dans l’axe de la défense, Florentino, Renato Sanches, André Gomes, Bernardo Silva au milieu, Gonçalo Guedes, Gonçalo Ramos, Hélder Costa, João Félix ou Ivan Cavaleiro devant. Si on avait pu conserver certains de ces joueurs, qui évoluent dans les meilleurs clubs en Europe et certains en France, et mixer les générations, on aurait certainement été des candidats au titre en Europe. Le club a ses objectifs, notre équipe de formateurs a aussi les siens. Quand je suis arrivé, il n’y avait pas d’académie. Nous étions sans outils. Nous avons commencé par là et nous nous sommes fixés des objectifs. Nous allons repérer les meilleurs jeunes au Portugal, les former pour qu’ils jouent en sélections de jeunes, puis qu’ils atteignent l’équipe première, puis qu’ils intègrent la sélection A, puis qu’ils soient candidats au Ballon d’Or, etc. J’ai un rêve et nous travaillons tous pour que Benfica un jour gagne la Champions avec une majorité de joueurs formés au club. Nous n’avons pas les mêmes moyens que d’autres clubs, mais la formation est l’un de nos atouts et nous travaillons tous les jours pour rendre ce rêve possible. Et avec de la passion et du travail, tout est possible.

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