Eliminatoires CM - Europe

L’étonnante réaction de l’Italie après l’improbable nomination de Gennaro Gattuso

Contre toute attente, Gennaro Gattuso a été nommé sélectionneur de l’Italie à un an de la Coupe du Monde 2026. Dans un climat d’incertitude, après le départ précipité de Luciano Spalletti et le refus de Claudio Ranieri, l’ex-milieu de terrain endosse un rôle de sauveur inattendu. Scepticisme, curiosité, et peut-être un soupçon d’espoir accompagnent ses premiers pas. Car si Gattuso n’est ni un grand tacticien ni un champion des bancs, il a le feu sacré. Et peut-être, le profil pour réveiller une Nazionale malade.

Par Valentin Feuillette
6 min.
Gennaro Gattuso, nouvel entraîneur de l'Italie @Maxppp

Nommé à la tête de la Squadra Azzurra à un peu plus d’un an de la Coupe du Monde 2026, Gennaro Gattuso hérite d’une sélection italienne en proie à de profonds doutes structurels et identitaires. Son arrivée met fin à plusieurs jours de flou autour de la succession de Luciano Spalletti, qui a quitté son poste après un passage aussi bref que décevant. Si son nom n’était pas le favori dans un premier temps, Gattuso a finalement été préféré à plusieurs anciens internationaux également en lice : Fabio Cannavaro, Andrea Pirlo et Daniele De Rossi. Trois profils prestigieux mais aux expériences mitigées sur les bancs. Le choix de la Fédération reflète une volonté de revenir à une figure de caractère, capable de ramener de la stabilité émotionnelle et un certain sens du sacrifice, qualités que l’Italie peine à incarner ces dernières années. Hormis quelques cadres, les dernières listes ont été marquées par une instabilité criante, et la sélection semble toujours orpheline d’une vraie colonne vertébrale depuis son titre à l’Euro 2021. Le chantier qui attend l’ancien milieu de terrain de l’AC Milan est colossal. Il devra d’abord trancher dans un vivier de joueurs instables, oscillant entre des cadres vieillissants et une nouvelle génération encore trop tendre pour le très haut niveau.

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La gestion des leaders – Donnarumma, Barella, Tonali, Bastoni ou Chiesa – sera capitale, tout comme la capacité à construire autour d’eux une ossature compétitive. Au-delà des choix d’hommes, c’est une refonte tactique que Gattuso devra impulser, dans une sélection qui alterne sans conviction entre possession stérile et transitions mal maîtrisées. L’Italie n’effraie plus, et c’est peut-être là le plus grand défi : redonner du caractère à une équipe qui a perdu sa grinta. Gattuso, figure emblématique de ce trait de caractère, devra faire en sorte que cette identité redevienne l’ADN de l’Italie, tout en assurant une montée en puissance cohérente jusqu’au Mondial nord-américain. L’accueil de la rumeur Gattuso a d’abord suscité un large scepticisme, voire un certain désarroi, tant chez les supporters que chez de nombreux observateurs et journalistes. Son profil, marqué par des expériences contrastées en club et une approche parfois jugée trop émotionnelle, semblait à contre-courant des besoins structurels de la Nazionale. Pourtant, depuis l’officialisation, le ton a évolué. À froid, un vent de curiosité – sinon d’optimisme – souffle sur le pays. Beaucoup voient en Gattuso un pari risqué, certes, mais aussi une tentative de réinjecter une forme de passion, de clarté et de leadership dans un groupe qui en a cruellement manqué ces derniers mois. Les arrivées annoncées d’Andrea Barzgali et de Leonardo Bonucci dans le staff vont dans ce sens.

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Enfin des jeunes ?

L’un des grands paradoxes du football italien ces dernières années réside dans l’écart criant entre les bons résultats des sélections de jeunes et la difficulté à intégrer durablement ces talents en équipe première. L’Italie U17, U19 ou U21 brille régulièrement dans les compétitions européennes, témoignant d’un vivier riche et bien formé, souvent plus compétitif que celui de certaines grandes nations. Pourtant, ce réservoir peine à alimenter la Nazionale A, en partie à cause d’une Serie A encore frileuse vis-à-vis de ses jeunes joueurs italiens. Trop peu d’entre eux bénéficient d’un temps de jeu conséquent au plus haut niveau, barrés par la pression des résultats, l’omniprésence de joueurs étrangers ou des choix de court terme de nombreux clubs. Ce déséquilibre freine la régénération naturelle de la sélection. Dans ce contexte, Gennaro Gattuso pourrait justement incarner une rupture bienvenue : que ce soit à l’AC Milan ou à Naples, il n’a jamais hésité à faire confiance à de jeunes joueurs, leur offrant du temps de jeu et des responsabilités malgré la pression. Cette volonté de miser sur la jeunesse pourrait bien devenir un axe fort de son mandat à la tête de la Nazionale. Des pépites comme Niccolò Pisilli, Tommaso Baldanzi, Cesare Casadei, Samuele Ricci, Michael Kayode, Matteo Ruggeri, Lorenzo Lucca, Giovanni Leoni, Pio Esposito, Luca Koleosho voire Francesco Camarda pourraient sortir grands gagnants de ce choix de la FIGC. L’Italie de Gattuso s’annonce placée sous les signes de la jeunesse, de l’autorité et de la solidité défensive. Le sélectionneur privilégierait une défense à trois, modèle qu’il a déjà expérimenté auparavant en Croatie après un solide passage en 4‑2‑3‑1 et 4‑3‑3. Il s’appuiera sur un socle de défenseurs centraux solides — Scalvini, Bastoni, Calafiori, Buongiorno, Gabbia — dont certains ont déjà travaillé avec lui à Milan ou Naples.

Dans le vestiaire, l’équilibre sera assuré par des cadres tels que Donnarumma, Barella et Tonali, tandis que les jeunes prometteurs devront incarner l’avenir du projet Gattuso, précise La Gazzetta dello Sport. L’objectif ? Rallier une base de stabilité, tout en injectant du sang neuf et une identité plus agressive, avec une construction soignée depuis l’arrière. Gennaro Gattuso n’a jamais été un entraîneur ordinaire. Il s’est imposé à force de travail, de résilience et d’une véritable curiosité tactique. S’il a dirigé des clubs prestigieux comme l’AC Milan ou Naples — avec à la clef une Coupe d’Italie remportée en 2020 — c’est aussi dans des contextes moins favorables, parfois chaotiques, qu’il a forgé sa vision du jeu : en Suisse (Sion), en Grèce (OFI Crète), en Espagne (Valence), en France (Marseille) ou récemment en Croatie (Hajduk Split). Ces expériences internationales ont affiné son regard, lui offrant un bagage tactique plus riche que ce que certains résument trop hâtivement à un simple football de "grinta". Des équipes doivent incarner l’intensité, le pressing et le courage, mais elles sont aussi invitées à construire proprement, à jouer haut, à multiplier les supériorités numériques dans les petits espaces (notamment dans un 3+2 à la relance), et à exploiter les ailes ou les intervalles selon le système (3-4-3 ou 3-4-2-1). Il faudra donc s’attendre à une Italie audacieuse, structurée, qui cherchera moins les longs ballons verticaux que les circuits de passes élaborés, pour valoriser la mobilité de ses ailiers comme Politano, Zaccagni ou Orsolini.

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L’Italie tout entière a d’abord accueilli la nomination de Gennaro Gattuso avec stupeur, voire une certaine inquiétude. Après le refus de Claudio Ranieri, pourtant pressenti comme une option d’urgence crédible, le flou autour de la succession de Spalletti avait installé un climat de fébrilité. Gattuso, au palmarès modeste et au profil très éloigné des grands architectes du football italien (Capello, Sacchi, Lippi, Ancelotti, Trapattoni ou Pozzo), ne cochait pas toutes les cases attendues pour un redressement express. Et pourtant, à mesure que l’émotion laissait place à la raison, une forme d’adhésion, discrète mais réelle, a commencé à émerger. Car si Gattuso n’est pas un stratège de renom, il a eu le mérite d’accepter ce défi immense, là où d’autres ont décliné. À un an de la Coupe du Monde, il endosse le rôle du pompier volontaire, prêt à réveiller un groupe amorphe, à remettre des règles, du courage, et une direction claire à une Nazionale en perdition. En cela, il est peut-être l’homme qu’il fallait à ce moment précis, pour un vestiaire en manque d’âme. Premier test pour le nouveau sélectionneur : une double confrontation décisive en septembre avec la reception de l’Estonie puis le déplacement contre Israël en Eliminatoires de la Coupe du Monde – un baptême du feu qui dira déjà beaucoup sur sa capacité à fédérer et réagir vite.

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