La folle histoire du vice-président du Suriname qui a joué en Ligue de la CONCACAF à 60 ans

Par Aurélien Macedo
6 min.
Ronnie Brunswijk en meeting politique @Maxppp

Vice-président du Suriname, ancien chef de guerre, baron de l'or et recherché par Interpol, Ronnie Brunswijk est un homme à part. Alors qu'il est âgé de 60 ans et 198 jours, celui qui est aussi président du club de l'Inter Moengotapoe a réalisé une jolie performance en disputant 54 minutes d'un match professionnel. C'était en 1/8e de finale de la Ligue de la CONCACAF lors d'une défaite 6-0 contre le CD Olimpia.

L'âge n'est pas une fin en soi et plusieurs histoires dans le football le démontrent. On pense notamment à Ezzeldin Bahader buteur à 75 ans en D3 égyptienne ou bien à Essam el-Hadary qui a joué lors de la Coupe du monde 2018 alors qu'il avait 45 ans et 161 jours. En Amérique du Sud, Ronnie Brunswijk vient de rentrer à sa manière dans l'histoire. En effet, celui qui occupe le poste de vice-président du Suriname Ronnie Brunswijk vient de marquer le football à sa manière. Également président du club de l'Inter Moengotapoe, le troisième plus gros club du Suriname avec 10 titres de champion (derrière le SV Robinhood et ses 24 sacres ainsi que le SV Transvaal qui compte 19 trophées), il a pris part à la Ligue de la CONCACAF. Opposé au club hondurien du CD Olimpia, il a disputé 54 minutes de la rencontre alors qu'il avait 60 ans et 198 jours. Il est plus âgé que la Confédération de la CONCACAF elle-même puisqu'il est né le 7 mars 1961 alors que l'organisation a été fondée le 18 septembre suivant. Un âge canonique qui en fait le plus vieux joueur à disputer un match international.

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Une titularisation qui a fait grincer des dents

La présence de Ronnie Brunswijk sur le terrain a clairement fait grincer des dents comme l'a rapporté ESPN. Défenseur d'Olimpia, Johnny Leveron a trouvé cette décision surprenante sans pour autant la contester : «c'était leur choix et ont-ils fait ce qu'ils pensaient être le mieux pour leur équipe. Nous ne nous impliquons pas là-dedans.» L'entraîneur adjoint d'Olimpia Gustavo Reggi a lui aussi été étonné : «nous l'avons découvert une demi-heure plus tôt quand ils nous ont donné l'équipe. C'est l'affaire de nos rivaux. Nous devions juste nous concentrer sur nous-mêmes. Nous représentons un club, et nous devons le faire de la meilleure façon possible, que ce soit au niveau national ou international. C'est ce que nous sommes venus faire ici. Nous sommes heureux de la victoire et maintenant nous attendrons le match retour.»

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Si du côté d'Olimpia, l'équipe s'est concentrée uniquement sur son match, les médias honduriens ont considéré que c'était un vrai manque de respect d'aligner un joueur hors de forme dans une compétition internationale. Dans une forme physique loin d'être optimale, avec le brassard de capitaine au bras ainsi qu'un numéro 61 en référence à sa date de naissance, Ronnie Brunswijk a livré une scène assez surprenante dans le stade qui porte d'ailleurs son nom. D'autant plus que son fils Damian était aussi sur la pelouse. Malheureusement, la belle histoire pour lui n'est pas allée plus loin puisque son équipe s'est lourdement inclinée 6-0. Ayant déjà participé par le passé à certaines rencontres de la Coupe des Caraïbes, il a cette fois vécu un moment à part et après la rencontre il a même rejoint ses adversaires dans leur vestiaire et leur a distribué des billets. Des scènes surréalistes qui ne se produiront pas lors du match retour en Honduras. Car si l'Inter Moengotapoe se déplacera malgré une élimination quasi officiellement actée, ce sera bien sans Ronnie Brunswijk. Recherché par Interpol, il ne peut pas quitter le territoire du Suriname.

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Un chef de guerre qui a renversé la dictature au Suriname

Une vie digne d'un film ou d'une série, voici comment on peut simplifier l'histoire de Ronnie Brunswijk. Né dans une famille de 10 enfants dans l'une des régions les plus pauvres du pays, il vivait principalement de la flore locale (riz, manioc, bananes) et mangeait rarement de viandes. «La vie n'était pas géniale, nous avons dû lutter» a d'ailleurs expliqué sa mère Agnès dans des propos retranscrits par le New York Times. Ne disposant pas de l'électricité et de nombreuses commodités, il s'engage dans l'armée pour devenir parachutiste et travaillait pour le dictateur Desi Bouterse, qui a pris le pouvoir en 1980. Venu de la communauté "Marron" ou "Bushinenges" qui est un terme péjoratif issu de la colonisation et fait référence aux descendants d'esclaves africains, Ronnie Brunswijk s'est éloigné de son employeur quand ce dernier commençait à réprimer sa communauté et qu'il assassinait des opposants politiques.

Quittant l'armée en 1984, il aurait réalisé des braquages de banques à main armée et il s'est ainsi forgé son surnom de Robin des Bois en distribuant une partie de ses fonds aux villageois de la communauté marron. Le principal intéressé nie les braquages tout en expliquant que l'argent venait de ce qu'il avait gagné dans une mine d'or. Capturé, il s'est enfui vers les Pays-Bas avant de planifier son retour. Devenu chef des rebelles de l'armée de libération du Suriname, le Jungle Commando, il revient en 1986 et déclenche la révolte des Bushinenges durant l'été. Cette guerre civile dura six ans (cinq ans de conflits plus une année avant la signature des derniers accords de paix), permettant l'accession au pouvoir de Ronald Venetiaan et le retour de la démocratie au Suriname.

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Les affaires de drogues

Malheureusement, là aussi la question de la légalité s'est posée. Brunswijk est accusé de trafic de drogue. Il aurait ainsi financé la guerre civile grâce à la cocaïne, même s'il l'a toujours nié, expliquant que sa fortune serait venue de l'extraction du bois et de l'or dans la région. Néanmoins, cela n'a pas empêché le tribunal d'Haarlem (Pays-Bas) de le condamner par contumace pour trafic de drogue en 1999. La justice néerlandaise a prononcé une sentence de 8 ans et la justice française a préconisé 10 ans de prison. Un mandat d'arrêt international a alors été lancé contre lui, mais le Suriname refuse d'extrader l'accusé. Toujours recherché par Interpol qui l'a placé dans le haut de sa liste, il ne peut plus sortir de son pays, sous peine d'être arrêté.

Cela n'est pas un souci pour lui puisqu'il bénéficie d'une belle image auprès de la communauté Marrons et a pu lancer une carrière politique. Il est ainsi passé de député en 2005 à vice-président en 2018. Assez bling-bling, il s'engage tout autant dans des causes nobles comme l'aide aux personnes démunies de son pays. Surnommé aussi "baron de l'or" grâce à la richesse qu'il a développée grâce au métal précieux, il serait aussi le père d'au moins cinquante enfants. Sa mère Agnès a même déclaré au New York Times : «qu'il avait tellement de descendants que des inconnus lui demandent parfois de la serrer dans ses bras, prétendant être ses petits-enfants.» Son lien avec le foot se fait aussi grâce à son club de l'Inter Moengotapoe. Il a été suspendu en 2005 pour avoir menacé un joueur avec une arme de poing, mais cette sanction a été retirée pour faute de preuves. En 2012 aussi, il a pris une suspension d'un an pour avoir agressé verbalement un arbitre. Personnage atypique et controversé, Ronnie Brunswijk pourrait donner des idées de scénario pour Hollywood, son histoire est plus qu'étonnante.

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