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Timothé Nkada : «jouer pour le Cameroun est un objectif»

Deuxième meilleur buteur de Ligue 2 cette saison, l’attaquant ruthénois Timothé Nkada (25 ans) s’est confié à notre micro. Il affirme ses ambitions pour la suite de sa carrière.

Par Jordan Pardon - Alexandre Chaillol
16 min.
nkada @Maxppp

Il est l’une des révélations de cette saison en L2. Arrivé l’été dernier dans l’anonymat total à Rodez, Timothé Nkada a su tisser sa toile avec méthode et piocher dans les bons tiroirs. Avec 17 réalisations cette saison, le natif de Lille occupe aujourd’hui la deuxième place du classement des buteurs de Ligue 2, derrière Éli Junior Kroupi. Mais l’attaquant formé à Rennes a dû se faire violence pour réussir en France, après des parenthèse au Danemark mais surtout en S Slovénie. Maintenant qu’il y est, il affirme ses ambitions pour la suite de sa carrière.

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FM : t’étais-tu fixé un objectif de buts en signant à Rodez cette saison ?

Timothée Nkada : je ne me suis pas fixé un itinéraire de fin de saison, mais je me fixe des objectifs à court-terme. En arrivant, je voulais mettre 5 buts rapidement, puis 10. Tu regardes aussi un peu le classement des buteurs pour aller chasser tes concurrents, c’est important (rires). Mais je ne me suis pas fixé un nombre à atteindre dès ma signature.

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FM : avec 17 réalisations à une journée de la fin du championnat, tu as de grandes chances de terminer deuxième meilleur buteur de L2 (derrière Kroupi et ses 20 réalisations). De ton propre ressenti, as-tu le sentiment de toucher ton pic, ton "prime" comme disent les jeunes ?

TN : on va dire que je suis au meilleur niveau que j’ai jamais eu, j’ai du mal avec le mot “prime” parce que c’est un peu lié à une carrière globale. J’espère l’atteindre le plus tard possible, et j’espère encore être plus fort la saison prochaine.

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FM : est-ce que l’étape suivante, c’est naturellement d’aller dans un championnat plus huppé comme la Ligue 1, et pourquoi pas un jour la Premier League que tu adores ?

TN : aller dans un grand championnat, ouais carrément, c’est l’étape du dessus. C’est un objectif à moyen terme d’aller se frotter aux plus gros championnats. Et je ne m’en suis jamais caché, la Premier League, c’est l’objectif ultime. C’est là où j’aimerais finir, mais il y a des étapes intermédiaires pour y arriver, et la Ligue 1, ça peut en être une belle.

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FM : dans le profil et les qualités, à quel attaquant tu ressemblerais aujourd’hui selon toi, toutes proportions gardées ?

TN : dans le style, je me définis comme un attaquant de profondeur, finisseur, et j’ai su évoluer avec le temps. J’aime beaucoup venir jouer dans les pieds, les petits espaces, décrocher… Je me définis comme un attaquant complet, mais c’est dur de trouver un attaquant qui me ressemble. Au niveau des inspirations, je regarde vraiment beaucoup Karim Benzema pour son approche du poste. C’est le meilleur 9 qui s’est fait sur les dernières années, et encore plus sur une saison, avec son année Ballon d’Or où il était incroyable.

FM : pour le grand public, tu as débarqué un peu "incognito" à Rodez. Est-ce que tu n’as pas peur d’être plus lisible, plus observé par les défenseurs adverses, et de devoir sans cesse te renouveler désormais ?

TN : non, mais je pense que c’est beaucoup plus dur d’être serré en tant que numéro 9, dans le sens où on est un peu au milieu de tout, dans la surface. C’est dur de tenter des prises à 2 dans cette zone. Je devrais beaucoup plus me renouveler si je jouais excentré, un poste où tu peux vite être serré avec des prises à 2 ou 3 sur le côté.

FM : à quel point as-tu senti le regard des adversaires changer à ton sujet ? Est-ce que tu constates que les défenseurs veulent davantage te déstabiliser, te rentrer dedans, te faire sortir de ton match ?

TN : ouais, un peu sur certains matchs. En deuxième partie de saison, j’ai senti que j’étais un peu plus attendu, un peu plus marqué, et on essayait davantage de me déstabiliser, mais ça restait bon enfant.

«Quand t’es numéro 9 depuis petit, et que tu fêtes tes 24 ans sans avoir encore marqué en professionnel en championnat… Je vous laisse imaginer les doutes»

FM : comment t’expliques le fait que vous soyez 14es, mais que vous ayez la 3e meilleure attaque de L2 (55 buts), derrière Lorient (63) et Metz (61) ?

TN : on a fait preuve de beaucoup d’efficacité, mais on sait que notre problème, c’est de concéder pas mal de buts (53, deuxième pire total derrière Caen). C’est aussi dû à notre jeu offensif parce que quand t’attaques forcément, tu laisses pas mal d’espaces derrière. On n’a pas trop réussi à trouver cette balance, et je pense que c’est surtout pour ça qu’on n’a pas fait une meilleure saison.

FM : ta réussite cette saison est aussi celle de Didier Santini, qui t’a fait confiance dès la première heure…

TN : il y est évidemment pour quelque chose si je suis un joueur en confiance aujourd’hui. Dès le début de saison, j’ai eu un coach qui comptait sur moi, et ça aide forcément à performer. Il a joué un rôle clé dans ma réussite. Ca a été très rare que j’ai des entraîneurs qui me fassent aussi confiance, pour ne pas dire jamais. Je suis tombé au bon endroit avec la bonne personne.

FM : t’as eu un parcours assez tortueux avant d’arriver à Rodez, avec des parenthèses au Danemark et en Slovénie. As-tu eu des doutes à certains moments ?

TN : ouais beaucoup, énormément même. Quand t’es numéro 9 de métier depuis petit, et que tu souffles les bougies de tes 24 ans sans avoir encore marqué en professionnel en championnat… forcément, je vous laisse imaginer les doutes qu’il peut y avoir. Je n’ai pas douté de mes qualités, j’ai eu des doutes sur le fait de pouvoir concrétiser ce potentiel que j’avais en moi, parce qu’il n’y a pas que les qualités dans le football. Mais j’ai réussi à gommer aussi ça et inverser la tendance.

«J’ai été sur Transfermarkt avant de signer en Slovénie. C’est sous coté sur le plan du niveau, mais aussi des débouchés quand on est Français. »

FM : quelle a été la remise en question ? As-tu eu un déclic précis ?

TN : le côté finisseur, je l’ai toujours eu depuis petit, même quand je ne marquais pas. Quand j’avais 0 but en championnat, je marquais à l’entraînement et j’étais adroit. C’est peut-être ce côté émotionnel en match qui m’a manqué. Quand je devais la mettre petit filet, je la mettais sur le poteau. Le déclic, il a dû avoir lieu lors de mon premier but en Slovénie (il a terminé la saison dernière avec 11 buts en jouant plutôt ailier, ndlr), et derrière ça libère, surtout après une disette d’autant d’années. Ca été naturel par la suite, je n’ai même pas été surpris de ce que je faisais, puisque je le faisais déjà à l’entraînement (rires).

FM : en parlant de la Slovénie, tu as raconté avoir été sur Transfermarkt avant d’y signer, parle-nous-en

TN : j’étais dans une situation très compliquée, j’avais un an et demi de blessure, je devais me relancer, mais le téléphone ne sonnait pas beaucoup… Donc j’ai l’agent d’un ami qui m’a contacté pour la Slovénie, et vous connaissez un peu la mentalité française… J’étais le premier à me dire “C’est quoi ce championnat ? “. Je n’étais pas du tout “hypé”, mais dans ces moments-là, je conseille à tout le monde de ne jamais rien refuser.

Je me suis penché sur la Slovénie, je suis allé sur Transfermarkt qui est un super outil, j’ai regardé un peu les transferts des dernières années dans le championnat, et je me suis rendu compte que c’était un bon tremplin qui pouvait faciliter la passerelle vers des championnats que je voulais comme la L2. J’ai vu que c’était possible et j’ai compris que c’était l’endroit où il fallait que j’aille. Il y a de plus en plus de Français qui vont en Slovénie aujourd’hui, c’est cool, et j’ai mon ami Ahmed Sidibé (formé à l’ASSE, il évolue aujourd’hui à Koper, son ancien club), un super joueur, et j’espère qu’il aura une trajectoire comme la mienne.

FM : que retiens-tu de cette aventure dans un championnat "exotique", peut-être regardé un peu de haut par certains en France ?

TN : aujourd’hui, je suis encore en contact avec beaucoup de monde, des amis français comme des Slovènes, j’ai appris. Je me suis relancé là-bas, et comme quoi, on peut vraiment se relancer dans d’autres championnats plus "exotiques". Déjà parce que c’est une autre approche, un autre football, et peut-être parce que t’es aussi moins étiqueté. S’exporter dans l’anonymat ça peut faire du bien pour repartir à 0. Et c’est sous coté sur le plan du niveau, mais aussi des débouchés quand on est Français.

FM : tu le situerais où justement par rapport aux championnats français ?

TN : il y a beaucoup de disparités mais les meilleures équipes comme Maribor, Celje (éliminé par la Fiorentina en 1/4 de Ligue Europa cette saison), l’Olimpija Ljubljana (éliminé en 1/16es de C4), jouent l’Europe et seraient dans le TOP de Ligue 2. Mais le bas du classement jouerait certainement le maintien en National.

«Ousmane prenait le ballon, dribblait tout le monde, pfff. C’était une folie»

FM : avant de te révéler là-bas, t’es passé par Rennes puis Reims, sans réussir à t’y imposer en professionnel. Qu’est-ce qui t’a manqué selon toi ?

TN : j’ai fait que des bancs à Rennes et 8 matchs (de Ligue 1) à Reims. Ce qui m’a manqué, c’est clairement l’efficacité. Dans le jeu ça allait, je me suis créé des occasions, j’apportais ma pierre dans le jeu, je faisais de bonnes entrées, mais il m’a manqué de concrétiser mes situations pour passer ce cap de remplaçant à potentiel titulaire.

FM : à Reims, tu as pu côtoyer Ekitike, quelle était ta relation avec lui ? Il était déjà au-dessus des autres ?

TN : quand je suis arrivé à Reims, il était avec la réserve, mais tu sentais qu’il avait un très gros potentiel. C’était un beau joueur, un bon attaquant, mais à mon avis, il a vraiment évolué année après année parce que chez les jeunes, il n’a jamais eu de sélection en équipe de France. Et ça, ça montre qu’il a su passer les caps au fil des ans. Quand je redescendais en réserve, on a toujours beaucoup discuté et on était proches.

FM : Rennes a certainement le meilleur centre de formation français aujourd’hui. Y’a t-il un joueur en particulier qui t’a marqué là-bas ?

TN : oui, c’est le meilleur centre de formation français pour moi. Il y a un très gros niveau et un ami à moi qui était à Lyon, était venu en essai à Rennes et avait été surpris du niveau. Il m’a dit “ah ouais, mais le niveau est fou”. Le joueur qui m’a le plus choqué, c’est Ousmane clairement. C’était abusé, il prenait le ballon, dribblait tout le monde, pfff. C’était une folie.

Après, Cama (Camavinga) aussi, par sa maturité. Je l’ai vu venir avec nous lors de ses premières titularisations en pro, j’étais sur le banc. J’ai vu son évolution, et dans un registre différent, il m’a marqué. Le petit avait tout, il est monté avec nous, c’était un 2002, j’avais 19 ans et il en avait que 16, mais il était déjà prêt en réserve. Il jouait contre des adultes mais on dirait qu’il jouait contre ses enfants. Franchement, il m’a impressionné.

FM : à 25 ans et en tant que binational (il compte 3 capes dans les sélections de jeunes de l’équipe de France), est-ce que jouer pour le Cameroun est un objectif que tu assumes désormais?

TN : ouais carrément, c’est un objectif, je ne m’en cache pas. Ce serait quelque chose de grand de connaître la sélection, on sait qu’historiquement, c’est une énorme sélection africaine. Ce serait un honneur. Il y a la CAN et la Coupe du Monde prochainement. J’ai dejà eu des approches un peu officieuses avec des personnes qui s’occupent plus ou moins des binationaux, mais rien d’officiel.

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