La terrible descente aux enfers de la sélection islandaise et de sa génération dorée !

Par Aurélien Macedo
8 min.
L'Islande célèbre sa qualification pour les quarts de finale de l'Euro 2016 @Maxppp

Véritable sensation au cœur des années 2010, l'Islande a créé la sensation plus d'une fois. Quart de finaliste de l'Euro 2016, la sélection insulaire s'est même offert le luxe d'une qualification historique pour le Mondial 2018. Si les résultats des Strákarnir okkar ont bien baissé depuis, des événements multiples ont totalement dégradé la belle histoire qui avait été écrite jusque-là. La star du pays, Gylfi Sigurðsson est englué dans une affaire de pédocriminalité tandis que d'autres cadres sont accusés d'agressions sexuelles. Le clapping débouche sur un triste clap de fin pour une génération dorée qui avait surpris tout son monde pendant quelques années.

Île rude colonisée par les Vikings à la fin du neuvième siècle, l'Islande a toujours été un pays à part. Marquée par le froid et une agriculture compliquée, l'Islande offre aussi de très belles choses. Outre ses paysages sublimes, la Terre de feu et de glace écrit de belles histoires. Si on est loin des histoires d'elfes, de nains et de troll, la sélection islandaise de football a marqué à son échelle le pays. Longtemps considérée comme une faible nation de l'échiquier européen, l'Islande a totalement surpris son monde entre 2012 et 2018 avec une belle montée en puissance. Lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2014, les Strákarnir okkar brillent une première fois, mais échouent en barrage contre la Croatie (0-0, 2-0), une première belle campagne qui en amènera d'autres.

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Lors des éliminatoires de l'Euro 2016, les Vikings vont réussir leur pillage puisqu'ils caracolent en tête d'un groupe très difficile du début à la fin avec la République Tchèque. Terminant finalement deuxièmes juste devant la Turquie (qualifiée) et les Pays-Bas (éliminés), les hommes de Lars Lagerbäck impressionnent et obtiennent une qualification historique pour l'Euro 2016. Face au Portugal (1-1), la Hongrie (1-1) et l'Autriche (2-1), les coéquipiers d'Eidur Gudjohnsen parviennent à s'extraire de la phase de poules offrant ainsi un joli souffle glacial à la compétition. L'épopée ne s'arrête cependant pas là puisque l'Angleterre tombe à son tour face à un adversaire coriace et solidaire (2-1). L'aventure s'achève en quart de finale contre la France (5-2), mais qu'importe, l'Islande a totalement dépassé les attentes et vient d'écrire la plus belle page de son histoire footballistique.

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Le Mondial 2018 puis un déclin brutal

Les bons moments ne s'arrêtent pas tout de suite pour l'Islande. Digérant vite sa campagne historique ainsi que le départ de Lars Lagerbäck, les Strákarnir okkar vont reprendre le chemin du succès avec celui qui officiait aussi comme dentiste Heimir Hallgrímsson sur le banc. Dans un groupe homogène, mais compliqué avec la Croatie, l'Ukraine, la Turquie, la Finlande et le Kosovo, l'Islande va s'offrir la première place du groupe et devenir le pays le moins peuplé à participer à une Coupe du monde. Une nouvelle réussite folle pour l'île aux 364 000 âmes. Cette fois encore, l'Islande montre un joli visage en accrochant notamment l'Argentine (1-1), mais les défaites contre le Nigéria (2-0) et la Croatie (2-1) mettront fin à leurs rêves de nouvelle épopée.

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Depuis, c'est de plus en plus compliqué pour l'Islande. Terminant par deux fois dernière de sa poule de Ligue des Nations avec 0 point, la formation insulaire a manqué le dernier Euro. Barragiste face à la Hongrie (2-1), les hommes d'Erik Hamrén ont craqué en fin de match avec les buts de Loïc Négo (88e) et Dominik Szoboszlai (90e +2) qui l'ont privé de la compétition. Un échec au buzzer dont la sélection ne s'est pas relevée. Dans un groupe homogène, mais à sa portée, l'Islande a terminé cinquième derrière l'Allemagne, la Macédoine du Nord, la Roumanie et l'Arménie dans le cadre des qualifications à la Coupe du monde. Ses seules victoires ? Par deux fois contre le Liechtenstein (4-1 et 4-0). Des résultats qui témoignent du déclin sportif de l'équipe. Pour autant ce n'est pas si grave par rapport à la situation de certains cadres de cette équipe.

Le séisme Gylfi Sigurðsson

Star de l'équipe qui a brillé en Premier League avec Swansea, Tottenham et Everton, Gylfi Sigurðsson a provoqué un sacré tollé cet été. Écarté de l'équipe première d'Everton, le milieu offensif est accusé d'abus sexuel sur mineurs. Arrêté puis remis en liberté sous caution le temps de la procédure jusqu'en janvier. Alors que son club avait entretenu le flou dans un premier temps, c'est le média local Morgunbladid qui avait révélé que l'individu arrêté était le joueur de 32 ans (31 ans au moment de son arrestation ndlr). Toujours sous contrat jusqu'en juin 2022 avec Everton, les Toffees espèrent pouvoir casser son bail au plus vite.

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Une véritable bombe pour le club anglais et surtout la sélection islandaise compte tenu de l'impact du joueur dans ces deux formations. En attendant un jugement dont l'issue pourrait déboucher sur de lourdes sanctions judiciaires pour Gylfi Sigurðsson, la situation de flou reste présente. Cependant, cette affaire a été le premier domino d'une sacrée réaction en chaîne. Neuvième président de l'histoire de la fédération islandaise de football, Guðni Bergsson a d'ailleurs dû démissionner suite à la révélation de différents scandales sexuels qui concernaient la sélection nationale. Des actes graves et répugnants qui ont totalement terni la belle image dont disposaient jusque-là les Strákarnir okkar.

La fédération a couvert Kolbeinn Sigþórsson et d'autres joueurs

Tout a démarré cet été quand Þórhildur Gyða Arnarsdóttir a annoncé à la télévision islandaise qu'elle avait été agressée ainsi qu'une amie par un international islandais en 2017. Expliquant que son père a contacté Guðni Bergsson le président de la fédération à l'époque, ce dernier avait nié l'existence d'une plainte. Sous les pressions dont il faisait face, il a finalement expliqué qu'il n'était pas conscient du degré de la plainte. Poussé à la démission pour avoir couvert l'affaire et même proposé un dédommagement financier aux victimes, Guðni Bergsson a quitté la fédération tout comme quinze autres personnes qui faisaient partie du comité exécutif de la Fédération islandais.

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«Il m'a demandé si j'étais prêt à signer un accord de non-divulgation et à recevoir une restitution monétaire. Et j'ai naturellement dit non. J'ai quand même reçu un autre appel téléphonique d'un autre avocat qui m'a invité à une réunion où le membre de l'équipe nationale voulait s'excuser. Il s'est excusé et a admis ce qu'il m'avait fait. Il ne mettait en doute rien» avait d'ailleurs expliqué Þórhildur Gyða Arnarsdóttir à RUV au moment de la révélation publique de l'affaire. Le joueur accusé pour agression sexuelle n'était autre que Kolbeinn Sigþórsson ancien de l'Ajax Amsterdam et du FC Nantes et meilleur buteur de l'histoire de la sélection (26 buts en 64 matches).

Il était d'ailleurs toujours nantais au moment des faits qui se sont déroulés dans une boîte de nuit de Reykavik. Le buteur de l'IFK Göteborg était sorti du silence en réfutant une agression ou un harcèlement tout en expliquant qu'il avait convenu d'un règlement à l'amiable et financier envers les deux victimes. Le joueur a aussi parlé d'un comportement inadapté. Suspendu par son club suédois, il sera en fin de contrat dés ce vendredi 31 décembre. Comme le souligne le média anglais The Athletic, d'autres cas ont été couverts par la fédération au cours des dernières années.

Le capitaine Aron Gunnarsson aussi concerné

Dans un hôtel de Copenhague en 2010, deux internationaux, le capitaine et milieu Aron Gunnarsson ainsi que le défenseur Eggert Jónsson auraient commis un viol sur une Islandaise. Cette dernière avait accusé les joueurs, mais l'affaire a été étouffée. Mis au courant en juin dernier, l'ancien président Guðni Bergsson et certains cadres de la fédération n'ont rien dit. Ce qui a poussé le conseil d'administration de la KSI à publier un communiqué d'excuse : «chères victimes. Nous, le conseil d'administration de l'Association islandaise de football, vous croyons et tenons à vous présenter nos sincères excuses. Nous savons qu'en tant que parties responsables, nous vous avons laissé tomber et nous avons l'intention de mieux faire.» Une reconnaissance d'actes gravissimes qui laissait entrevoir un bon coup de ménage.

Toujours en activité avec le club qatari d'Al-Arabi, Aron Gunnarsson - tandis qu'Eggert Jónsson évolue avec le club islandais d'Hafnarfjördur - a d'ailleurs été écarté de la sélection en octobre dernier suite aux accusations dont il doit faire face.«En 2010, j'ai été violée par deux hommes islandais à l'étranger. J'avais bu de l'alcool, mais je soupçonne que quelqu'un a mis quelque chose dans mon verre, cela aurait pu être n'importe qui. Pour faire une longue et misérable histoire courte, j'ai vomi sur l'un d'entre eux dans le taxi sur le chemin de leur hôtel, puis à nouveau sur le lit de l'hôtel, mais ils ne se sont pas laissés arrêter et se sont relayés pour me violer pendant que je me couchais. Au lit sans pantalon avec du vomi dans les cheveux, le visage et les vêtements...» avait notamment expliqué la victime un peu plus tôt dans l'année dans un long message sur son compte Instagram.

Une reconstruction qui s'annonce difficile

Démentant avec force et véhémence le déroulement des faits, Aron Gunnarsson n'a d'ailleurs pas été informé qu'il faisait l'objet d'une enquête et n'a pas eu le statut de suspect aux yeux de la police qui n'a pas été plus loin à ce moment-là. Comme ses coéquipiers, Rúnar Már Sigurjónsson (Cluj) a aussi été accusé d'agression sexuelle et écarté de la sélection. Avec ces nombreux cas a géré au cours des derniers mois, l'Islande du football a connu un sacré séisme et la nouvelle présidente de la fédération Vanda Sigurgeirsdóttir va avoir du pain sur la planche.

Celle qui a été internationale avec l'Islande en football et en basket-ball (oui elle combinait bien les deux sports) doit désormais faire le ménage et reconstruire une fédération dont l'image a été plus qu'écornée par ces affaires. Dans l'attente des différents jugements, l'Islande du football est toujours en état de choc. La reconstruction s'annonce longue et douloureuse puisque l'histoire d'amour était si belle entre la sélection et son public. Émaillée par des faits et des accusations graves, cette génération dorée a gâché toute sa sympathie et laisse un sentiment de honte sur tout un pays.

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