Cédric Decker, entraîneur du FC Saint-Louis Neuweg : « on sent qu’on a une bonne étoile au-dessus de nous »

Par ThomasCvrK
10 min.
Cédric Decker, entraîneur de Saint-Louis Neuweg @Maxppp

À quelques jours du 16ème de finale de Coupe de France face à Sedan, Cédric Decker, entraîneur du FC Saint-Louis Neuweg, nous parle de l'aventure du club de National 3 en évoquant la préparation mentale et physique des joueurs dans cette période particulière pour le football amateur. Il nous dévoile aussi la façon dont le club du Haut-Rhin aborde l'un des matchs les plus importants de son histoire.

Foot Mercato : Cédric, en janvier dernier, vous aviez élevé la voix contre la reprise de la Coupe de France pour les clubs amateurs mais vous avez finalement participé à la compétition. Quel message vouliez-vous faire passer ?

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Cédric Decker : on jouait contre une équipe de district et j’ai réagi sous le coup de l’émotion par rapport à notre situation personnelle aussi. En face, ils ne voulaient pas jouer, ce que je comprenais totalement parce que cette équipe avait seulement 10 jours de préparation alors que nous, nous avions repris depuis le 7 décembre. Je trouvais cela injuste pour eux. On dit souvent que les professionnels et les amateurs ne sont pas solidaires mais j’ai trouvé que nous-même, entre amateurs, on n’a pas fait preuve de solidarité. Ça ne dérangeait pas des N2 ou des N3 de jouer contre des équipes de niveau inférieur qui ne s'entraînaient que depuis 10 jours alors que les équipes de National continuaient de s’entraîner depuis octobre ou décembre. Ce n’était pas une question de vouloir boycotter la compétition mais plutôt de montrer qu’on ne peut pas demander de la solidarité entre amateurs et pros si on n’est pas solidaires entre amateurs pour commencer. C’était vraiment un cri d’alarme par rapport à cette injustice. Tout le monde crie mais toujours dans son intérêt personnel.

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FM : la FFF avait d'ailleurs indiqué que les clubs amateurs ne pourraient pas s’entraîner après le couvre-feu. Comment vous êtes-vous adaptés avec des joueurs qui ont un travail en plus du football ?

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CD : on a fini par avoir la dérogation pour s’entraîner après le couvre-feu parce qu’on était qualifié en Coupe de France mais au début, on a dû s'entraîner entre midi et 14 heures et le week-end, c'était une situation compliquée.

« On avait déjà l’expérience grâce au premier arrêt donc on a récupéré des joueurs dans un meilleur état mental qu’après le premier confinement »

FM : la pandémie mondiale affecte la vie de chacun, et les footballeurs n’y échappent pas. Dans quel état mental avez-vous retrouvé vos joueurs à la reprise ?

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DB : on a eu la chance de n’arrêter qu’un mois cette saison donc les dégâts étaient moins importants que lors du premier confinement où nous n’avions pas joué au football de mars à mi-juin. On avait déjà l’expérience grâce au premier arrêt donc on a récupéré des joueurs dans un meilleur état mental qu’après le premier confinement.

FM : quand vos joueurs ne pouvaient pas s’entraîner, étaient-ils suivis à distance avec un programme ?

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CD : les joueurs avaient un programme pour se maintenir en forme, à notre niveau, je pense que tout le monde l'a fait. Après, quand le joueur ne joue pas pendant une longue période, le suivi du programme s'effrite avec le temps. Il y a des priorités, au-delà de donner un programme et de dire « tu vas courir, tu fais ceci et cela », j’ai surtout axé le suivi sur un lien psychologique parce que c’est très important et c’est quelque chose que l’on a tendance à oublier.

FM : la reprise brusque des compétitions après plusieurs mois d’arrêt avait laissé de nombreuses séquelles physiques et mentales aux footballeurs professionnels. Comment avez-vous adapté votre préparation ?

CD : on a essayé de réduire l’intensité et la durée des séances pour s’adapter aux ressentis des joueurs plutôt que de suivre une programmation stricte comme c’est écrit dans les livres. On a vraiment tout fait pour s’adapter, comme on jouait une équipe de District au premier match, on pouvait se permettre de ne pas mettre autant d’intensité que lors du dernier match contre une équipe de N2. Notre leitmotiv était d’éviter un maximum de blessures et de monter en régime au fil des semaines et des qualifications. On a essayé de ne pas y aller trop fort au début pour éviter les blessures, on y est allé progressivement. L’expérience, le ressenti et l’échange régulier avec chacun des joueurs ont été primordiaux.

FM : à quelques jours du match face à Sedan, dans quelle forme physique et mentale se trouvent vos joueurs après avoir joué 3 matchs en 1 mois alors qu’ils n’en n’avaient pas disputé un seul depuis des mois ?

CD : on a eu la chance d’avoir 15 jours entre le dernier match et celui qui arrive face à Sedan en ne jouant pas le week-end dernier donc ça nous régénère un petit peu. On s’est déplacé 3 fois en partant de chez nous à 8h du matin pour parcourir beaucoup de kilomètres et jouer en début d’après-midi. Ce n’est pas du tout notre rythme, habituellement, on joue à 18h. Avec les tests PCR le samedi, l’entraînement, le voyage et le match, ça demande beaucoup d'énergie aux joueurs qui travaillent aussi pour la plupart durant la semaine. On continue de travailler, il y a quelques petits pépins comme toujours puisque même dans des périodes « normales » il y en a mais globalement, je suis assez satisfait de leur forme.

« Le facteur de maîtrise technique et de maîtrise des émotions est bel et bien présent chez nos joueurs »

FM : vous avez remporté les 3 derniers tours de Coupe de France aux tirs au but. Cette façon de gagner renforce-t-elle l’état d’esprit du groupe ? Avez-vous l’impression que rien ne peut vous arriver et que la réussite est de votre côté ?

CD : oui, c’est tout à fait ça. Notre première séance de tirs au but a eu lieu chez un adversaire chez qui nous avions été chahuté par l’environnement la saison dernière. Cette fois, on s’est qualifié aux tirs au but avec la pression mise par le public, qui était derrière le grillage malgré le huis clos. Ça nous a forgé un caractère et une sorte de carapace pour rester dans notre bulle même dans des situations compliquées. Après 3 victoires aux tirs au but, nous avons tiré 19 penaltys et nous en avons inscrit 18 donc je pense que ça va plus loin que la réussite, même s’il y en a. Ce n’est pas juste la loterie des tirs au but. C’est un exercice technique et mental. Nos joueurs sont forts dans la tête et plus les séances passent, plus la confiance grandit. On gagne en assurance, on sent qu’on a une bonne étoile au-dessus de nous. Notre gardien a été très bon et décisif lors de ces séances. Le facteur de maîtrise technique et de maîtrise des émotions est bel et bien présent chez nos joueurs.

FM : la Coupe de France est un bon moyen d’exposer son talent grâce à une meilleure visibilité. Vos joueurs ont-ils cela dans un coin de leur tête ?

CD : ça leur appartient et ça dépend des profils, je ne suis pas vraiment au courant. J’espère quand même que c’est le cas pour les jeunes joueurs mais ça ne doit pas être au détriment des ambitions collectives qui restent prioritaires.

FM : justement, pensez-vous que le fait de pouvoir se faire voir auprès de clubs professionnels peut avoir un impact sur le collectif avec des joueurs qui veulent trop en faire ?

CD : non, c’est mon job de faire en sorte que ça n’arrive pas et pour l’instant, je ne l’ai pas ressenti. On a aussi quelques joueurs d’expérience pour faire en sorte que tout le monde reste focalisé sur le collectif. On est vraiment dans un projet collectif et les joueurs s’y inscrivent à 200%

« Nous devons absolument rester qui nous sommes, avec nos valeurs et principes de jeu »

FM : comment abordez-vous le match face à Sedan, qui est un adversaire d’une division supérieure et qui s’est défait assez facilement de ses deux derniers adversaires en coupe ?

CD : on aborde le match décomplexé, c’est sûr. On y va sans pression. Durant notre parcours, nous avons sorti une équipe bien classée dans le groupe de Sedan en National 2, c’est toujours bon pour le moral. Ça nous donne de la force et du courage qui peuvent nous permettre d’avoir de grands espoirs.

FM : allez-vous vous conforter dans votre style de jeu habituel ou allez-vous vous adapter pour essayer de contrer la machine sedanaise ?

CD : nous devons absolument rester qui nous sommes, avec nos valeurs et nos principes de jeu. On essaie toujours de pratiquer le plus beau jeu possible. On doit juste monter en intensité mais ne surtout pas s’écarter de notre ADN qui fait notre force.

« Sans s’en rendre compte, nous jouons devant plus de monde qu’à l’accoutumée puisque tous les matchs sont retransmis sur les réseaux sociaux »

FM : vous n'aurez pas votre public face pour ce 16ème de final, quel est l’impact du huis clos dans le football amateur ?

CD : comme on a joué tous nos matchs à l’extérieur, ça nous arrangeait ! Maintenant, on est en 16ème de finale à la maison et on n’aura pas nos supporters, c’est embêtant. Le public nous aurait fait beaucoup de bien, c’est notre 12ème homme. C’est aussi dommage pour les finances du club malgré les dotations. Heureusement qu’on ne joue pas une équipe de Ligue 1 pour le coup, ça aurait été triste pour les enfants du club qui rêvent de voir des pros.

FM : allez-vous vraiment vous sentir comme à la maison face à Sedan ?

CD : bien sûr, on va quand même se sentir chez nous. Déjà matériellement, c’est notre stade, ce sont nos murs. Nous n'allons pas voyager surtout, c'est très important. Nous n’avons pas le public de Sedan mais lors des parcours de coupe, on arrive à mobiliser plus de supporters qu’en championnat, surtout à ce niveau de la compétition. Cependant, il y a autre chose. Sans s’en rendre compte, nous jouons devant plus de monde qu’à l’accoutumée puisque tous les matchs sont retransmis sur les réseaux sociaux et finalement par ce biais là, il y certainement plus de vues qu’il n’y aurait eu de spectateurs au stade. J’ai insisté sur ce point avec mes joueurs en leur disant que durant l’ensemble de leur carrière, ils allaient potentiellement jouer devant le plus de spectateurs lors de cette édition de la Coupe de France. J’ai remplacé le public dans le stade par les spectateurs derrière leurs écrans pour les motiver un maximum.

« L’objectif, c’est d’aller le plus loin possible »

FM : pensez-vous pouvoir être l’équipe qui fera dire aux Français « c’est la magie de la Coupe de France » en réalisant un parcours semblable à ceux de Quevilly ou Les Herbiers ?

CD : vu les émotions par lesquelles nous sommes passés ces dernières semaines et vu le cheminement, oui, on y croit et on est là pour ça. L’objectif, c’est d’aller le plus loin possible, c’est propre à la Coupe. Jouer contre une équipe de Ligue 1 ne m'intéresse pas forcément parce que je l’ai déjà fait, je veux juste qu'on aille le plus loin possible.

FM : en parlant de la Ligue 1, pensez-vous que cette situation si particulière avec une préparation compliquée et un manque de public pourrait réduire les chances d’exploit d’un club amateur face à une équipe professionnelle ?

CD : oui, et c’est pour ça que je voulais vraiment éviter les équipes professionnelles, surtout en début d'aventure. Après, on a déjà fait 4 matchs donc on commence à prendre le rythme et avec toutes les séances d’entraînement, on réduit petit à petit l’écart avec les équipes professionnelles qui s'était encore plus creusé à cause de notre préparation compliquée. Jouer contre une Ligue 1, c’est surtout génial quand on peut remplir le stade, faire plaisir aux supporters, aux enfants et faire une opération financière importante. À titre personnel, ça ne changerait pas ma vie de voir des professionnels en face de moi si on était amené à en affronter.

FM : que peut-on vous souhaiter avant ce 16ème de finale ?

DB : vous pouvez nous souhaiter de passer encore au moins un tour ! Étant un coach issu du club, je suis vraiment content d’atteindre un stade historique en Coupe de France pour la municipalité qui a toujours soutenue le club, les bénévoles et tous les enfants. C’est une belle aventure qui va, je l'espère, faire grandir le club et le lancer dans une nouvelle dynamique.

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