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Eduardo Santos : «c’est André Villas-Boas qui m’a ouvert les portes du très haut niveau»

Par Alexis Pereira
11 min.
Eduardo Santos, chef du service médical du Shanghai SIPG @Maxppp

Rendu célèbre pour avoir remis sur pied David Luiz, alors au Paris SG, en un temps record en 2015, Eduardo Santos, chef du service médical du Shanghaï SIPG, s'est longuement confié au micro de Foot Mercato. De la crise du coronavirus en Chine aux offres qu'il a reçues de France, en passant par son amitié avec André Villas-Boas ou encore les phénomènes de longévités que sont Hulk, Zlatan Ibrahimovic ou Cristiano Ronaldo, le Brésilien a partagé son savoir et ses expériences. Entretien.

Foot Mercato : Eduardo, tout d'abord comment allez-vous ? La Chinese Super League a-t-elle repris suite à l'interruption liée à la pandémie de Covid-19 ?

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Eduardo Santos : nous avons commencé la saison. Nous avons disputé trois matches. Nous avons bien démarré avec deux victoires et un nul.

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FM : comment avez-vous vécu cette période forcément délicate depuis le foyer de la pandémie ?

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ES : c'était compliqué vraiment. Ça a commencé ici. Le reste du monde avait les yeux rivés sur nous pour voir comment nous allions réagir. Nous, le Shanghaï SIPG, sommes partis à Dubaï, nous avons réussi à nous entraîner pendant toute cette période. Nous sommes revenus quand tout allait mieux en Chine. Pour la reprise du championnat, il y a eu de nouvelles normes. Il n'y a plus un championnat unique, mais deux poules. Nous sommes réunis avec les autres équipes de notre poule dans une sorte de village olympique. Nous n'avons aucun contact avec l'extérieur. Nous ne pouvons pas sortir ou commander de la nourriture à l'extérieur. Nos déplacements se cantonnent du stade ou du centre d'entraînement à l'hôtel, rien d'autre. Nous sommes testés au Covid-19 deux fois par semaine. Il y a beaucoup de restrictions et de règles, mais je pense que cela doit se passer comme ça pour éviter tout problème.

FM : toutes ces restrictions ne sont-elles pas trop compliquées à vivre ?

ES : au début, c'était compliqué. Mais comme les choses vont mieux en Chine, c'est plus facile à vivre. Au début, il y a eu un confinement strict, les écoles ont fermé. Mais à partir du mois de juin, tout est revenu à la normale à Shanghaï, avec des restaurants pleins. Les écoles ont rouvert. Évidemment, on fait attention pour que le virus ne se propage pas à nouveau. Mais tout est plutôt bien contrôlé ici.

FM : quel bilan faites-vous de votre aventure en Chine, initiée il y a quatre ans ?

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ES : je suis bien ici en Chine. Ce pays m'a très bien accueilli. L'équipe dans laquelle je travaille est très bonne et me donne tous les outils et instruments dont j'ai besoin pour développer au mieux ma philosophie. J'ai une grande liberté de travail pour adapter le service médical à ce que je veux mettre en place. C'est ce que je fais depuis quatre ans. J'entame ma cinquième saison ici. C'est très intéressant. Je me sens vraiment bien. Depuis mon arrivée, l'évolution est extrêmement positive. Quand j'ai pris mes fonctions, nous avions une moyenne de 65-70% de joueurs disponibles pour le coach. Depuis trois ans, cette moyenne est passée à 97-98%. Ces résultats démontrent la qualité du travail fourni et se reflètent sur nos résultats sur le terrain : champions de Chine, vainqueurs de la Supercoupe pour la première fois de l'histoire du club. C'est forcément gratifiant.

FM : souhaitez-vous poursuivre l'aventure en Chine ou tenter un nouveau challenge ?

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ES : j'aime beaucoup ce projet. Je suis passé par des clubs, au Vitesse, au Zenit et ici, où il y avait un déficit au sein du département médical et où j'ai pu développer ma méthode et gérer comme je le voulais pour améliorer les choses. Une fois que tout est sur les bons rails, je cherche à relever de nouveaux projets. Je n'aime pas travailler dans le confort. J'aime les défis, les nouvelles aventures, c'est ce qui me stimule dans mon métier. Dans quelque temps, ce sera sans doute le moment de me tourner vers un nouveau projet.

FM : vous avez déjà dû recevoir de nombreuses propositions...

ES : j'ai reçu plusieurs propositions ces quatre dernières années, de clubs français et européens notamment. Mais je n'avais pas terminé ma mission ici. Je crois qu'il me reste encore un peu de temps pour laisser le service dans une situation optimale. Il faudra ensuite que le projet que l'on me présentera me donne la même liberté qu'ici, avec le soutien total du club, pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions. Il faut vraiment que la direction du club soit en accord avec cette ligne de conduite et consciente de l'importance du service médical et sa bonne gestion. Je ne partirai d'ici que pour un projet où je pourrai vraiment appliquer mes concepts et mes méthodes pour offrir les mêmes résultats qu'ici. C'est une condition sine qua non. Il n'y a que comme ça que je peux obtenir de bons résultats. Il faut donc que cela se présente dans un club top, une équipe top pour que je parte d'ici.

FM : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces fameuses offres de club français ?

ES : malheureusement non. Je peux simplement vous dire que j'ai reçu des offres provenant de plus d'un club français.

FM : vous côtoyez Hulk depuis plusieurs années, au Zenit d'abord et maintenant à Shanghaï. Le Brésilien de 34 ans a récemment fait savoir qu'il quitterait le club dans les prochains mois, se disant physiquement prêt à revenir jouer en Europe. Pouvez-vous confirmer ?

ES : j'ai le plaisir de travailler avec Hulk depuis le Zenit. Je l'ai rencontré après avoir accepté d'intégrer le staff d'André Villas-Boas en Russie. Et sincèrement, il est comme le vin, il se bonifie avec le temps. Il a toujours été professionnel, mais avec l'expérience, il a appris à faire encore plus et mieux attention à lui. Son taux de masse graisseuse est actuellement de 8-9% alors qu'au Zenit, il était plus à 11-12%. Il fait très attention à lui, il fait un gros travail de prévention des blessures, il a une alimentation impeccable. Je suis sûr qu'il a encore de belles années de football devant lui, en Europe ou ailleurs.

FM : tout comme Hulk, vous avez travaillé avec André Villas-Boas au Zenit puis à Shanghaï. Quelles sont vos rapports avec l'actuel entraîneur de l'Olympique de Marseille ?

ES : mon histoire avec Villas-Boas est très spéciale. Pour moi, c'est l'un des entraîneurs les plus importants et spéciaux avec lesquels j'ai déjà travaillé. Je l'admire. C'est l'un des meilleurs gestionnaires. Je l'ai connu quand il était à Tottenham, je travaillais à Vitesse. Il a connu beaucoup de blessures musculaires. Il a entendu parler de moi par l'intermédiaire de Sandro, son milieu de terrain brésilien de l'époque. Il l'a envoyé chez moi pour un diagnostic. Il était blessé au mollet, on lui avait annoncé une absence de quatre semaines. Il est revenu une semaine après, il a joué contre Manchester City et a même marqué le but de la victoire si je ne m'abuse. Il m'a ensuite invité à Londres. On s'est rencontré, on a dîné. Il voulait me ramener à Tottenham, mais les conditions n'étaient pas réunies, alors il envoyait tous ses blessés chez moi aux Pays-Bas. Quand il a signé au Zenit, il y avait le département médical entier à restructurer. Il m'a proposé de l'accompagner. J'ai trouvé le projet intéressant. C'est donc lui qui m'a ouvert les portes du très haut niveau, de la Ligue des Champions, la meilleure compétition de clubs. Je devais faire en sorte de faire revenir les joueurs blessés le plus rapidement possible. On a été élu meilleur service médical d'Europe. André m'a donné une liberté de travail énorme de pouvoir développer ma méthode. Il était très exigeant, ça me poussait à faire toujours beaucoup mieux. Il m'a ouvert les portes du très haut niveau. Je l'admire énormément.

FM : êtes-vous toujours en contact avec lui ?

ES : nous parlons beaucoup, on n'a jamais arrêté, nous sommes amis. Je ne peux pas cacher que l'un des clubs français qui m'a fait une offre, c'est l'OM, via lui. Mais ce n'était pas assez intéressant pour quitter mon poste ici, on n'a pas trouvé d'accord. Il connaît mon travail. Il connaît l'importance d'avoir un service médical performant. Il m'appelle toujours quand il a un doute sur quelque chose pour un de ses joueurs.
Neymar a une équipe autour de lui avec un physiothérapeute brésilien. Une fracture implique une période de récupération plus longue. Il existe un processus de réadaptation, pour lui rendre sa confiance. En fonction des athlètes, ça prend plus ou moins de temps. Il semble qu'il a retrouvé ses aptitudes. Il y a toujours de l'appréhension au début. Il paraît avoir retrouvé son niveau d'avant sa blessure.

FM : en France, vous êtes devenu le Docteur Miracle après avoir soigné, en 2015, David Luiz, alors au Paris SG, en un temps record avant un match de Ligue des Champions. Pouvez-vous nous raconter les coulisses de cette incroyable anecdote ?

ES : cette histoire a eu une répercussion énorme. C'est de là qu'est né mon surnom de Docteur Miracle, dans la presse française. Je travaillais alors au Zenit, j'avais l'habitude de m'occuper de joueurs de la sélection brésilienne, qui me consultaient en cas de blessures. David s'est blessé avec le PSG avant un match très important contre Barcelone. Ils avaient besoin de David. Une lésion musculaire bien grave, je me rappelle encore de son IRM. Le service médical avait annoncé une absence de 8 semaines minimum. Sa saison aurait ainsi été terminée et sa participation à la Copa América compromise. Il m'a appelé pour me demander mon avis, pour savoir s'il y avait moyen de le remettre sur pied au moins pour la sélection. Je lui ai dit : "David, viens me voir". C'est différent d'évaluer un athlète sur IRM et en personne. Il est venu à Saint-Saint-Pétersbourg. Il a pris peur en me voyant l'ausculter. Surtout quand je lui ai demandé : "tu veux jouer l'aller ou le retour ?". Il croyait que je plaisantais. Il a vu que j'étais sérieux et il m'a dit l'aller. Alors on a commencé le traitement. Il a été impressionné par sa récupération. Il a rapidement été sur pied. J'ai envoyé ses vidéos à Olivier Létang (alors directeur sportif adjoint du PSG). Il était interloqué, me disant que c'était impossible. Je lui ai répondu qu'il pourrait être sur pied pour l'aller. Le service médical a tout de même voulu faire une IRM le jour du match pour vérifier qu'il était bien remis, malgré les propos de David. J'ai parlé avec Laurent Blanc, l'entraîneur de l'époque, je lui ai dit que l'idéal était qu'il joue 30 minutes pour son match de reprise. Il était d'accord. Seulement, Thiago Silva s'est blessé au bout de 20 minutes. Il a dû faire entrer David Luiz qui a finalement joué 70 minutes. Il a joué les 90 minutes du match retour et a joué jusqu'à la fin de la saison. Cela a fait sensation, tout le monde a dit qu'il était venu consulter un sorcier en Russie, qui l'avait traité avec de la bave d'escargot, etc. Moi, je me fichais de tout ça, ce qui m'importait, c'était que mon patient, l'athlète, ait récupéré de sa blessure. Ça a énervé David, qui a tenu à éclaircir la situation. Je ne voulais pas trop que ça sorte pour ne pas créer de problèmes avec le service médical du PSG. Il a tout de même tenu à parler. On m'a appelé du monde entier. Des polémiques sont nées partout, notamment en France, où de nombreux médecins m'ont critiqué. Mais j'ai l'habitude des critiques et des doutes sur mon travail. Ça a créé sensation parce que sa récupération a été incroyablement rapide, de 8 semaines prévues à 2 semaines d'absence seulement.

FM : Cristiano Ronaldo, 35 ans, et Zlatan Ibrahimovic, 38 ans, sont des véritables forces de la nature et continuent à être performants malgré le poids des années. Quel est leur secret ?

ES : Cristiano et Ibra, ce sont des machines, mais toute machine a un moteur. Dans leur cas, ce n'est pas physique, c'est cérébral. Ils ressemblent beaucoup à Jordan. Ils ont un caractère ultra-compétitif. Ce sont des athlètes très concentrés sur ce qu'ils font. Ils prennent le football comme une profession. Ils font tout pour être au maximum de leur possibilité. Ils refusent toute idée de zone de confort. Ils se remettent perpétuellement en question. Ce n'est pas seulement physique. Les muscles de CR7 ne sont pas différents de ceux des autres joueurs. Ce qui change, c'est la manière dont il travaille sur ses muscles. La motivation et l'exigence sont extrêmes chez eux. Ce n'est pas si commun dans le monde du football. C'est un milieu d'artistes, d'images. Parfois, les joueurs oublient un peu qu'ils doivent tout donner. Ceux qui donnent tout, qui sont professionnels jusqu'au bout des ongles, seuls eux arrivent à ce niveau. Leur secret est mental, pas physique.

FM : Cristiano Ronaldo s'est dit prêt à jouer jusqu'à ses 41 ans. L'en pensez-vous capable ?

ES : sans aucun doute, même plus. Tout dépendra de sa capacité à être sérieux jusqu'à cet âge-là. Il fait très attention à son corps, à lui, au quotidien, sa nutrition, il ne boit pas, il ne sort pas. Pour y arriver, il doit continuer à faire ce genre de sacrifices pour y parvenir. S'il consent ces sacrifices, il va y arriver sans aucun doute. Il peut même jouer jusqu'à 50 ans !

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