Les bouleversantes explications d’Adriano sur sa fin de carrière précipitée

Par Alexis Pereira
7 min.
Adriano lors d'un retour à San Siro en 2016 @Maxppp

Les crampons raccrochés depuis 2014, Adriano a raconté comme jamais les raisons de sa fin de parcours précipitée, lui qui régnait sur l'Italie avec l'Inter et le monde avec le Brésil. Émotion.

Un pied gauche surpuissant. Un physique hors norme. Un surnom qui en dit long. «Il Imperatore». L'Empereur. Adriano (39 ans) a marqué une génération, principalement sous les maillots de l'Inter et du Brésil. Ses buts en cascades, sous les maillots de Flamengo, de la Fiorentina, de Parme, mais surtout de l'Inter et du Brésil restent dans toutes les mémoires, tout comme son double virtuel injouable sur PES. Au moins autant que sa lente descente aux enfers alors qu'il entrait pourtant dans les meilleures années de sa carrière. Comme rarement, pour The Players' Tribune, le Brésilien a raconté sa version d'une carrière immense mais qui restera inachevée. «"Mais Adriano, pourquoi vous êtes-vous éloigné du football ? Pourquoi ?" À chaque fois que je retourne en Italie, on me pose cette question. Parfois, je me dis que je suis un des joueurs de football les plus incompris de la planète. Les gens n’ont pas vraiment compris ce qui s’était passé avec moi. Ils ont compris une histoire erronée. C’est très simple en réalité. En l’espace de neuf jours, je suis passé du jour le plus heureux de ma carrière au pire jour de ma vie. Du ciel à l’enfer, en neuf jours. Sérieusement», a-t-il lancé avant de poursuivre.

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«Le 25 juillet 2004. Finale de Copa América contre l’Argentine. Tous les Brésiliens se rappellent de ce match. On perdait contre ces ratés. Ils nous chambraient, essayaient de rentrer dans nos têtes pour gagner du temps. Luis Fabiano voulait en venir aux mains. (…) Ce qui s’est passé ensuite ressemble à un rêve. Un film. Un morceau de musique. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais cela paraissait irréel. Ballon aérien dans la surface argentine. Confusion. Des corps. Des coups de coude. Je ne voyais rien ! Si vous revoyez l’action, je mets mon coude en l’air pour mettre un coup. Soudain, le ballon arrive sur mon pied. Un cadeau du ciel. Je me suis dit : « viens là, toi ! » et boom. Je mentirai si je vous disais que je savais où je tirai. J’ai simplement tiré du gauche, le plus fort possible. Boom. Bien fait pour les Argentins. Le ballon a terminé sa course au fond des filets et je ne sais pas décrire cette sensation. Incroyable. On égalise et on sait qu’on les a brisés. On savait ce qui allait se passer aux tirs au but. On a gagné. Pas l’Argentine. Battre l’Argentine, comme ça, pour mon pays, avec ma famille dans les tribunes. Cela a probablement été le joueur le plus heureux de ma vie. Comment ne pas penser que Dieu a mis sa main sur ma vie ? C’est une leçon pour tous. Parce que qui que tu sois, tu peux être au sommet, tu peux être l’Imperatore, mais ta vie peut changer en un claquement de doigts», a-t-il raconté.

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La dépression et l'alcool

Tout bascule avec la disparition de son père. «Le 4 août 2004. Neuf jours après. Je retournais en Europe, pour retrouver l’Inter. Je reçois un appel à la maison. On me dit que mon père venait de mourir. Attaque cardiaque. Je ne voulais pas vraiment parler de ça, mais je vais te dire que, après ce jour-là, mon amour pour le football n’a plus jamais été le même. Mon père aimait le football, alors j’aimais le football. Aussi simple que ça. C’était mon destin. Quand j’ai joué au football, j’ai joué pour ma famille. Quand j’ai marqué, j’ai marqué pour ma famille. Alors, quand mon père est mort, le football n’a plus jamais été le même. J’étais de l’autre côté de l'Atlantique, loin de ma famille, et je n’arrivais pas à gérer tout ça. J’ai déprimé. J’ai commencé à boire, beaucoup. Je ne voulais vraiment plus m’entraîner. Cela n’avait rien à voir avec l’Inter. Je voulais juste rentrer chez moi. Pour être honnête avec vous, même si j’ai marqué beaucoup de buts ensuite pendant toutes mes années en Serie A et même si les supporters m’aimaient beaucoup, je n’étais pas heureux. Mon père était parti, tu vois ? Je ne pouvais plus me sentir moi-même à nouveau», a-t-il expliqué avant d'insister.

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«Toutes les blessures ne sont pas physiques, tu comprends ? Quand je me suis rompu le tendon d’Achille en 2011, je savais que tout était fini pour moi, physiquement. Tu peux te faire opérer, te rééduquer, essayer de continuer, mais tu ne seras plus jamais le même. Mon explosivité est partie. Mon équilibre aussi. Merde, je boîte encore. J’ai encore un trou dans la cheville. C’était la même chose quand mon père est mort. Mais la cicatrice était en moi. "Qu’est-il arrivé à Adriano ?" C’est très simple. J’ai un trou dans la cheville et un autre à l’âme». Brisé, et alors qu'il était encore très performant en Europe (77 buts en 180 matches de Serie A), le Carioca décide de rentrer au pays. «En 2008, Mourinho est arrivé à l’Inter et j’étais saturé. (…) Je ne tenais plus. Je n’arrivais plus à jouer avec passion. J’ai été convoqué en sélection et, avant mon départ, Mourinho m’a dit : "tu ne reviendras pas". Et je ne suis pas revenu», a-t-il expliqué, livrant ses explications sur ce retour au bercail avec une franchise et une transparence rares.

Un retour au pays salutaire

«La presse, parfois, ne comprend pas que nous sommes humains. C’était beaucoup de pression d’être "Il Imperatore". Je suis venu de nulle part. J’étais un gamin qui voulait juste jouer au football et prendre du plaisir avec ses amis. Et je sais que c’est un discours que l’on entend plus beaucoup aujourd’hui, car tout est très sérieux et qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Mais je suis juste honnête. Je n’ai jamais cessé d’être le Adriano de la favela. Est-ce que j’ai tiré un trait sur des millions en revenant ? Oui, sûrement. Mais combien vaut la paix de l’esprit ? Combien payeriez-vous pour revenir aux sources ? À l’époque, j’étais au fond du gouffre avec la mort de mon père. Je voulais me sentir moi-même à nouveau. Je n’étais pas drogué. Jamais. Est-ce que je buvais ? Oui, bien sûr. Merde, oui, je buvais beaucoup. Santé ! Mais, je jure devant Dieu que je ne me suis jamais drogué. Le jour où ça arrivera, c’est que ma mère et ma grand-mère seront mortes. L’alcool ? Oui, beaucoup, d’autant que j’aime bien boire», a-t-il avoué. Au Brésil, le temps d'une saison, en 2009, l'ex-international auriverde (47 sélections, 27 réalisations) retrouvera ses sensations et du plaisir.

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«Quand je suis retourné à Rio, pour jouer pour Flamengo, je ne voulais plus être "Il Imperatore". Je voulais être Adriano. Je voulais prendre du plaisir à nouveau. Je vais raconter la vérité sur cette équipe de Flamengo : ce groupe était merveilleux parce qu’il était vrai, sincère. Il n’y avait pas que moi. C’était tout le groupe. Parfois, on arrivait à l’entraînement pas pour le football, mais pour rigoler après. Dès que la session terminait, boom, on buvait un coup. L’heure de jouer. Même les femmes de joueurs le savaient : "on rentrera à la maison vers minuit !" (Rires). Le lendemain, si un joueur était fatigué, l’autre lui disait : "t’inquiète, je vais courir pour toi !". Si un joueur était bourré, l’autre disait : " je vais courir pour lui, pas de soucis ! ". On faisait tout ensemble. Et nous avons gagné. Nous avons offert un Brasileirão à Flamengo dix-sept ans après. C’était spécial. Je n’ai plus jamais été le même depuis la mort de mon père, mais cette saison-là, je me suis vraiment senti chez moi. J’étais à nouveau heureux. J’étais redevenu Adriano», a-t-il conclu. Comme un besoin de mettre les choses au point, Adriano a donc ouvert son cœur sur ses blessures, morales et physiques, pour expliquer un peu mieux son parcours. Et même s'il ne dira rien sur ses passages ratés à l'AS Roma, au Corinthians, à l'Atlético Paranaense ou encore sa vraie-fausse arrivée au Havre en décembre 2014 et sa tentative de come-back à Miami en 4e division américaine, on comprend mieux certains de ses choix, qui n'entameront pas sa légende.

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