Comment joue l’Atalanta Bergame et pourquoi est-elle redoutable ? @Maxppp

Comment joue l’Atalanta Bergame et pourquoi est-elle redoutable ?

Par Frederic Yang - 11/08/2020 - 14:15

Prochain adversaire du PSG en quarts de finale de Ligue des champions, l'Atalanta Bergame est l’une des équipes les plus riches tactiquement d'Europe. Ses intentions de jeu, son animation offensive et défensive, en font un rouleau compresseur que l’on vous décortique avec minutie.

Non, la troisième place de Serie A et la qualification en quarts de finale de Ligue des champions de l’Atalanta ne sont pas une anomalie. Il s’agit d’une conséquence d’un travail d’orfèvre magistralement orchestré par les dirigeants du club lombard et magnifié par l'entraîneur Gian Piero Gasperini. Cette saison, l’Atlanta a récolté les fruits d’une mécanique tactique bien huilée, tant offensivement que défensivement, et d’une philosophie protagoniste bien intégrée et maîtrisée par l’ensemble de l’effectif. Avec ou sans ballon, l’Atalanta Bergame est toujours actrice du jeu, quel que soit le score au tableau d’affichage et les joueurs alignés sur le terrain. Voici justement ce qui fait la particularité de son jeu.

3-4-1-2 ou 3-4-2-1, mais pas que...

Depuis l’arrivée de Gian Piero Gasperini sur le banc de l’Atalanta à l’été 2016, l’équipe a l’habitude de s’organiser en 3-4-1-2 ou 3-4-2-1 en possession du ballon. Dans le premier dispositif, Alejandro “Papu” Gomez évolue en seul numéro 10 de l’équipe tandis que dans le deuxième schéma, un autre créatif (souvent Iličić et parfois Pašalić ou Malinovskyi) vient le suppléer. La particularité de ces systèmes, c’est l’organisation de l’équipe et les circuits de passes qui vont se créer grâce à la formation de losange sur les côtés comme vous pouvez le voir sur les schémas ci-dessous.

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Dans cette organisation, les pistons et les défenseurs centraux les plus excentrés participent donc activement aux offensives. À l’instar des centraux « excentrés » de Sheffield United, ceux de la Dea surchargent parfois les flancs pour proposer des solutions de dédoublements mais leur vraie particularité, c’est qu’ils n’hésitent pas à se projeter directement dans la surface de réparation adverse pour semer la zizanie dans les défenses.

Meilleure attaque de Serie A avec 98 buts, l’Atalanta en a inscrit de nombreux grâce aux projections dans la surface de réparation de ses centraux et de ses pistons, qui viennent se placer au second poteau sur chaque centre.

Ce n’est donc pas une surprise de constater que Gosens, le piston gauche de l’équipe, a inscrit 10 buts et délivré 8 passes décisives (toutes compétitions confondues), contre 2 buts et 5 passes décisives pour Hateboer, le piston droit qui, mis à part son doublé contre Valence en Ligue des champions, s’est montré maladroit et malchanceux à la finition cette saison (de nombreux poteaux et d’énormes occasions gâchées).

Même si Gasperini est attaché à son 3-4-3 modulable, il sait aussi s’adapter à ses adversaires. Face à la densité et au bloc compact de la Sampdoria (31e journée de Serie A), Gasperini a fait évoluer son équipe en 3-5-2 avec son élément le plus créatif, Papu Gomez, placé sur le côté gauche.

Ce soir-là, la Dea a fini par s’imposer grâce à un coup de pied arrêté et à une frappe des 20 mètres de Luis Muriel, qui font partie des nombreuses forces de l’équipe.

Coups de pied avisés

Le jeu de position mis en place par l’Atalanta lui permet généralement de franchir facilement les 30 derniers mètres adverses et d’obtenir de nombreux corners, coups francs et pénalties cette saison (14 au total). En Serie A, la Dea a inscrit 19 buts sur coups de pied arrêtés (dont 7 pénalties), soit 19% de ses 98 buts. En ce qui concerne les coups francs directs, Luis Muriel est particulièrement performant comme il l'a démontré avec son bijou inscrit contre Udinese, lors de la 28e journée. Sur corner, ceux frappés en cloche, directement au deuxième poteau ou en deux-temps, par Papu Gomez, Ilicic (qui sera absent contre le PSG) ou encore Malinovskyi ont souvent fait mouche grâce aux bons jeux de tête de Palomino, Toloi et Zapata.

L’occupation minutieuse du terrain des joueurs de l’Atalanta, et notamment dans le dernier tiers avec souvent quatre joueurs dans la surface de réparation, leur permettent d’avoir beaucoup d’opportunités de tirs « ouverts » à 20 mètres, où les Bergamasques excellent encore une fois grâce aux nombreux canonniers de l’équipe. La lourde de frappe de Malinovskyi a fait beaucoup de dégâts cette saison comme celle de Luis Muriel. Gomez, Iličić, Gosens, Freuler ont aussi inscrit des buts mémorables cette saison de l’extérieur de la surface. Cette Atalanta possède donc plusieurs armes individuelles pour faire céder l’adversaire mais ce qui impressionne, c’est son expression collective et l’intelligence tactique des joueurs qui peuvent occuper n’importe quelle position sur le terrain.

Un effectif riche pour appliquer un « Football Total »

Si cette équipe fonctionne aussi bien, c’est parce que les dirigeants du club et l’entraîneur Gasperini ont su associer différents profils qui se complètent à merveille. Devant, on retrouve tout d’abord Duvan Zapata. Un attaquant costaud, redoutable dos au but et capable de servir de cible sur les longs ballons de ses défenseurs en cas de pressing agressif de l'adversaire. Il peut aussi faire des chevauchées balle au pied, décrocher et faire des appels croisés qui vont libérer de l'espace aux autres joueurs offensifs. Son remplaçant, Luis Muriel, a un profil différent puisqu’il peut jouer davantage dans la profondeur et frapper de loin avec efficacité.

Devant, il y a aussi Josip Iličić, qui réalise sa meilleure saison à 32 ans. Fin techniquement, le Slovène utilise à la perfection sa grande taille pour protéger son ballon. Il aime occuper les fameux demi-espaces et rentrer sur son pied gauche pour mettre des lucarnes opposées. Il se déplace aussi très bien entre les lignes et sait se placer à la limite du hors jeu. Il sait notamment jouer dans la profondeur malgré son manque de vitesse. En proie à des soucis personnels, le Slovène sera forfait contre le PSG et pour le reste de la compétition. Aux avant-postes, on retrouve le maestro Papu Gomez, qui évolue comme un vrai numéro 10 à l’ancienne en décrochant à sa guise pour soulager ses partenaires, faire respirer le jeu de son équipe et laisser parler sa créativité. Son rôle lors des sorties de balle de son équipe est primordial et similaire à celui d'un demi d’ouverture au rugby, en se positionnant entre ses deux milieux défensifs pour mieux orienter le jeu de son équipe et parfois envoyer des longs ballons chirurgicaux.

Les milieux défensifs/axiaux/relayeurs De Roon et Freuler sont essentiels pour équilibrer l’équipe sur les transitions défensives, surtout quand les centraux s'aventurent dans la surface adverse, mais ils peuvent aussi eux-mêmes se projeter vers l'avant si le jeu le demande. Les pistons, Gosens, Hateboer sont quant à eux décisifs pour étirer le jeu, jaillir au second poteau et être à la finition des phases de construction de jeu de l’équipe. Les centraux sont polyvalents et joueurs tandis que les remplaçants demeurent quasiment aussi forts que les titulaires. Malinovskyi est redoutable grâce à sa faculté de percussion et sa très grosse frappe de balle. La polyvalence de Pašalić, capable d’évoluer aussi bien à la place de Gomez, Iličić, Zapata, ou Freuler, est un véritable luxe pour Gasperini comme l’apport de Castagne, capable de joueur aussi bien en tant que piston droit ou gauche.

Plus que la profondeur de l’effectif, c’est la capacité qu’ont les joueurs à savoir et pouvoir occuper différentes positions sur le terrain, quel que soit leur poste de prédilection, qui rend cette équipe moderne et unique. Si l’attaquant décroche et quitte sa position, n’importe quel autre joueur peut l’occuper qu’il s’agisse d'un piston ou d'un défenseur central. L’Atalanta a cette faculté de pouvoir s’organiser quand elle semble se désorganiser. Chaque joueur connaît le rôle de chacun et surtout les positions qui doivent absolument être occupées sur le terrain. Ceci est l’expression d’un football total enseigné à merveille par Gian Piero Gasperini et complètement intégré par l’ensemble de l’effectif. Et cette organisation concerne aussi les phases de jeu sans ballon.

Les héritiers de la défense individuelle

En 2020, il est très rare de voir des équipes de football défendre en individuel puisque la défense de zone est de vigueur depuis plusieurs années voire des décennies désormais. Mais certaines équipes comme Getafe ou l’Atalanta Bergame font de la résistance en proposant une défense sur l’homme particulièrement intéressante. Celle mise en place par la Dea est bien rodée puisqu’elle peut s’adapter à tous les dispositifs qu’elle affronte. Le rôle du défenseur le plus central est essentiel puisque ce dernier vient souvent s’aventurer au niveau des milieux de terrain pour respecter les principes de défense individuelle, comme celui du relayeur, souvent Freuler, pour sortir sur les premiers relanceurs adverses.

Toujours positionné haut, le bloc défensif de l’Atalanta incite généralement l’adversaire à jouer sur les côtés, en laissant un peu d’espace aux latéraux avant de jaillir sur le temps de passe et provoquer des passes en retrait vers le gardien puis des dégagements pour récupérer le ballon.

La volonté de l’équipe de défendre en avançant permet à l’équipe de récupérer de nombreux ballons haut sur le terrain et parfois sur des phases de contre-pressing (juste après une perte de balle).

Cette façon de défendre haut permet surtout à l'équipe de courir moins que l’adversaire mais plus efficacement. Malgré l’impression visuelle qu’elle laisse aux téléspectateurs et aux adversaires, l’Atalanta n’est que neuvième au classement des kilomètres parcourus par match (avec 108,25 kms parcourus/match) en Serie A, ce qui lui permet de répéter les efforts à haute intensité tout au long d’un match. Toutefois, cette façon de défendre en avançant et en individuel demeure risquée et constitue le principal point faible de l’équipe.

« Les boulevards de la mort »

Si l’Atalanta a déjà inscrit 115 buts toutes compétitions confondues, elle a aussi encaissé 66 buts cette saison (dont 16 en 8 matches de Ligue des champions). La majorité de ses buts encaissés est venue de phases de transition attaque/défense avec des boulevards laissés dans le dos des défenseurs, qui de surcroît ne sont pas forcément très rapides. En défense individuelle, chaque duel perdu ou intervention manquée crée instantanément des décalages dans lesquels l’adversaire s’engouffre. L’une des clés pour le PSG sera justement de bien gérer ces phases de transition, qui pourraient s’avérer fatales pour l’Atalanta.

De plus, les défenseurs bergamasques ont parfois fait preuve de maladresse au moment de relancer. Cela s’est vu contre Valence en Ligue des champions et plus récemment contre Brescia en championnat. On peut aussi rappeler que le gardien n°1, Pieluigi Gollini, touché au ligament croisé postérieur du genou gauche lors du dernier match de Serie A, sera aussi forfait contre le PSG. Ce qui peut aussi constituer un problème pour cette équipe, c’est qu’elle ne sait pas jouer différemment et qu'elle ne sait pas gérer un résultat. Que le tableau d’affichage indique (4-0 ou 0-4), l’Atalanta va jouer de la même façon avec les mêmes principes de jeu. Une stratégie plus que risquée au moment d'attaquer les quarts de finale de Ligue des Champions, surtout si elle souhaite soulever le trophée aux grandes oreilles. Mais bon, il y a fort à parier que pour Gian Piero Gasperini et ses hommes, le jeu protagoniste et ambitieux en vaut la chandelle !

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