Melbourne City, Florin Bérenguer : «je pense même avoir progressé en venant en Australie»

Par Tom Monegier
12 min.
Florin Bérenguer avec le maillot de Melbourne City @Maxppp

Après des aventures à Dijon et Sochaux, Florin Bérenguer a pris la direction de l’Australie et Melbourne en 2018. Une nouvelle expérience assez spéciale sur laquelle est revenu le milieu français pour Foot Mercato. Situation sur place avec le Covid-19, adaptation, objectifs, avenir : le joueur de 31 ans s’est livré sur sa nouvelle vie à 15 000 kilomètres de la France.

Foot Mercato : bonjour Florin. Vous avez pris la direction de l'Australie en 2018 pour vivre une nouvelle expérience. Comment allez-vous tout d'abord ?

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Florin Bérenguer : ça va bien, ça allait mieux par le passé qu'avec la situation actuelle mais c'est mondial et pas lié à l'Australie. Sinon, au-delà de ça, tout se passe bien, je suis content d'être ici.

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FM : le championnat australien a été l'un des derniers à être stoppé dans le monde pour faire face à la pandémie de Covid-19. Pourquoi une décision aussi tardive ? Quelle était la situation sur place quand les instances européennes ont décidé de tout stopper chez nous ?

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FB : je n'ai pas spécialement été choqué du délai. Nous sommes en décalage avec l’Europe. Quand ça commençait vraiment à être dans un état critique en Europe, notamment en Italie, il n'y avait pas encore un seul cas de virus en Australie. On était décalé de deux ou trois semaines avant le premier cas. La saison s'est déroulée comme à peu près en France, jusqu'au moment où on ne pouvait plus. Après, sur la fin, ils ont essayé de réduire parce qu'il nous restait cinq journées de championnat, en essayant de trouver des solutions en mettant peut-être toutes les équipes dans un même endroit mais en Australie, il y a de grands voyages, avec une équipe en Nouvelle-Zélande, une à trois heures et demie d'avion donc c'était compliqué aussi. Du coup, la Ligue a suivi les restrictions du gouvernement et est arrivé un moment où il y avait de plus en plus de cas et ils ont commencé à fermer les frontières des États internes. Il n'y avait donc plus la possibilité de jouer et ça s'est arrêté.

FM : comment se sont donc passés les derniers matches disputés ?

FB : on a joué les deux derniers matches à huis clos, parce notre calendrier faisait que nous avions deux matches à l'extérieur séparés, mais ils les ont réuni sur trois jours pour justement tenter de les finir le plus vite possible. On entendait de plus en plus parler du virus qui arrivait, des mesures qui allaient être prises, et il y avait peu de chance pour que ça continue. Mais ça a été fait, en toute légitimité, comme partout ailleurs, les instructions du gouvernement ont été suivies et quand il a dit qu'on ne pouvait plus voyager, qu'il ne pouvait plus y avoir de réunions au-dessus de 10 personnes dans une même enceinte, la saison a été décalée, arrêtée.

FM : vous sentiez-vous en danger lors des dernières journées avant cette suspension des compétitions ?

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FB : c'est dur à dire parce que... entre guillemets, j'étais touché mais plus par rapport à ce qui se passe en France. Je sais l'ampleur que ça a en France, j'ai toute ma famille qui est là-bas, je les ai régulièrement au téléphone. Mais c'est vrai qu'ici, si je dois vous faire un bilan à l'heure actuelle, il y a moins de 100 décès. C'est une situation grave mais si je veux comparer avec la France, il doit y avoir moins de 10 000 cas, à peu près 6000 ou 7000 dans tout le pays. Alors qu'en France, on est à 180 000... J'étais plus touché par ça, j'avais les retours et je suivais les évolutions qui n'allaient pas dans le bon sens en France. Et je me disais que si l'Australie ne prend pas les dispositions avant, ça va peut-être devenir comme en Europe et ça va être catastrophique. Finalement, ils n'ont pas trop mal géré. Concernant les deux matches, le club a vraiment fait les choses comme il fallait. C'était deux matches à l'extérieur, sur la côte est, ils ont trouvé un hôtel entre les deux temps où on était isolés, c'était vraiment dans «une campagne». On était entre nous donc tout a été pris en compte pour qu'on soit au maximum protégés. Dans l'avion, ils avaient réservé pour qu'on soit deux par rangée.

FM : quelles ont été les mesures prises par Melbourne City pour que vous puissiez continuer les entraînements, par exemple, pendant le confinement ?

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FB : après l'arrêt de la saison, ils nous ont tous donné un vélo, l'un de ceux qu'il y avait à l'académie. On a reçu un vélo, plus des accessoires de fitness et avec ça, on avait un programme assez chargé. On avait aussi le GPS donc tous les soirs, il fallait leur envoyer les données du GPS quand on avait de la course à faire et ils nous suivaient comme ça. Mais depuis quelques semaines, comme ç'a été décalé à nouveau (pas de reprise avant mai, ndlr), ils nous ont mis en vacances et on a un programme individuel qui repart à partir du 11 mai.

«Reprendre en juin pour tenter de finir la saison en juillet/août»

FM : quelle est la situation actuelle sur place ? Le championnat va-t-il pouvoir reprendre rapidement ou le débat est-il aussi vif qu'en Europe ?

FB : j'ai mon avis par rapport à la France et ce qui se passe ici. Je fais un peu la comparaison mais ce n'est pas évident car tout est différent. Ici, ce sont de grandes villes mais il y a moins de densité au mètre carré, c'est étendu. En janvier/février, on était sur la fin de l'été avec de belles journées, et j'ai entendu que la météo pouvait avoir une influence aussi sur le virus. Là, on va bientôt rentrer en hiver, dans un mois et demi, il commence à faire plus frais, donc peut-être qu'il faut faire un peu plus attention maintenant mais sur ce que j'ai compris, le gouvernement va revoir ses restrictions car, jusqu'à présent, il ne voulait pas prendre de risques même si ça évolue dans le bon sens. Après, pour le foot, c'est peut-être de reprendre en juin, laisser la possibilité aux clubs de sport de reprendre une préparation pour tenter de finir la saison en juillet/août.

FM : il y a eu de nombreux débats en France au sujet des droits TV. Comment ça se passe en Australie ?

FB : je crois que l’unique diffuseur qui est FOX négocie pour revoir les conditions du contrat comme le font les diffuseurs en Europe. Si la fin de saison mérite de poser question, les conséquences sur les saisons suivantes risquent de devenir un problème majeur également.

FM : sur le plan sportif, votre équipe était dans une bonne passe juste avant l'interruption. Avec cette deuxième place actuellement à quelques journées de la fin de la saison régulière, quels sont les objectifs si ça reprend ?

FB : il y a déjà l'interrogation sur les fins de contrat. Ici, c'est au 31 mai et pas fin juin donc comment ça va se passer... Il y a quatre équipes qui ont licencié tout le monde, donc la situation est un peu compliquée. Là-dessus, c'est un peu flou pour savoir si ça va vraiment reprendre mais avant ça, on était deuxièmes, avec Sydney qui fait une grosse saison et a pas mal d'avance. On faisait une bonne saison, et l'avantage ici, ce sont les play-offs. En étant deuxième, on recevait la demi-finale chez nous et après, on sait que le foot, sur un match ou deux, on peut être champion. L'objectif, sans se mentir, c'est de gagner le trophée et d'être champion.

FM : et sur le plan personnel ?

FB : j'étais blessé sur ma deuxième saison, le premier tiers. Je me suis blessé la veille du premier match amical, d'autant plus qu'ici la pré-saison dure quatre mois, c’est assez long donc on doit faire 10/15 matches amicaux. Tout s'était bien passé mais la veille du premier match, je me suis blessé donc j'ai raté les dix premières journées avant de revenir en décembre. Depuis janvier, j'ai eu la chance de jouer et ça s'est plutôt bien passé. J’ai retrouvé mes capacités physiques et de bonnes sensations qui m’ont permis d’être décisif avec 3 buts sur les 7 derniers matches et une passe décisive sympa lors du derby de Melbourne qui se joue devant 35000 spectateurs ici.

FM : quelle est votre relation avec votre entraîneur, Erick Mombaerts ? Entre Français, passez-vous plus de temps ensemble également en dehors des terrains ?

FB : on a une relation comme coach-joueur. Après, c'est sûr que c'est plus facile pour lui pour me passer des consignes parce que la saison passée, quand je suis arrivé, je n'avais pas un très bon anglais et personne ne parlait français donc ce n'était pas évident de tout comprendre. C’est vrai qu'on a une bonne relation, il peut m'expliquer ce qu'il attend de moi, ce que je dois faire de plus, sur les retours vidéo. C'est un avantage, ça ressemble plus à une relation qu'on peut avoir en France avec un entraîneur français, où si on a envie de discuter, la porte est ouverte. C'est un plus.

«Ce n'est pas le "tiki-taka football" mais il y a de bons joueurs, avec du rythme»

FM : passer de la France à l'Australie, ce n'est pas très commun. Comment s'est passée l'adaptation sur place, que ça soit par rapport au mode de vie ou au niveau footballistique ?

FB : ça ne s'est pas trop mal passé. J'ai passé les deux premiers mois tout seul parce que c'était compliqué de rapatrier tout le monde, mes filles avaient repris l'école en France en septembre, et j'avais signé fin août donc le temps de trouver une maison... Je ne voulais pas les faire venir tout de suite donc elles ont fini l'école en France jusqu'aux vacances de la Toussaint. Mais j'ai été bien accueilli, le groupe était très chaleureux, ils accueillent bien les étrangers. Il y en avait quatre ou cinq, même s'ils parlaient anglais, avec lesquels on se rapprochait un peu plus. Tout s’est bien passé là-dessus, sur l’environnement, la vie en général. C'est même là qu'on se rend compte, comme moi c'était ma première expérience à l'étranger, l'importance d'un groupe. Quand on prend un étranger sous son bras pour l'aider. Je me mettais aussi à la place des étrangers que j'ai pu côtoyer en France, c’est vrai que ce n'est pas évident. Mais tant qu'on n'a pas vécu la situation, on se rend compte en fait que des fois, ce n'est peut-être pas facile.

FM : de nombreuses personnes ignorent le niveau du championnat australien. Quelles sont les différences majeures avec la Ligue 1 ou la Ligue 2 par exemple ?

FB : honnêtement, j'ai été surpris. Je n'avais jamais entendu parler du championnat australien, je ne connaissais pas vraiment. J'ai été surpris de la qualité des joueurs, il y en a de très bons. Après, dans l'esprit, c'est anglophone et un peu pays rugby, avec le footy, leur football australien, donc c’est beaucoup basé aussi sur les contacts, les duels, la puissance. C'est un championnat rugueux, avec de sacrés gabarits, peut-être qu'on ne trouverait pas en France en Ligue 1. C'est dur de comparer, peut-être que deux ou trois équipes arriveraient à faire quelque chose d'intéressant sur quelques matches en Ligue 1. C'est un foot différent, il y a un peu plus de duels et nous, avec coach Mombaerts, il a instauré un peu plus de foot en se basant sur le groupe City et ce que fait Guardiola. On a beaucoup travaillé là-dessus donc ça a posé pas mal de soucis à quelques équipes. Ce n'est pas le "tiki-taka football" mais il y a de bons joueurs, avec du rythme. C'est plaisant de jouer et je pense même avoir progressé en venant en Australie par rapport à mes dernières années en France, avec la quantité de travail, le physique d'abord.

FM : pourquoi avoir fait ce long voyage en 2018 pour rejoindre Melbourne et la A-League ? Vous aviez besoin de relever un nouveau challenge ?

FB : c’est arrivé vraiment sur le tard. À la base, j'ai eu un appel d'un scout du groupe City qui m'a posé la question pour savoir si l'Australie ça pourrait me tenter. Sur le coup, j'ai fait "wow" ! Entre guillemets, j'ai eu une réponse comme quand on est en fin de contrat, qu'on attend que ça évolue : "je suis ouvert à tout." C'est la réponse que j'ai eue et après, en discutant avec ma famille, ma femme, on a commencé à peser le pour et le contre et ça prenait un peu plus d'ampleur dans ma tête. J'avais des amis d'enfance qui étaient partis vivre six mois-un an en Australie, qui m'ont expliqué. Et j'avais envie de voir autre chose après neuf ans en France. Ça s'est fait très rapidement. On s'est retrouvés avec ma femme et on s'est dit que c'était une superbe aventure pour s'ouvrir sur une nouvelle culture, un nouveau pays. C’est à l'autre bout du monde mais on s'est dit qu'on allait faire le pari.

FM : comment voyez-vous votre avenir ? Un retour en France, par exemple, est-il possible ou vous dirigez-vous vers une fin de carrière en Australie ?

FB : je ne sais pas du tout. Sur un retour en France, si les clubs ont suivi mes performances, pourquoi pas. Mais après, moi, je kiffe l'aventure ici et les choix dépendent aussi de la situation familiale et notamment celle de mes filles. Ça fait un an et demi qu'on est là, elles commencent à bien parler anglais mais ce n'est pas encore top top. Mais si je peux passer encore quelques années ici, je les passerais avec grand plaisir. Quitte à finir ici en Australie, ça ne serait pas un choix à contrecœur. Je ne peux pas dire que je suis fermé parce qu'avec la France, je suis loin de ma famille mais je ne sais pas du tout. L'avenir nous le dira, j'essaye de ne pas me prendre la tête avec ça. Dans tous les cas, on est vraiment contents ici et je ne suis pas dans l'urgence de dire "faut absolument que je rentre en France" ou "je ne suis pas heureux ici, ça ne va pas, faut que je retourne en France".

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