Christophe Gamel, l’entraîneur globe-trotteur qui compte bien percer en France

Par Augustin Delaporte
6 min.
Christophe Gamel sous les couleurs du KSV Roeselare @Maxppp

Lui, son truc, c'est d'entraîner. Depuis tout petit, quand d'autres ne pensent qu'à jouer. Alors, non, il n'a pas été joueur professionnel. Il n'a pas, non plus, un réseau important en France. Du coup, il a décidé de prouver ailleurs, en multipliant les expériences aux quatre coins du monde. En Italie avec les équipes de jeunes, en Hongrie comme préparateur physique ou aux Fidji comme sélectionneur, entre autres. Suffisant pour que la porte s'entrouvre ?

Faut-il forcément avoir été joueur professionnel pour entraîner ? Si l’école portugaise a ouvert la voie, avec Mourinho ou plus récemment en Ligue 1 Leonardo Jardim et André Villas-Boas, la question est encore en suspens. Notamment dans le monde amateur où l’on se cogne (très) régulièrement la tête à un plafond de verre. En France, André Villas-Boas est d’ailleurs l’unique entraîneur des 40 formations professionnelles (Ligue 1 et Ligue 2 confondues) à ne jamais avoir été joueur.

La suite après cette publicité

Christophe Gamel, 48 ans, en première ligne du problème, explique : « c’est comme dans les grandes entreprises, ceux qui ont un certain niveau d’études sont privilégiés par rapport à d’autres. Dans le sport c’est pareil. Si vous avez été pro vous disposez d’une image et d’un crédit qui est différent. Je n’ai rien contre ça, mais ce qui me gêne c’est qu’on ne regarde pas nos parcours et qu’il faut que l’on travaille beaucoup plus que les autres. Je pense que beaucoup d’entraîneurs se reconnaîtront. On ne nous donne pas de crédit. Récemment, il y a (Sébastien) Desabre, qui était en Afrique et qui vient de reprendre à Niort, il faut que quelqu’un comme ça - avec un profil comme le mien - réussisse pour ouvrir la voie. »

À lire AC Milan : rencontre prévue avec Tedesco

« Quelqu’un comme ça », c’est un entraîneur jeune, qui n’a jamais été joueur, qui n’a (de fait) pas un grand réseau et qui a donc du s’exiler pour prouver qu’il peut exercer chez lui, en France. Et cela même s’il a un diplôme identique aux autres. Un exil qui débute (pour Gamel) en Italie où le natif de Meaux prend en main les jeunes de Cassino Calcio 1924. Une habitude pour lui. « Depuis que j’ai débuté à jouer (en amateur et semi pro, ndlr), j’ai toujours entraîné. C’est toujours ce que j’ai voulu faire. Je me suis formé et à chaque fois que j’allais dans un club je demandais à avoir une équipe à entraîner », rembobine-t-il passionné.

La suite après cette publicité

De Miskolc au PSG

En 2007, nouveau changement de costume et de décor : Gamel rallie la Hongrie et le Diósgyőri VTK, comme préparateur physique. L’expérience est aussi obscure qu’elle y parait : « quand vous vous retrouvez en Hongrie, comme adjoint, que vous ne parlez pas la langue, qu’il y a des problèmes en interne… Il faut être capable de s’adapter à tout. Là, vous ne dormez pas toujours bien », raconte-t-il le ton grave. Mais pas inutile pour autant : « je me suis investi dans la préparation physique parce que je ne comprenais pas ce que faisaient les préparateurs physiques. J’ai voulu comprendre. J’ai fait mon parcours, puis je suis retourné à mon premier amour : le métier d’entraîneur. »

Direction le Qatar, en tant qu’adjoint chez les U17, puis à Al Rayyan, un club prestigieux du Moyen-Orient. « Au Qatar c’est tout l’opposé. On a tout. Je suis passé de rien à tout », résume le baroudeur. Son ascension, toujours par des chemins de traverse, ne s’arrête pas là. Il est ensuite appelé par le Paris-Saint Germain, comme adjoint de l’équipe féminine. Là, il croise la route de son idole Carlo Ancelotti, s’en nourrit, échange avec son adjoint (Giovanni Mauri), dispute une finale de Ligue des champions (en 2015)… « L’aventure humaine est extraordinaire (dans ce voyage perpétuel, ndlr), dans le bon comme dans le mauvais. On en tire toujours quelque chose et c’est ça qui fait avancer. Après il faut avoir des convictions… », lâche-t-il mystérieux, et d’ajouter : « avec tout ça on crée sa propre histoire, sa propre philosophie ! »

La suite après cette publicité

L'appel de Mikaël Silvestre

Son histoire à lui passe par un autre défi : celui de devenir sélectionneur aux îles Fidji. Son rôle s’élargit, son champ de compétence aussi. « Au départ, j’étais qu’avec l’équipe première, puis je me suis vite rendu compte que pour faire avancer le football aux Fidji il fallait développer (aussi) les équipes de jeunes. On a créé une équipe U19 olympique notamment et puis maintenant il y a des terrains convenables, du matériel, ça a mis du temps à venir, mais c’est arrivé. On a également développé l’équipe nationale féminine où je suis devenu formateur de coaches… Il ne fallait pas se limiter à l’équipe nationale parce que ça n’aurait pas été un vrai travail de fond. » Et si cela ne suffisait pas, Gamel dirige, en parallèle, le club de Lautoka avec lequel il atteint une finale de Ligue des champions d'Océanie (perdue 4-3 face à Team Wellington).

Mais, alors qu’une prolongation de quatre années l’attend avec la sélection, le technicien met fin à son aventure fidjienne et retrouve la France pour des raisons personnelles. Il reçoit alors l'appel d'une personne bien connue en France, dont il a fait la connaissance en Océanie : Mikaël Silvestre. L'ex-international français n'y va pas par quatre chemin : « il y a un projet très difficile, je sais que tu n’as peur de rien, que tu as voyagé, que tu es capable de sauver l’équipe sportivement. »

La suite après cette publicité

Cette dernière s’appelle KSV Roulers et navigue dans les bas fonds de la Division 1B (ou Proximus League). L'objectif est de la sauver sportivement, en espérant que l'administratif suive. La première condition est remplie, pas la seconde : «on s’est sauvé sur le terrain, derrière j’avais une prolongation, tout était parfait, j’aurais pu continuer de prouver en Europe, on venait de faire un super truc, j’avais la main mise sur le recrutement, sur le staff...», énumère-t-il. «Puis, il y a deux mois, je reçoit le coup de fil du CEO comme quoi c’est mort. Le propriétaire n’a pas payé - en Belgique, quand vous êtes sauvés, il faut donner un certain montant pour l’année d’après - et donc le tribunal belge du sport n’a pas validé la montée du club.»

La pilule peine à passer, le rebond est attendu. Car Christophe Gamel l'a compris depuis un moment maintenant, c'est la vie qu'il a décidé de mener : « il faut être fort dans la tête. Ne pas hésiter à prendre le baluchon et à y aller. C’est ce qui fait la beauté de la chose et je n’ai jamais eu peur de ça. Et si demain je dois repartir au bout du monde, j’irais vraiment avec grand plaisir. » A moins que son pays ne lui ouvre la porte, ce qu'il espère ardemment : «je sais qu’un jour ou l’autre un président de club, en L2 ou en National, saura me donner ma chance et je la prendrai », promet-il opiniâtre.

La suite après cette publicité

Fil info

La suite après cette publicité