Tao Paradowski : «j’aimerais faire un rassemblement avec l’équipe de France à court terme»

Par Chemssdine Belgacem
9 min.
Tao Paradowski avec Nîmes @Maxppp

Tout est allé très vite pour Tao Paradowski avec Nîmes. Recruté à l’été 2022 pour être gardien remplaçant de la réserve nîmoise, le jeune portier de 18 ans est aujourd’hui titulaire en National. Une ascension express impressionnante alors que l’ancien de Nancy est sous licence amateur malgré son statut. Pour arrondir les fins de mois, le portier des Crocos travaille dans une école en parallèle de son train de vie de joueur semi-professionnel. Sa situation particulière, ses objectifs, l’équipe de France et sa vision du poste de gardien du haut de son mètre 80, Paradowski s’est confié sans complexe, comme à son habitude, à Foot Mercato.

Foot Mercato : vous avez commencé votre carrière à Nancy qui était votre club de cœur. D’où vient cet attachement au club lorrain ?

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Tao Paradowski : je suis né à Saint-Paul, à la Réunion. Quand je suis arrivé à Nancy à l’âge de 4 ans. J’ai tout de suite intégré le club de Jarville Jeunes football avec Alain Rigole. Mon père m’amenait régulièrement avec lui au stade Marcel Picot car il tenait le bar des supporters et j’ai grandi dans ce moule ultra.

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FM : finalement, le club décide de se séparer de vous en juillet 2022. Comment avez-vous reçu la nouvelle ?

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TP : partir après sept ans au club, ça a été dur. Je me projetais là-bas, forcément, ça a été douloureux. Dans la voiture, des larmes ont coulé. J’avais 16 ans et mon rêve de devenir pro avec Nancy s’était effondré.

FM : vous rebondissez finalement avec Nîmes. Comment se sont passés vos premiers contacts avec le club et votre première saison ?

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TP : mon père avait des contacts avec certains clubs. Il avait un numéro à Nîmes. Je suis arrivé le 7 juillet 2022, j’ai fait un essai. Le coach des gardiens du centre, Jérémy Struffaldi, m’a bien apprécié. Alors que j’ai été doublure, j’ai rapidement été promu numéro 1 et j’ai pu intégrer le groupe L2 lors des séances d’entraînements et j’en profite pour remercier Nicolas Usai.

«Je suis conscient de mes qualités»

FM : vous réussissez finalement à jouer avec les pros à partir de cet été. Comment cela s’est-il goupillé ?

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TP : cet été, j’étais encore dans le flou. Je m’étais entretenu avec l’entraîneur des gardiens de la réserve. Il ne savait pas si j’allais reprendre avec la réserve ou avec les pros. Il a alors demandé pour que je fasse la reprise avec les pros. On n’était que trois, ils cherchaient un numéro 1. Je savais que je serais numéro 4 avec les pros. La préparation s’est bien passée. Le premier match amical, je n’ai pas joué. Plus les matches amicaux passaient et plus, j’avais du temps de jeu. Le début de saison, je passe alors en doublure.

FM : vous passez finalement rapidement de doublure à titulaire…

TP : les deux premiers matches se passent bien pour Lucas Dias, le numéro 1. Après Avranches, Anthony Babikian m’a laissé entendre que je pourrais avoir ma chance lors de la prochaine rencontre. Finalement, en début de semaine, le coach Bompard nous prend dans le bureau et nous dit que nous serions en concurrence cette semaine-là. Je fais une bonne semaine d’entraînement. Dans la mise en place tactique, j’étais titulaire. De fil en aiguille, j’ai su que j’allais jouer contre Châteauroux. Ensuite, j’ai enchaîné.

FM : appréhendiez-vous vos débuts dans les buts nîmois alors que vous n’avez que 18 ans ?

TP : je n’étais pas serein à 100% mais je suis conscient de mes qualités. Quand j’ai vu le niveau des gardiens de National, je savais que je pouvais le faire. La nuit avant mon premier match a été plus courte que les autres (rires). Je n’avais pas peur de mal faire, mais j’avais la pression de bien faire.

FM : vous êtes passés de gardien réserviste à titulaire en quelques mois…vous attendiez-vous à une si rapide ascension ?

TP : je ne pensais pas que ça serait si rapide. Je savais que j’aurais un jour ma chance, mais je ne pensais pas aussi vite. Le déroulé des événements m’a agréablement surpris.

FM : le fait d’évoluer avec les pros doit également vous faire grandement progresser…

TP : nous avons un coach pour nous, c’est différent. Je ressens que ma plus grosse progression, c’est cette année. Depuis 6 mois, j’ai plus appris grâce au monde professionnel qu’en près de 10 ans de centre de formation. Avec Babik (Anthony Babikian, l’entraîneur des gardiens de Nîmes, ndlr), tous les jours, on travaille sur un aspect qui est améliorable. On a eu un problème sur la gestion des angles, hop, on va travailler sur les angles. Il n’y a pas mieux pour progresser.

«Il y a des gens qui se lèvent à 5h tous les matins»

FM : à vos côtés, vous avez également Fabrice Ondoa, un gardien international camerounais (il a disputé le premier match de la CAN 2023 en l’absence d’André Onana, ndlr). Comment se passe la cohabitation avec un tel gardien que vous avez relégué sur le banc ?

TP : Fabrice Ondoa est une bonne personne avec moi, il me donne beaucoup de conseils sur l’aspect moral. Même quand il a su que je jouerais à sa place, il est toujours resté respectueux et souriant avec moi.

FM : même si tout se passe bien sportivement, vous n’avez toujours pas de contrat professionnel avec Nîmes. Comment vivez-vous la situation ?

TP : je suis encore dans l’euphorie, je suis là pour la passion du terrain et pour jouer. Ils ont perdu l’agrément du centre de formation, c’est aussi pour ça que je n’ai pas de contrat. Ce qui m’aide, c’est que je suis toujours bien entouré par mes parents et mes deux frères qui sont toujours là pour moi.

FM : il y a quand même de quoi être surpris de voir un gardien titulaire en troisième division française ne rien toucher…pour gagner votre argent, vous travaillez également dans une école à côté de vos entraînements.

TP : il y a pire dans la vie. Il y a des gens qui se lèvent à 5h tous les matins pour aller faire du ménage ou pour travailler dans le froid. Je prends cette situation avec beaucoup de recul et je sais que je suis un privilégié. Je suis concentré sur le terrain et se lever 2-3 fois par semaine, ce n’est pas la mort. De plus, j’aime bien travailler auprès des enfants.

«Les U19 de l’équipe de France en mars, c’est vraiment un objectif»

FM : comment vivez-vous le contexte nîmois parfois compliqué au quotidien ?

TP : le coach, le directeur sportif et le staff font un travail énorme pour que nous gardions le mental uniquement sur le travail et le terrain. Tous les jours, on est seulement occupés par nos performances.

FM : quand on observe de plus près la liste, on constate que peu de gardiens nés en 2005 sont titulaires à un si haut niveau en France. Pensez-vous être en mesure de jouer en équipe de France de jeunes dans les prochains mois ?

TP : j’y pense forcément. J’aimerais bien, c’est l’un de mes objectifs sur court terme qui serait alors réalisé. Sans être prétentieux, dans la génération 2005, à part Restes qui est au-dessus, je pense que j’ai une carte à jouer. Les U19 en mars, c’est vraiment un objectif.

FM : vous avez également des origines polonaises. Seriez-vous enclin à rejoindre la Pologne en sélection ?

TP : je sais que la Pologne m’a identifié mais je dirai oui à la seule condition que je n’ai aucune chance d’être sélectionné en équipe de France car cela reste mon rêve absolu.

FM : qui sont vos modèles au poste de gardien ?

TP : Jérémie Janot m’a fait aimer le poste. Il avait ce côté showman déjanté qui me plaisait et il est petit comme moi donc c’est un modèle. Pour la petite anecdote, je m’étais même rasé les cheveux en U16 pour lui ressembler. J’aime beaucoup Jordan Pickford aujourd’hui. Pour revenir à Janot, je m’inspire beaucoup de son jeu au pied également. Il est désormais entraîneur de l’équipe de France espoirs. Ça serait fantastique de le retrouver dans un avenir proche.

«On pardonne plus facilement aux grands gardiens»

FM : tu ne fais qu’1m80, ce qui est souvent décrit comme handicapant pour un gardien. Quelle est ta vision sur cet opprobre aux gardiens de petite taille de nos jours ?

TP : les petits gardiens sont moins estimés, clairement. Le critère, c’est 1m95 de nos jours. Dans plusieurs clubs, on ne me regarderait pas pour ça comme on ne regarderait pas un joueur d’1m90. Je dois prouver plus que des grands gardiens. Je dois passer parler par la petite porte.

FM : penses-tu que les gens sont plus indulgents avec les gardiens plus grands ?

TP : on pardonne beaucoup plus facilement aux gardiens qui sont grands de taille. Quand il est petit, on va le tuer directement, en disant que c’est forcément sa faute et celle de sa taille. On pense aussi qu’un jeune joueur doit forcément être bon au pied. Je l’ai ressenti à Nancy. Dès que je suis passé chez les jeunes, on me disait que je ne passerais jamais en réserve et encore moins en pro. Cela m’a motivé.

FM : sur quels points Tao Paradowski doit encore progresser ?

TP : j’ai encore pas mal d’axes de progression, je dois affiner ma qualité de jeu de pied surtout du gauche. Sur mes placements, je dois parfois faire mieux. J’en ai parlé avant-hier avec Anthony Babikian (entraîneur des gardiens de Nîmes). Il me reste beaucoup de petits détails comme mes déviations. Savoir garder ou dévier. Quand il y a beaucoup de monde autour, il faut garder, notamment quand mon équipe a besoin de calmer le rythme. Quand il y a moins de monde, je dois faire alors de meilleures déviations.

FM : qu’est-ce que l’on peut vous souhaiter dans les prochains mois ?

TP : j’aimerais faire un rassemblement avec l’équipe de France à court terme. Également, j’aimerais signer mon premier contrat professionnel. Surtout, je veux vraiment enchaîner le plus de matches possibles.

FM : avez-vous des sollicitations d’autres clubs ?

TP : mes agents, Michael Wentzinger et Mehdi Lazrag, ainsi que mon père ne me disent pas. C’est moi-même qui leur ait demandé de ne rien me dire pour me laisser dans ma bulle.

FM : quels clubs vous font rêver en France mais aussi à l’étranger ?

TP : Everton, j’aime trop ce club. Hors France, c’est mon club préféré. Après forcément, en termes de clubs d’élite, j’aime beaucoup le Bayern Munich. Un club en France ? J’ai une attache avec Nancy, mais j’aime bien l’OM. J’aime les grosses ambiances (rires).

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