Drogue, alcoolisme, dépression : l’inquiétante santé mentale des footballeurs

Par Alexandre Pauwels
4 min.
Paul Gascoigne symbole des footballeurs à la dérive @Maxppp

La FIFPro, Fédération Internationale des Associations de Footballeurs Professionnels, vient de publier une étude sur la santé mentale des footballeurs. Réalisée auprès de 300 professionnels, actifs ou retraités, cette enquête dévoile des résultats enrichissants, nous en apprenant davantage sur le métier, pas si simple et limité, de footballeur…

La profession de footballeur est perçue différemment selon les pays, mais toute vision simpliste demeure réductrice. Le métier n’est pas simple. Difficile d’accession, déjà. Rempli d’aléas, ensuite. Ces mêmes aléas qui ne restent pas sans conséquence sur le plan mental. Les preuves, c’est la dernière étude menée par la FIFPro, sous la conduite de son chef médical Vincent Gouttebarge – ancien footballeur pro français, notamment passé par l’AJ Auxerre – qui nous les apporte. La Fédération Internationale des Associations de Footballeurs Professionnels s’est intéressée à la santé mentale des joueurs pros, cherchant notamment à mesurer l’impact de la retraite, en interrogeant des actifs – 180 sondés, 60% d’entre eux évoluant parmi les meilleurs championnats mondiaux – comme des éléments ayant raccrochés les crampons – 120 consultés, dont 65% ayant passé l’essentiel de leur carrière dans ces mêmes tops championnats.

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Les résultats sont saisissants, témoignant tant du stress du footballeur en activité que de la détresse du retraité. 26% des actifs déclarent souffrir de dépression et d’anxiété, contre 39% des retraités. 19% des actifs avouent avoir des problèmes avec l’alcool, contre… 42% chez leurs aînés. Enfin, 5% des travailleurs se disent au bord de l’épuisement et 10 en situation de détresse, 15 et 18% chez les retraités. « Quand les joueurs stoppent leur activité physique intense, ils perdent leur vie structurée, le support social apporté par les entraîneurs et coéquipiers, et ont besoin de trouver leur place dans la société, trouver une autre occupation. Conséquence, ils sont exposés à des problèmes de santé mentale à cette période » synthétise ainsi Gouttebarge pour expliciter les chiffres.

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Symboles du stress de l’actif, tous énumérés par les joueurs, la concurrence, les événements de la vie tels la mort d’un proche, la relation avec partenaires et coachs, les blessures – 174 blessures sévères et 170 interventions chirurgicales citées par les 180 footballeurs en activité. Du côté des jeunes retraités, il s’agit de la peur, de la détresse qui s’instaure à l’heure d’aborder une nouvelle vie à laquelle ils n'étaient pas préparés. Deux de ces inactifs ont pris la parole pour exprimer leur mal-être, encore présent ou désormais révolu, les Jonny Walker et Chris Jackson, anciens internationaux américains et néo-zélandais. « Un jour tu es sur le terrain devant 60 000, 80 000 personnes. Tu joues pour ton équipe nationale. Tout le monde te regarde. Et le jour d’après, tout s’arrête » raconte le premier nommé. « J’avais perdu un de mes buts dans la vie. En tant que joueur, vous vous lancez sans cesse de nouveaux défis. D’abord, celui de devenir pro. Ensuite, d’être dans l’équipe première, puis un titulaire, puis partir à l’étranger, puis aller en équipe nationale. Quand tout s’est arrêté, j’étais bloqué dans mes pensées. Je ne savais pas quoi faire, j’étais juste déprimé. »

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Jackson, 60 capes avec les All Whites, assure quant à lui qu’il a souffert toute sa vie de ces mêmes troubles. Drogue, alcool, les deux éléments l’ont accompagné depuis ses 15 ans, et son retour d’une détection manquée en Angleterre. « J’ai eu et j’ai encore beaucoup d’anxiété vis-à-vis des performances. La pression pendant des années, la dépression. J’allais souvent à l’intérieur de moi-même, ne trouvant comme autre solution que la drogue et l’alcool, jusqu’à que je me rende compte que j’étais dépendant et sur le point de tout faire foirer. J’étais jeune, naïf. Je n’ai pas pu traiter le problème, parce que je n’ai jamais admis que j’en avais un. La conséquence sur ma carrière, c’est que j’ai toujours joué avec peur et négativité. » Walker dit s’en être tiré, grâce à la reprise de ses études. Jackson, lui, assure que rien n’a changé. Les deux hommes s’accordent pour dire une chose : ils regrettent leur isolement au moment de la retraite, le fait qu’ils n’aient aucunement été prévenus ou aidés à ce moment précis.

C’est le but non dissimulé de l’étude menée par la FIFPro. « Les parties prenantes du football ont une responsabilité collective à lever le tabou de la maladie mentale. Tous les joueurs, actifs ou retraités, peuvent apprendre des comportements optimaux et des compétences pour mieux aborder les symptômes de maladie mentale. Lorsqu’on parle de problème de santé, physique ou mental, il s’agit d’établir une prise de conscience personnelle. Les joueurs doivent être conscients de ce qui pourrait arriver pendant ou après leur carrière. » Encadrés dès leur plus jeune âge, les joueurs ne sont peut-être pas assez formés… sur la vie extérieure au football, et la manière d’aborder et de se préparer à certains événements. La FIFPro prône ainsi le « développement et la mise en œuvre de stratégies optimales pour protéger et promouvoir la bonne santé durable des footballeurs professionnels. » En plus de délivrer un message. « Contrairement à la croyance populaire, la vie d’un footballeur pro a des côtés sombres »...

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