L’Italie se déchire encore sur l’avenir de San Siro
Le dossier San Siro est entré dans une phase décisive : Milan et l’Inter négocient avec la mairie le rachat du stade pour environ 160 M€, après le feu vert judiciaire qui valide la vente avant novembre 2025. Mais les lenteurs politiques repoussent le vote à septembre, tandis que la menace d’une exclusion de l’Euro 2032 plane si les travaux ne débutent pas rapidement. Patrimoine, finance, politique et pression populaire s’entrechoquent dans ce feuilleton milanais à rebondissements.

À Milan, il ne s’agit pas seulement de football. Il s’agit d’identité, de mémoire et d’architecture sacrée. Le stade Giuseppe Meazza, plus connu sous le nom mythique de San Siro, n’est pas une simple enceinte : c’est une cathédrale du calcio, un théâtre des passions collectives qui a vu défiler Rivera, Baresi, Ronaldo, Maldini, Zanetti et des générations de tifosi en transe. Pourtant, ce monument du XXe siècle est aujourd’hui au cœur d’un feuilleton politico-financier aux allures de tragédie italienne. Deux clubs rivaux — Milan et Inter — unis dans la nécessité d’un avenir plus rentable, s’opposent à une municipalité tiraillée entre héritage culturel et impératif de modernisation. Derrière la façade romantique, le dossier San Siro mêle enjeux patrimoniaux, bras de fer institutionnels, intérêts immobiliers colossaux, et crainte d’un exode symbolique qui fracturerait le cœur du football milanais.
Depuis 2019, l’AC Milan et l’Inter Milan ont exprimé leur souhait de remplacer San Siro — stade historique de 80 000 places — par une enceinte plus moderne, estimée à environ 1,2 milliard d’euros (600 M€ chacun) pour un complexe multifonctionnel intégrant centre commercial, hôtels, activités événementielles… Mais les coûts exorbitants, la dette des clubs (324 M€ pour le Milan, 735 M€ pour l’Inter) et les lenteurs administratives italiennes ont rapidement mis à mal l’idée d’une rénovation. Selon Calcio e Finanza, le projet initial de réhabilitation du stade avait été abandonné après qu’une analyse a conclu qu’il était économiquement irréaliste — la rénovation rendrait San Siro quasi méconnaissable et limiterait sérieusement son potentiel commercial. En réponse, les clubs ont renoué avec l’idée d’un nouveau stade commun, avec proposition d’achat des terrains municipaux annexes, projet actuellement en appel de la vente conduisant à une enquête judiciaire du procureur de Milan sur une possible décote artificielle des terrains cédés à environ 400 €/m².
Près de 6 ans de bataille !
Selon Calcio e Finanza, les deux clubs ne sont pas sur un pied d’égalité : l’AC Milan est financièrement plus solide — sans dette nette et déjà propriétaire d’un terrain à San Donato prêt à accueillir son stade — ce qui lui donne un pouvoir de négociation plus fort. L’Inter, en revanche, est lourdement endettée et dépend du « project financing » et d’un terrain sous exclusivité à Rozzano, conditionné à une offre de faisabilité avant avril 2024. La municipalité, par l’intermédiaire du maire Sala, observe avec méfiance les garanties financières fournies, imposant aux clubs de rendre des comptes dans un délai très court (90 jours en avril), ce qui a contribué à la stagnation du dossier et à la menace d’un départ hors de la ville pour un ou les deux clubs. L’accueil populaire à Milan est majoritairement hostile à la démolition de l’enceinte emblématique — 59 % de la population, avec 64 % parmi les tifosi rossoneri, s’opposent à sa destruction — renforçant les oppositions politiques au projet scrapp.
La municipalité de Milan, sous la houlette du maire Giuseppe Sala, se trouve dans une position délicate : préserver un monument historique classé — ce qui entrave toute modification majeure du deuxième niveau dès 2025 — tout en ne pouvant se permettre de perdre les revenus liés aux clubs (environ 8 M€ de loyers annuels plus 2 M€ de maintenance pour la ville). Sala a annoncé un recours contre la décision du ministère de la Culture interdisant les travaux, jugée absurde et dommageable pour la ville. De plus, l’ouverture d’un dossier judiciaire (modèle 45, sans enquête criminelle pour l’instant) vise à analyser si la vente de l’enceinte et des terrains a causé un dommage aux finances publiques, notamment à cause de la faible valorisation imputée d’après un rapport réalisé par M‑I Stadio, société liée aux clubs eux‑mêmes. En conséquence, le dossier devient un cocktail de symboles (San Siro comme patrimoine vs modernité), d’intérêts financiers, de rivalités politiques, et de pression populaire. Le débat est désormais en cours public, sans échéance claire, et pourrait durer des années avec un nouveau stade opérationnel seulement vers 2031–2035 si le projet aboutit enfin.
Un dossier urgent pour l’Euro 2032
San Siro pourrait être écarté de la candidature de l’Italie pour accueillir l’Euro 2032, car il ne respecte pas les normes requises et toutes les rénovations seraient trop tardives ou coûteuses. Une réunion au Palazzo Marino avec la FIGC, UEFA, les clubs milanais et la mairie a souligné l’urgence : pour durer dans la course, il faudrait démolir une grande partie de l’enceinte (tout sauf le deuxième anneau), ce qui ne pourrait débuter qu’après 2030. Le coût estimé de reconstruction est d’environ 197 M€, avec une offre finale attendue d’ici octobre 2026 pour valider le projet. Le TAR de Lombardie a rejeté un recours contestant le futur vincolo patrimonial, confirmant que la date butoir est toujours le 10 novembre 2025 (70 ans depuis l’inauguration du deuxième anneau), ouvrant la voie à la cession de l’enceinte aux clubs d’ici fin juillet 2025.
Par ailleurs, la mairie discute actuellement d’un rabais sur les 197 M€ initiaux (valeur terrain + stade), prenant en compte les coûts de dépollution et démolition. L’accord final pourrait se situer autour de 160 M€ net. Le maire Giuseppe Sala maintient son engagement : la vente doit être approuvée par le conseil municipal, mais l’assemblée est suspendue jusqu’en septembre, conciliant sa volonté d’avancer et les réserves du PD sur les coûts et les garanties. L’approbation via la Giunta est aussi en cours. Plusieurs élus ont exprimé leur opposition, et toute décision favorable devra réunir une majorité acceptable, sinueuse politiquement. Le projet demeure tendu : les clubs doivent conclure avant la tombée du vincolo (10/11/2025), la mairie doit maintenir l’équilibre budgétaire et politique, tandis que les délais UEFA pèsent lourd. Sur le terrain, on avance méthodiquement, mais chaque étape reste conditionnée à la validation juridique et politique.
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