Affaire des paris sportifs : qui est Fabrizio Corona, le lanceur d’alerte sulfureux aux mille polémiques ?

Par Valentin Feuillette
9 min.
@Maxppp

Un ouragan de scandales s’abat sur le monde du Calcio. Et derrière cette vague médiatique se cache un homme mystérieux aux multiples facettes qui collectionne les polémiques dans la presse italienne depuis une vingtaine d’années. Il est à l’origine des révélations des paris sportifs.

L’affaire des paris sportifs, dans lequel ont été soupçonnés puis sanctionnés les footballeurs italien Nicolò Zaniolo, Nicolò Fagioli et Sandro Tonali, a ramené le nom de l’entrepreneur Fabrizio Corona sur le devant de la scène médiatique. Si son nom est assez familier dans la presse transalpine, il n’a pas traversé l’autre côté du Mont Blanc. En France, le patronyme de Fabrizio Corona reste encore méconnu - pour ne pas dire inconnu. Et c’est pourtant lui qui a révélé aux médias l’implication de ces trois joueurs dans l’enquête sur les paris sportifs, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle son nom ressort dans les colonnes médiatiques : il est récemment sorti de prison après avoir enchaîné plusieurs allers-retours au cachot pendant une dizaine d’années. En plus de son travail et des événements juridiques qui l’ont impliqué, Corona a été pendant de nombreuses années une personnalité du divertissement très populaire. Il s’est construit une image faite de tatouages, de muscles, de voitures de luxe, de soirées dans des clubs branchés, de déclarations audacieuses et d’excès inspirés de l’imagerie de la pègre. Même en prison, dit-il, il a réussi à faire venir un chirurgien esthétique pour lui faire quelques injections et à utiliser de l’huile et du papier d’aluminium pour bronzer plus rapidement.

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Né à Catane en Sicile, le 29 mars 1974, Fabrizio Corona est le fils du célèbre journaliste italien Vittorio Corona, connu pour sa longue et prodigieuse carrière dans les journaux, les magazines et à la télévision et le neveu du journaliste et présentateur de télévision Puccio Corona. Ayant grandi à Milan en Lombardie, Corona a aussi essayé de devenir journaliste avec quelques expériences aux côtés de son père à la télévision et en écrivant dans des magazines hebdomadaires comme Chi. À la fin des années 90, le sulfureux homme italien est mis en contact avec Lele Mora, un puissant agent et producteur de télévision, qui va lui apprendre tous les rouages du monde du divertissement et de la jetset italienne. C’est en 2001 qu’il décide de couper les ponts avec le prospère agent italien pour fonder sa propre agence de photos. Il commence ainsi à coordonner le travail d’une dizaine de paparazzi en collectionnant des photos compromettantes de personnages célèbres et les vendait à des programmes de télévision et à des magazines à potins. C’est à partir de ce moment que Fabrizio Corona bascule peu à peu vers ses premières affaires judiciaires.

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Un homme excentrique inquiété par la justice

Avant les nombreux événements judiciaires qui l’ont conduit à la prison en 2013, Fabrizio Corona était un entrepreneur dans le monde des potins, surnommé « le Roi des paparazzi » par les journaux, et une personnalité du divertissement extrêmement populaire et controversée. Certains se souviennent de lui pour son travail avec Lele Mora, d’autres pour le scandale autour de Lapo Elkann, d’autres encore pour ses relations avec Nina Morić et Belén Rodríguez. Mais la liste pourrait continuer avec le jet de ses sous-vêtements par la fenêtre de sa maison à Milan, les excès de vitesse, sa cachette au Portugal, l’argent caché dans les murs et une vidéo de protestation de lui au visage ensanglanté devenue particulièrement célèbre. En 2007, il s’est retrouvé impliqué dans la large enquête dite «Vallettopoli», dans laquelle il a été accusé entre autres de diverses tentatives d’extorsion avec un chantage aux photos compromettantes, de trafic de drogue et d’exploitation de la prostitution. Au cours de cette première phase judiciaire, il a passé deux mois en prison, au cours desquels il a publié un livre de photographies intitulé My Prison et tourné quelques clips vidéo de musique.

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L’affaire la plus médiatisée concerne cependant Lapo Elkann, fils de Margherita Agnelli et membre de la famille propriétaire de Fiat et de la Juventus, qui avait alors moins de trente ans. Une nuit de 2005, Elkann a été hospitalisé en urgence à cause d’une overdose : la personne qui a appelé l’ambulance était une femme transsexuelle dont l’identité était inconnue et autour de laquelle une curiosité morbide est soudainement apparue en Italie. À cette occasion, Corona a réussi à parler avec cette femme et à obtenir une courte interview vidéo et quelques photos qu’il a tenté de vendre à Fiat, en soulignant l’intérêt que la grande entreprise italienne aurait eu à ne pas provoquer de scandale nationale. Au fil des années, Fabrizio Corona a été diagnostique d’un important trouble de la personnalité et d’un narcissisme pathologique. Dans l’interview accordée à l’émission Belve sur la Rai, il a affirmé prendre plus d’une centaine de comprimés par jour, notamment des suppléments, des psychotropes et des somnifères : «Je suis comme l’Archange Gabriel. Je pense qu’il n’existe pas une personne plus gentille, plus intelligente, mieux préparée que moi».

D’autres affaires dans le Calcio

Le nom de Fabrizio Corona a déjà fait couler de l’encre dans le monde du football, bien avant la suspension de 10 mois du milieu de Newcastle, Sandro Tonali. Parmi les cas d’extorsion souvent évoqués, il y a celui qui impliquait l’ancien défenseur de l’AC Milan et du FC Barcelone, Francesco Coco, dont il prétendait avoir des photos dans une fête avec des hommes gays et dans des attitudes intimes avec une femme trans, ce qui s’est avéré néanmoins être faux. Mais aussi le légendaire attaquant brésilien Adriano, photographié pendant une fête dont Fabrizio Corona a affirmé qu’il y avait des prostituées et de la cocaïne. Au procès, l’ancien buteur de l’Inter Milan a affirmé que ces accusations n’étaient pas vraies, mais qu’il avait cédé au chantage de Corona parce que le photographe lui avait fait croire qu’il pourrait manipuler les photos pour faire apparaître de la cocaïne. La peine la plus longue - et considérée par beaucoup comme excessivement sévère en Italie - fut celle de cinq ans d’emprisonnement pour extorsion aggravée contre l’ancien attaquant français de la Juventus, David Trezeguet. Fabrizio Corona avait demandé à l’international français, des milliers d’euros pour ne pas publier un photo-reportage où on voyait Trezegol avec une femme qui n’était pas la sienne. En 2013, après que la la Cour suprême de cassation italienne a confirmé sa condamnation, la paparazzo italien s’est enfui au Portugal où il était en fuite quelques jours avant de se rendre et d’être ramené en Italie.

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Pour d’autres extorsions ou tentatives d’extorsion, Fabrizio Corona a été acquitté dans certains cas et condamné définitivement à des peines courtes dans d’autres affaires. Au fil des années, des peines pour des délits tels que l’utilisation de faux billets, la corruption d’un gardien de prison pour lui apporter une caméra dans sa cellule, la faillite frauduleuse de son agence de photo Corona’s et l’évasion fiscale ont été ajoutées aux peines pour les cas d’extorsion. Au cours de cette période, il a également tenté, sans succès, de demander grâce au président italien de l’époque, Giorgio Napolitano, une demande qui a reçu le soutien de plusieurs personnalités importantes du journalisme et de la télévision comme Adriano Celentano, Fiorello, Alfonso Signorini et Marco Travaglio. Pour se défendre des nombreuses critiques, Fabrizio Corona a déclaré que sa personnalité sulfureuse était compromise par trois événements traumatisants de sa vie : un coup à la tête qu’il a reçu en sautant dans une piscine vide, la fumée d’un joint qui, selon lui, était «mal coupé» et contenait de l’amphétamine, et un coup à la tête qui lui a fait perdre la mémoire pendant quelques jours.

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