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Sofiane Feghouli : «on veut rendre fier le peuple algérien»

Par Dahbia Hattabi
12 min.
Sofiane Feghouli avec l'Algérie @Maxppp

Lundi soir, l’Algérie va faire son entrée en lice face à l’Angola lors de la Coupe d’Afrique des Nations 2023. Avant cette rencontre, Sofiane Feghouli s’est longuement confié à Foot Mercato. Cadre de l’équipe nationale, le Fennec âgé de 34 ans a évoqué ses objectifs, la cohabitation entre la nouvelle et l’ancienne génération ou encore son avenir avec les Verts. Entretien.

Foot Mercato : dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures de l’entrée en lice de l’Algérie en Coupe d’Afrique des Nations ?

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Sofiane Feghouli : je suis impatient d’en découdre et de commencer. Certains joueurs sont arrivés en stage le 20 décembre. La majorité est arrivée le 26. D’autres, à cause de leur championnat, nous ont rejoints un peu plus tard. On était tous ensemble à partir du 1er janvier, donc ça fait 10 jours qu’on est en stage au Togo (entretien réalisé jeudi 11 janvier, ndlr). Hier (mercredi), on est arrivé en Côte d’Ivoire.

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FM : ressentez-vous dans le groupe, la même mentalité qu’en 2019, année où vous aviez gagné ?

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S.F : c’est différent. Il y avait des joueurs qui n’avaient jamais été appelés, d’autres qui ne l’étaient plus et qui ont été rappelés. Là, c’est différent. Il y a des joueurs très jeunes, inexpérimentés (en compétition africaine, ndlr). Il y a des gars, dont je fais partie, très expérimentés. Donc c’est différent de 2019. Mais il y a une très bonne ambiance. On travaille beaucoup. On est allé au Togo pour se mettre dans la difficulté pour arriver au premier match et ne pas être surpris. Cette rencontre est très importante. On veut se mettre dans les meilleures conditions pour bien aborder notre entrée dans la compétition. Donc on est allé au Togo pour ça. On a joué deux matches amicaux. L’ambiance est bonne et tout le monde est impatient de débuter. Les 25 joueurs doivent se tenir prêts pour être à disposition du sélectionneur.

FM : la seule chose qui ne change pas avec les Verts, ce sont vos supporters. Ils sont toujours présents pour vous, peu importe la compétition.

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S.F : on sait très bien que des supporters vont faire le déplacement. On a toujours des courageux, des valeureux qui soutiennent l’équipe nationale. Ça nous fait plaisir. On sait aussi que devant la télé, il y aura bien évidemment entre 45 et 50 millions d’Algériens qui seront derrière la sélection. On veut rendre fier le peuple algérien et montrer une image digne du peuple.

FM : quels sont vos objectifs ?

S.F : l’objectif est très clair, pour ma part. Il faut prendre les matches les uns après les autres jusqu’à la finale et remporter la compétition. On va essayer de commencer fort face à l’Angola et ne pas perdre de temps en prenant d’emblée les trois points. On va se focaliser que sur l’Angola, ensuite on se concentrera sur les autres matches. Ça va être long et difficile, mais on est prêts. C’est le travail qui nous rassure et je peux vous dire qu’on a travaillé. Peu importe qui jouera, la mentalité doit rester exemplaire et tout le monde doit être prêt à apporter quelque chose au collectif, qu’il joue 90 minutes, 5 minutes ou qu’il n’entre pas en jeu. Par exemple, en 2019, on avait des joueurs qui ne jouaient pas. On a eu des blessures et ils ont joué les 1/4, les 1/2 et la finale en tant que titulaires. Tout peut arriver lors d’une compétition. Si tout le monde est concentré et déterminé, il n’y a pas de raison qu’on n’aille pas au bout. On a la qualité. On travaille dur. Il faut avoir le même état d’esprit qui nous a animés par le passé. Là, on a eu le temps de se préparer. On est positifs.

Un frère aîné qui aide la nouvelle génération

FM : selon vous, quelles sont les forces de votre sélection, qui est d’ailleurs citée parmi les pays à suivre voire même les favoris par certains ?

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S.F : le terme de "favoris", je ne pense pas que ce soit pour nous. La Côte d’Ivoire est le pays organisateur. Le Maroc a atteint les 1/2 finales de la Coupe du Monde 2022. Donc nous on vient après certains pays. Mais peu importe l’équipe qu’on affrontera dans ce tournoi, on sait qu’on peut la battre. Notre idée est de prendre les matches les uns après les autres. On respecte tout le monde, l’Angola, la Mauritanie, le Burkina Faso, mais on va y aller déterminés. On va jouer dur, tout en étant imperméable, en ne concédant pas de buts. On sait qu’on a du talent et qu’on peut marquer à tout moment. On veut trouver une solidité défensive et ça passe par-là pour être champion d’Afrique.

FM : on vous a vu grandir avec cette équipe nationale, dont vous êtes l’un des cadres aujourd’hui. On peut parler de vous comme un "ancien". Comment se passe justement la cohabitation entre l’ancienne et la nouvelle génération ? Quel rôle avez-vous auprès des plus jeunes ?

S.F : je reste fidèle à moi-même. Depuis mon arrivée en équipe nationale, j’ai toujours été dans les mêmes prédispositions, à savoir quand il y a un nouveau j’essaye de le mettre à l’aise, je suis prêt à discuter et à dire quand ça ne va pas. Il y a des bons et de mauvais moments. Et quand ça ne va pas, il faut aussi dire les choses. J’essaye d’être le meilleur coéquipier possible et je travaille dur pour me tenir prêt pour la compétition. Dans le groupe, il y a beaucoup de jeunes. Ils sont très professionnels, ont une bonne mentalité. Donc c’est facile pour moi d’être au milieu de tout ça. Le coach, ça lui fait aussi moins de boulot. Il peut être tranquille et penser juste à son équipe, à la tactique. J’essaye de faire le boulot de grand frère quand il y a de petits trucs à droite, à gauche. Mais franchement, il n’y a rien à dire. Les jeunes travaillent et sont à l’écoute. Ils sont disciplinés. Donc c’est que du bonheur d’être en équipe nationale avec ce type de génération.

FM : Houssem Aouar vous a rejoint. Quel regard portez-vous sur son intégration au sein de la sélection ?

S.F : Houssem, on est très content qu’il nous ait rejoints. Il a beaucoup de talent, beaucoup de capacités. Donc on attend de lui qu’il montre toutes ses qualités en équipe nationale, que ce soit avec ou sans ballon. Houssem a beaucoup de qualités, tout comme Farès Chaibi, Mohamed Amoura, Hichem Boudaoui, je peux en citer plein d’autres. On a beaucoup de joueurs de qualité qui vont découvrir la Coupe d’Afrique des Nations pour certains. D’autres ont déjà participé à une CAN auparavant. C’est un bon mélange entre les anciens et les jeunes. Les années précédentes, il y avait des joueurs qui connaissaient la CAN, d’autres non. Mais ils ont eu un impact immédiat. Donc on espère que tout le monde va avoir l’opportunité d’aider l’équipe et de tout faire pour apporter un plus afin qu’on soit champions d’Afrique.

FM : Amine Gouiri aurait dû être du voyage avec vous, mais il a déclaré forfait en raison d’une blessure. Comment avez-vous pris cette nouvelle ? Peut-on parler d’un coup dur ?

S.F : c’est triste surtout pour lui. Ça aurait dû être sa première Coupe d’Afrique. Maintenant, on a été très surpris de voir qu’il était blessé au genou. On lui souhaite un bon rétablissement. D’autres vont pouvoir jouer et montrer qu’ils peuvent apporter à l’équipe nationale. On compte sur tout le monde ici. On est 25, on a de la qualité. Ce sont les 25 meilleurs joueurs algériens qui vont représenter les Algériens dans le monde. On doit être solidaires, disciplinés et jouer pour le maillot.

Il soutient Youcef Atal

FM : vous avez parlé de votre rôle de grand frère pour les plus jeunes. On imagine que vous avez échangé avec Youcef Atal, qui a vécu des moments difficiles ces derniers mois.

S.F : Youcef, c’est mon petit frère. Je suis toujours derrière lui et là pour lui, dans les bons comme dans les mauvais moments. Parfois, les réseaux sociaux peuvent causer du tort à certaines personnes. Maintenant, il doit se concentrer uniquement sur la Coupe d’Afrique car c’est de ça dont on a besoin. Il a une responsabilité vis-à-vis de tous les Algériens. Il doit être déterminé les jours de match. Tout ce qui concerne l’extra sportif, il doit le mettre de côté. Il est dans cet état d’esprit là. Il est concentré à l’entraînement, il est très fort physiquement, il a beaucoup travaillé. Pendant cette période, il s’est renforcé. On espère qu’il va nous apporter un plus, qu’il va briller pour lui, pour nous, pour sa famille mais surtout pour l’Algérie.

FM : Djamel Belmadi compte sur lui. Que pouvez-vous nous dire de lui ?

S.F : Djamel, c’est le top du top. C’est ce qui se fait de mieux à l’échelle mondiale en termes de coaching. Après ça, bien sûr, c’est un frère pour moi et beaucoup de joueurs. Mais quand c’est le travail, c’est le travail. Quand il met le costume de coach, il est intransigeant. Après l’entraînement, on peut discuter de tout, des conseils sur la vie, etc… C’est rare d’avoir une relation comme ça dans le métier. Il sait faire la part des choses entre le domaine professionnel car il sait qu’il a des comptes à rendre au peuple algérien et il aime son pays avant tout. Il veut réussir pour son pays et le public algérien. Mais cela n’empêche pas qu’à côté des matches et des entraînements, c’est une personne formidable qui te conseille, te dit quand ça ne va pas. C’est de ça dont les jeunes ont besoin. Souvent, on ne leur dit pas quand ils font de mauvaises choses. Ils n’ont personne autour d’eux qui leur dit les choses bonnes et moins bonnes. Djamel est juste et c’est pour ça qu’il est apprécié. C’est pour ça que je l’apprécie aussi personnellement depuis de nombreuses années. Je le soutiens.

FM : vous aussi, vous êtes présent en équipe nationale depuis de nombreuses années. Pensiez-vous rester aussi longtemps ?

S.F : je ne sais pas (rires). Je suis arrivé en 2011, nous sommes en 2024, donc ça fait longtemps maintenant. J’en discutais avec Djamel (Belmadi) et tant que je suis performant, que je suis bon quand j’ai du temps de jeu, lui ne regarde pas l’âge. Il regarde ce qu’on propose. Pour moi, c’est que du bonheur d’être encore parmi les meilleurs internationaux algériens dans le monde. C’est une grande satisfaction. Mais j’en veux toujours plus. Si je pouvais ajouter un deuxième titre africain à mon palmarès, ce serait extraordinaire. Je me prépare depuis des mois pour ça. J’ai envie, pas que moi mais tout le groupe, on a vraiment envie de remporter ce trophée. On va y aller étape par étape. Il y a sept matches, on va les prendre les uns après les autres. C’est ça l’état d’esprit aujourd’hui de l’équipe d’Algérie.

Son avenir international

FM : vous avez 34 ans (82 sélections, 19 buts, ndlr), pensez-vous que ce sera votre dernière compétition en sélection ?

S.F: ça va dépendre de comment je me sens physiquement. Je ne me focalise pas sur autre chose que la CAN aujourd’hui. C’est difficile de voir plus long. Je préfère ce mode de fonctionnement. Là, le challenge, c’est la Coupe d’Afrique des Nations. Si demain, il y a une autre sélection, c’est bien. Mais je ne vois pas plus loin que le présent. Même si je sais que je suis plus près de la fin, je bosse comme un malade en salle, je fais ma récupération. Je suis très discipliné parce que j’ai envie de vivre encore de grands moments. L’adrénaline de l’équipe nationale, je ne la retrouve nulle part ailleurs. C’est trop fort pour moi. Je ne me suis pas fixé de date limite. Tant que je peux apporter à mon pays, je suis là présent et disponible.

FM : on sent que vous avez une grande envie. Que comptez-vous apporter à l’équipe durant le tournoi ?

S.F: je pense que si je suis là depuis tant d’années, c’est grâce à mes qualités en tant que footballeur. Sincèrement, j’essaye d’être moi-même et d’être honnête avec moi-même sur le terrain. Je sais que mon pays est le plus important. Bien sûr, mon club, mon employeur, est très important aussi. C’est celui qui me rémunère et me fait gagner ma vie. Je m’investis de la même façon. Quand c’est mon pays, le côté émotionnel prend parfois le dessus. C’est quelque chose que, parfois, je ne contrôle pas. Sincèrement, je suis intransigeant sur ça avec mes coéquipiers. Mais avant tout, je le suis avec moi-même. Pour être intransigeant avec ses coéquipiers, il faut déjà montrer l’exemple. On ne veut pas d’un ancien qui vient à reculons, qui traîne les pieds, qui dise de mauvaises paroles. Au contraire, je suis là pour pousser les plus jeunes, les conseiller. Je leur dis qu’ils sont là pour prendre les places et qu’ils doivent valider leur place sur le terrain quand ils jouent. Rien n’est acquis et je les pousse car c’est dans l’intérêt de mon pays et que j’ai toujours fait ça. Je continue à le faire aujourd’hui. Sur les derniers rassemblements, ça s’est bien passé. Je suis content que l’Algérie ait retrouvé une bonne dynamique dernièrement. Donc c’est très bien et il faut aller chercher ce titre continental pour rendre les gens heureux.

FM : vous avez dit que vous vous êtes bien préparé pour la CAN, notamment au sein de votre club en Turquie à Karagümrük (17 matches toutes compétitions confondues, dont 14 en tant que titulaire, 1 assist, ndlr). Comment votre première moitié de saison s’est-elle passée ?

S.F: la saison dernière surtout, je n’avais pas pu beaucoup jouer à part en fin de saison où j’ai participé à quelques rencontres. J’avais signé au mercato d’hiver (2023, ndlr) pour diverses raisons et Andrea Pirlo ne m’avait pas fait jouer pour différentes raisons aussi. Cette saison, j’ai presque joué tous les matches jusqu’à la Coupe d’Afrique des Nations. Donc physiquement, ça a pris du temps pour pouvoir enchaîner les matches. Mais au fur et à mesure, le corps s’habitue naturellement et la forme revient. Je remercie mon club qui m’a fait confiance en début de saison et j’espère qu’on va avoir de meilleurs résultats sur la deuxième partie de saison (15e de Süper Lig). Concernant l’équipe d’Algérie, je remercie le sélectionneur et le staff d’avoir encore confiance en moi. Je me tiens prêt à n’importe quel moment, que je joue 5 ou 90 minutes. Je me dois de répondre présent. Je fais le maximum aux entraînements et en salle. On a un super staff avec des préparateurs physiques de haut niveau. Donc tout ça aide la majorité d’entre nous. Ces derniers mois, j’ai travaillé plus, j’ai fait tout pour mettre toutes les chances de mon côté et éviter une blessure. Jusqu’à présent, je me sens bien. Le fait d’être allé au Togo pendant 10 jours, nous a permis de travailler dur. J’espère qu’on va monter en puissance durant la compétition et qu’on va dominer nos adversaires.

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