Impact Montréal, Wilfried Nancy : «on est reconnu grâce à notre projet de jeu, je suis fier de ça»

Par Aurélien Macedo
24 min.
Wilfried Nancy avec le CF Montréal @Maxppp

Coach de l'Impact Montréal depuis un peu moins de deux ans, Wilfried Nancy est en train de réaliser quelque chose de grand. Terminant deuxième de la Conférence Est à deux petites longueurs de Philadelphie, il a mis en place un projet de jeu qui a su amener la franchise canadienne parmi les meilleures équipes de la Ligue malgré un budget plus modeste que d'autres écuries. Qualifiés pour les playoffs avec un match contre Orlando City pour accéder aux demi-finales de la Conference Est, Wilfried Nancy et ses hommes se sont offert la possibilité de rêver grand. Le technicien français de 45 ans est revenu pour Foot Mercato sur son expérience nord-américaine où il a pu affiner son style de jeu et grandir avec l'Impact Montréal.

Foot Mercato : Montréal a terminé deuxième de la conférence Est et va disputer les playoffs. On peut dire que c'est une saison rêvée pour vous ?

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Wilfried Nancy : oui étant donné le contexte. En termes de budget, on est dans les 3/4 derniers avec une masse salariale plus faible que les autres franchises. L'idée du club depuis l'arrivée du directeur sportif (Olivier Renard ndlr) il y a trois ans c'est qu'on ne va pas être un club dépensier comme Toronto par exemple, mais on va rechercher des potentiels pour les faire grandir avec une possibilité de revente par la suite. Chaque année, notre objectif c'est de se battre pour les playoffs. Cette année, on est proche du premier, c'est quelque chose de nouveau. On savoure le travail qui a été fait avec le groupe depuis deux ans. C'est un groupe qui est jeune. L'année dernière on avait eu une bonne saison où on avait mis de bonnes choses en place, mais on avait manqué les playoffs pour trois points. Cette année, on avait en tête de jouer les premiers rôles et on a tout fait pour.

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FM : ce qui est bluffant c'est d'avoir tenu le rythme de Philadelphie qui a été dominateur sur le championnat dès le début du championnat (65 points en 34 journées pour Montréal et 67 points en 34 journées pour Philadelphie ndlr) ...

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WN : c'est une équipe qui a performé d'une très bonne façon. Au début, c'était une équipe qui défendait bien et gagnait avec un but d'écart. Là depuis la moitié de saison, ils ont réussi à provoquer une certaine réussite et c'est mérité. Ils ont marqué beaucoup de buts, ont eu une très belle saison. Nous on était là, on s'est accroché. On est solide dans les matches. On est très fier de ce qu'on a fait. On a su obtenir 20 victoires, on a battu des records, c'est super intéressant et c'est la conséquence de ce qu'on fait les joueurs sur le terrain. On est très fier, très content, c'est une très belle année, une très belle saison. L'équipe a atteint un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 2015 où à l'époque il y avait une équipe confirmée (Didier Drogba, Marco De Vaio, Ignacio Piatti, Matteo Ferrari, Laurent Ciman ...), un contexte qui n'a rien à voir avec nous actuellement vu qu'on est une équipe plus jeune et en devenir.

FM : malgré tout, vous avez quelques joueurs expérimentés comme Kei Kamara qui a beaucoup d'années en MLS derrière lui ou encore Victor Wanyama qui a disputé une finale de Ligue des Champions avec Tottenham ...

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WN : "le Kei" est arrivé en tout début d'année, quelques semaines après la fin de la préparation. C'est un joueur qui a su se fondre dans l'équipe, le projet de jeu et a su apporter son expérience ainsi que son goût pour la compétition. Il a connu beaucoup de clubs et ce que j'ai apprécié avec lui c'est que dès le début tout a été clair. Il n'était pas forcément dans le projet d'entrée, car il n'a pas le profil qu'on recherche habituellement. Mais avec beaucoup d'humilité, il a compris ce qu'on voulait mettre en place et qu'il joue 2 minutes ou 90 minutes, il est toujours opérationnel. Il y a aussi Victor Wanyama qui est là depuis 3 ans. Encore une fois, c'est un joueur important avec beaucoup d'humilité et d'ambition ainsi qu'un leader technique qui montre des valeurs sur le terrain que ce soit dans le jeu, dans l'attitude et même à l'entraînement. Ces deux joueurs nous ont aidés ainsi que Rudy Camacho, qui est un défenseur central français avec de l'expérience et qui a apporté de la sérénité.

FM : en tant que coach, c'est important d'avoir ces relais d'expérience ?

WN : oui bien sûr, ils sont exemplaires dans leur façon de s'entraîner. Vu que je suis quelqu'un qui n'aime pas être dans les suppositions, j'aime les choses factuelles et grâce à leur travail quotidien, ça me permet de montrer des exemples au bon joueur pour qu'ils atteignent ce niveau et pourquoi ils sont constants. Il n'y a pas que le terrain, il y a ce qui se passe en dehors avec la séance d'entraînement, mais aussi ce qui se passe après. C'est quelque chose de factuel, de visuel pour les jeunes joueurs et je m'appuie sur eux. Ils ont l'humilité nécessaire de vouloir progresser. On dit souvent que les joueurs d'une trentaine d'années ne progressent plus vraiment, mais ça c'est faux. Je peux le garantir, Victor Wanyama a progressé dans son jeu, sur des nuances et des spécificités de son jeu. Les autres joueurs aussi, c'est du bonheur.

«avoir des idées, tout le monde peut en avoir, mais après ce qui compte c'est comment tu vas convaincre les joueurs d'aller dans la destination que tu veux.»

FM : revenons un peu plus sur votre carrière, comment est arrivée l'opportunité Montréal pour vous ?

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WN : (rires) j'étais dans mon dernier club à Orléans, j'avais l'occasion de revenir dans le sud de la France - je suis originaire de Toulon - et j'avais la possibilité de jouer en CFA-CFA 2 (N2-N3) avec reconversion comme coach derrière. J'ai de la famille un peu partout dans le monde et je savais qu'à un moment je partirais à l'étranger. J'avais ma mère et ma sœur qui habitaient à New-York et niveau football ce n'était pas si facile d'obtenir des papiers et j'ai un ami qui était à Montréal. Je suis venu en vacances en 2005 au mois de mai. J'ai rencontré quelques personnes et j'ai tenté. J'ai fini la saison à Orléans et je suis arrivé en août 2005 et je savais que j'allais rester ici. J'ai joué 3 mois au niveau universitaire puis j'ai entraîné les différentes catégories. Je le faisais déjà en France les mercredis et quand je ne jouais pas. L'idée c'était de monter une académie à Montréal. J'ai été contacté pour le faire, j'ai participé avec un Français Philippe Eullaffroy et d'autres personnes en 2010. Montréal ne jouait pas encore en MLS. Le propriétaire a acheté le club en 2012 pour qu'il accède en MLS. J'ai évolué au sein de l'académie pour devenir coach adjoint en 2015.

FM : en tant qu'adjoint vous avez côtoyé deux coachs français, Rémi Garde et Thierry Henry, qu'est-ce que vous retenez d'eux ?

WN : c'était top, Rémi Garde je le connaissais de nom et de réputation, mais je ne l'avais jamais côtoyé personnellement. Il a voulu me rencontrer à son arrivée. À l'époque je pensais quitter le club, j'avais envie de voir autre chose et après 20 minutes, je savais que s'il le souhaitait, je voulais continuer au club avec lui. C'est un gars extraordinaire, compétent et on partage ce goût pour la formation. Il a amené le staff de Lyon et j'étais comme le petit nouveau. Il a amené des gens superbes comme Joël Bats et je suis toujours en contact avec eux. Après, le métier est impitoyable, la deuxième année on a loupé les playoffs et le club a décidé de changer. J'ai passé des moments exceptionnels humainement et sportivement avec ce staff. Je reste en contact avec Rémi et les autres. Thierry est arrivé, je le connaissais de Monaco puisque je l'ai affronté avec Toulon, on était encore en contact. Thierry, quand il est arrivé, il est comme il est. Un grand amoureux de football. Par contre le contexte était compliqué, c'était en période de pandémie de Covid-19 et on avait été exilé trois mois à New York. On était éloigné de nos familles, ce n’était pas évident. C'est un passionné, un ami avec qui on peut parler des heures de football. On a eu de bons moments et il a décidé de partir pour des raisons personnelles.

FM : avoir pour coach Thierry Henry légende mondiale qui a été une des premières stars à débarquer en MLS, ça a dû être quelque chose d'incroyable pour les joueurs ...

WN : Thierry il avait joué en MLS et bien entendu il est connu mondialement. Il est unique, il y avait beaucoup de respect et il a amené des idées intéressantes footballistiquement ainsi qu'une exigence au quotidien. Les joueurs disaient à la base "Mr Henry" et au fur et à mesure ils se sont libérés pour mettre en place les idées du coach. Au début, il y a du stress de la part des joueurs de faire des erreurs devant lui, mais après ils étaient bien plus libérés.

FM : ensuite vous avez eu votre chance comme numéro un, comment s'est passée cette transition ?

WN : je m'étais préparé, j'ai commencé depuis l'académie à devenir entraîneur numéro un, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Quand Olivier Renard, le directeur sportif est arrivé, il a senti que je pouvais remplir le mandat et j'ai pris la suite. Je n'ai pas eu le temps de redescendre de mon nuage et j'ai été plongé dans la préparation. Avec mon expérience à l'académie, d'avoir connu différents coachs et vécu beaucoup de moments avec l'équipe première, je ne me suis pas mis de stress et ça s'est enchaîné naturellement.

FM : d'avoir côtoyé autant de coachs ça a dû être un plus pour aiguiser son projet de jeu lors des précédentes saisons ?

WN : ça a été extraordinaire, je savais que j'allais devenir entraîneur depuis longtemps. Je prenais déjà des notes à 23-24 ans quand j'étais joueur. Ce qui a été révélateur avec les pros, c'est que pour moi, pour devenir entraîneur, il fallait tout savoir. Et bien non, les coachs des équipes premières ne savent pas tout. Chacun à ses qualités et il fallait que je continue d'étudier, définir mon projet de jeu, mon idéologie. J'ai pris des notes avec des coachs qui étaient différents dans la personnalité et l'idéologie. Je me rends compte que le football que je développais à l'académie est le même qu'avec l'équipe première. La différence c'est la pression et que le jeu va beaucoup plus vite. En étant assistant, je me suis rendu compte que le coach avait les mêmes problématiques que le coach U16, U18, U19, U23... Sauf que maintenant c'est multiplié par 100, car il y a la pression médiatique, le contrat derrière et il faut gérer tout ça. On est dans une génération qui a vu Guardiola, un coach apparemment offensif et Mourinho, un coach apparemment défensif, qui ont tout les deux gagné. À la fin de la journée, l'entraîneur doit avoir ses idées et amener sa clarté, mais après il doit amener sa personnalité. Thierry Henry est différent de Rémi Garde dans le management. Jesse Marsch est différent de Rémi Garde. Thierry Henry à une philosophie bien différente de celle de Wilmer Cabrera. Chacun a son idée et n'importe quel football peut gagner. Ça a été une révélation pour moi : il faut que tu aies ton idée et ensuite il faut convaincre avec ton management. Avoir des idées, tout le monde peut en avoir, mais après ce qui compte c'est comment tu vas convaincre les joueurs d'aller dans la destination que tu veux.

«Ma vision et mon idéologie sont dans ça : comment on peut faire pour gagner un temps d'avance ? »

FM : vous avez dit Guardiola est un coach “apparemment offensif” et Mourinho est un coach “apparemment défensif”. J'aime bien cette nuance, car avant toute chose un bon coach doit être prêt pour toutes les situations ...

WN : il y a deux écoles, Guardiola dit "si on attaque bien on défend bien" et Mourinho dit "si on défend bien on attaque bien". Les deux sont connectés et il ne faut pas le dissocier. Ça a été révolutionnaire quand j'étais adjoint avec les différents coachs que j'ai eus, c'est d'avoir une clarté dans la vision que l'on a. À partir du moment que l'on a ça, ce sera beaucoup plus facile pour les joueurs de s'exprimer. Le management c'est ça qui fait la différence. On est là pour les aider à mettre des situations en place : comment attaquer, comment défendre, je crois, en des préceptes que l'on doit mettre en place et pas en "on attaque/on défend". Je les mets en place pour que les joueurs soient capables de les reconnaître et savoir les mettre en place comme il le faut.

FM : la saison s'est bien passée, mais l'année précédente vous avez remporté la Coupe Canadienne. Remporter un titre, ça doit être un sentiment assez particulier ?

WN : bien entendu c'est toujours bien. Je dis souvent que je respecte la défaite. À la fin, il n'y a qu'un seul gagnant, cela ne veut pas dire que les autres ont été mauvais. Oui on a gagné le titre-là la saison dernière, mais on a aussi eu une saison intéressante alors que les observateurs nous plaçaient derniers dans les pronostics. C'était tout à fait normal, les joueurs étaient méconnus et j'étais inconnu comme entraîneur. Petit à petit, on a gagné le respect grâce à notre projet de jeu. Dès le premier jour que j'ai pris l'équipe en main, j'ai dit : «les gars, on n'a pas de joueur désigné ici - on en a un seul Victor Wanyama - on n'investit pas sur des grandes stars, mais on croit au jeu. Et c'est le jeu qui nous fera gagner des matches.» C'est une fierté, à Montréal nous sommes reconnus pour notre style de jeu. C'est ce que je voulais, on ne pouvait pas combattre avec les noms. On parle de nous comme une équipe attractive avec un style de jeu complet où on essaye de dominer l'adversaire. Je suis fier de ça, on est reconnu grâce à notre projet de jeu.

FM : déjouer les pronostics par le jeu c'est quelque chose de plus en plus fréquent. On est loin du petit qui verrouille. En France, Lens avec Franck Haise ou Lorient avec Régis Le Bris, il y a ces exemples qui montrent que les idées peuvent être plus fortes que les moyens ...

WN : exactement, le football a évolué et les entraîneurs sont beaucoup plus courageux. Pas qu'ils ne l'étaient pas avant, mais dans l'utilisation du ballon, il y a plus de risques. Je suis toujours beaucoup le championnat français et les différents championnats, car j'aime ça et l'exemple de Lens depuis que Franck Haise a pris l'équipe c'est cohérent. Que ce soit dans le jeu où aux différents étages de la pyramide, il y a une logique dans ce qu'ils mettent en place. Par rapport à Lorient, c'est la même chose. Le Bris est venu il y a quelques années à Montréal passer quelques jours et on a pu discuter un peu de ses idées. Je suis fier qu'on soit parvenu à mettre en place mon projet de jeu à Montréal et qu'on soit respecté pour cela par toute la Ligue. Je suis d'autant plus fier, car on a des résultats par rapport à cela. Je ne le fais pas parce que ça fait bien de bien jouer. Mais d'ailleurs, c'est quoi bien jouer ? Le beau jeu, ça veut tout et rien dire. La vision que j'ai, c'est de jouer comme ça, car c'est notre meilleure chance de gagner. Quand un entraîneur construit son projet de jeu, c'est parce qu'on a eu des ancrages positifs jeunes sur notre façon de vivre et de jouer. Quand j'étais joueur, j'étais un défenseur central peu rapide et je m'appuyais sur les autres joueurs pour combiner. J'y prenais beaucoup de plaisir et c'est pour cela que dans ma vision, j'ai besoin d'avoir une dynamique collective intéressante pour que mon équipe s'exprime et puisse amener de la créativité. C'est pour ça que j'ai beaucoup d'émotions quand je vois mon équipe manipuler l'opposition pour marquer un but. Et en même temps, j'ai beaucoup d'émotions de voir mon équipe marquer en deux passes. Pourquoi faire 15 passes si l'équipe adverse ne défend pas bien ? Par contre si l'opposition défend bien, on n'a pas de problème à la manipuler pour trouver un temps d'avance afin de marquer. Ma vision et mon idéologie sont dans ça : comment on peut faire pour gagner un temps d'avance ?

FM : on constate surtout que le joueur moderne est de plus en plus un joueur cérébral, à qui on lui demande tout faire ...

WN : bien sûr, le jeu va plus vite, les équipes vont plus vite et défendent mieux donc on doit trouver un temps d'avance. Il y a la qualité du joueur, mais il y a aussi plus de temps qu'on le pense. On a besoin d'avoir des joueurs qui réfléchissent, mais il y a trois mots qui sont importants dans les joueurs que je recherche. Le premier, c'est effort et il n'est pas négociable. Les joueurs doivent être capables de faire l'effort et d'avoir l'envie. Je n'ai pas envie de perdre du temps pour convaincre le joueur de faire les efforts. C'est pour ça que dans mes discours, je parle peu du fait de se battre, de courir. Si un joueur ne court pas, il ne peut pas jouer, s'il ne se bat pas non plus. Le deuxième mot, c'est le courage, être courageux, audacieux. Pourquoi ? Car dans le projet que je souhaite mettre en place, je mets en danger l'égo du joueur. Parce qu'on essaye de manipuler l'opposition et cela demande de prendre des risques. Plus mon joueur va être audacieux, plus on va être capable d'éliminer des lignes et d'avoir un temps d'avance. Cela implique aussi le fait que le joueur va commettre des erreurs. Il se peut que l'on se prenne un but après cette erreur et l'égo est en danger. Quand l'égo est en danger, qu'est ce qu'il se passe ? On ne demande plus la balle, on se cache, on ne fait plus d'efforts... Du coup, je travaille sur ça avec les joueurs, je crée un environnement pour qu'ils soient en confiance et que grâce à cette erreur, je vais pouvoir m'ajuster. Pour moi, il n'y a pas d'erreur, mais une opportunité de recommencer en mieux. C'est ce que j'inculque à mes joueurs. Le dernier mot, c'est la réflexion, le cerveau. Être capable d'appliquer les nuances que j'apporte dans mon projet. Je vais toujours féliciter un joueur quand il fait un effort avant d'apporter une critique. Mais quoiqu'il arrive, l'effort est non négociable.

«Mon idéologie que je présente à mes joueurs, c'est la créativité à l'intérieur de la structure.»

FM : quels coachs vous ont servi de modèle et d'inspiration ?

WN : j'ai eu Guardiola, car j'ai 45 ans et ce qu'il a fait depuis 15 ans c'est extraordinaire. J'ai adoré ce que d'autres entraîneurs ont fait. Après j'aime le pressing de Klopp, la folie de Bielsa, j'aime le jeu de De Zerbi, j'étais tombé sur ses matches quand il coachait Foggia en Italie par hasard et depuis je le suis. Je prends un peu de tout de chaque entraîneur leurs spécificités. Au niveau du pressing, Roger Schmidt ce qu'il a fait à Salzbourg c'était extraordinaire. J'étais tombé sur un match avec des latéraux qui pressaient haut dans un 4-4-2 et c'était exceptionnel. J'aime la folie de Sampaoli, j'aime Mourinho sur ce qu'il a fait défensivement avec l'exemple Samuel Eto'o latéral droit contre Barcelone. Je n'ai pas un entraîneur précis, mais ils m'ont tous marqué différemment dans leur pressing, leur façon d'attaquer, leur transition défensive, leur relance, on parlait beaucoup de Ricardo La Volpe, je suis tombé il y a une quinzaine d'années sur ses matches. Je suis intéressé par le championnat japonais, car ils ont cette culture de la discipline. Je me suis dit qu'un jour ce serait bien d'aller en Asie, car ce que tu voudras mettre en place, ils seront capables de le faire. Quand on s'intéresse au football asiatique, on remarque que "ça pue le football". J'aime aussi beaucoup Sarri et ce qu'il a fait au Napoli ou encore Ancelotti. Pour moi, c'est le coaching moderne. Quand il demande à Modric et Kroos de le conseiller en Ligue des Champions avec le Real Madrid, je ne suis pas surpris de ça, je crois en ça. Quand on s'intéresse aux autres sports, ça fait des années que ça existe. Gregg Popovich (coach des Spurs de San Antonio ndlr), ça fait des années qu'il procède ainsi. Steve Kerr aux Golden State Warriors fonctionne aussi comme ça. Bien sûr avant d'arriver à cela, il faut placer les banderilles comme il faut, mais après c'est de l'autonomie, de la structure, j'aime beaucoup jouer sur ces leviers-là. Mon idéologie que je présente à mes joueurs, c'est la créativité à l'intérieur de la structure. C'est ce que j'appelle mon projet de jeu. C'est important d'avoir une structure pour laisser parler sa créativité. On ne peut pas avoir de la créativité sans structure. C'est pour cela que c'est important d'avoir une structure bien établie pour que le joueur puisse s'exprimer à l'intérieur. J'appelle ça un "bordel bien organisé", c'est ma vision, c'est ce que j'aime mettre en place et que j'ai mis en place avec mon équipe.

FM : sur le plan individuel comment a été accueilli cette magnifique saison de Montréal par les observateurs ?

WN : je suis en lice parmi les trois finalistes pour être meilleur entraîneur de la Ligue (avec Steve Cherundolo de Los Angeles FC et Jim Curtin de Philadelphia Union ndlr). Si ça doit arriver tant mieux, ce serait la première fois en MLS qu'un coach d'une équipe canadienne recevrait cette récompense et par rapport à mon parcours où ça ne fait que deux ans que je suis entraîneur numéro un. Si je ne gagne pas, ce sera quand même superbe et l'an dernier, j'ai terminé 5e sur 24 entraîneurs.

FM : vous-êtes en fin de contrat à l'issue de la saison, comment voyez-vous les choses ?

WN : je sais ce que je veux, j'ai un objectif clair et défini, que ce soit dans ma vie privée où je suis bien entouré et sur le terrain aussi. Je ne me projette pas, on a un métier à durée déterminée, je me concentre sur la fin de la saison et les objectifs à atteindre. J'ai toujours été respectueux de Montréal, ma famille est ici, mes enfants y sont nés, je m'éclate sur le terrain et je mets en place ce dont j'ai envie. Le futur je ne le connais pas donc je me concentre sur la fin de la saison et on verra ensuite quel sera mon futur.

«On est dans la bonne direction en vue de la Coupe du monde»

FM : de plus en plus de joueurs passent de l'Europe à la MLS depuis une bonne dizaine d'années, est-ce que la bascule est si évidente ?

WN : ça fait depuis 2010 que je suis au club, depuis 2015 avec l'équipe première, j'ai vu beaucoup de joueurs européens arriver en MLS en se disant que ça allait être facile, mais ils se sont rendus compte que le championnat progresse d'année en année et les voyages sont difficiles. Le Canada et les États-Unis c'est très grand. Quand on joue à Los Angeles, c'est 6 à 7 heures de vol pour 3 heures de décalage horaire. Les joueurs européens ne sont pas habitués à cela. Le championnat devient de plus en plus connu internationalement. La qualité du jeu progresse. Tactiquement, c'est de plus en plus intéressant. Un joueur qui débarque d'Europe doit en être conscient sinon il peut être en difficulté. Il y a de la vélocité et de la vitesse chez le joueur nord-américain, mais aussi de plus en plus de réflexion. Ce sont des joueurs complets et je ne serais pas surpris que dans le futur des joueurs issus de la MLS réalisent de très bonnes carrières en Europe.

FM : la MLS a changé son approche depuis 10 ans et mise davantage sur des jeunes avec des Ricardo Pepi, Gabriel Slonina ou encore Cade Cowell, comment avez-vous ressenti cette évolution ?

WN : la MLS à pris un visage à 180 degrés par rapport à ça. Pour faire connaître la Ligue, ils avaient besoin de joueurs en fin de carrière. Là, la Ligue grandit et devient meilleure. Il y a des jeunes méconnus en Europe qui arrivent d'Amérique du Sud et des académies et qui participent à cette progression. À l'époque, le reproche que je faisais c'est que soit les équipes attaquaient bien, soit elles défendaient bien. Aujourd'hui, depuis 5-6 ans, les équipes ont plusieurs animations tactiques, sont adaptables, se modernisent, le coaching s'améliore et ça devient plus intéressant tactiquement. C'est aussi pour ça que la MLS s'est dirigée vers des joueurs plus jeunes, car le jeu va beaucoup plus vite. Pour rester dans cette dynamique et pour fournir de l'engouement il fallait tendre vers ça. La MLS a les moyens économiques, mais aussi les idées qui font que le football se développe très rapidement.

FM : il y a de plus en plus de coachs qui utilisent la MLS comme un laboratoire tactique avant de débarquer en Europe. Il y a le coach de Leeds United Jesse Marsch qui avait un gros travail dans la galaxie Red Bull, mais aussi Patrick Vieira et Thierry Henry pour les techniciens français. Est-ce que vous vous inscrivez dans cette lignée ?

WN : avec Thierry, on a fait du bon travail quand il était là puis il a décidé de partir pour des raisons personnelles. J'ai repris le flambeau et je m'éclate tactiquement. Le football se modernise. On a beaucoup de clubs qui sont affiliés avec l'Europe. Il y a plus de scouts désormais, car on a des talents qui coûtent moins cher qu'en Europe. Je ne suis pas étonné qu'un Alphonso Davies brille en Europe, il y a Ricardo Pepi qui est intéressant, Jonathan David qui joue à Lille... Il y a de très bons joueurs et en tant que coach c'est un régal. Par rapport à mon projet de jeu, il y a de la réflexion et je prends beaucoup de plaisir à multiplier les animations avec des joueurs qui ont une grande réflexion. En MLS, il y a de plus en plus d'équipes intéressantes sur le plan tactique. Je vois la différence entre ma première année en adjoint et maintenant, c'est comme en Europe.

FM : les USA, le Canada et le Mexique vont accueillir la Coupe du monde 2026, qu'est-ce qui a été mis en place au niveau de la formation dans cette optique ?

WN : il y a beaucoup de formation au niveau des entraîneurs, la licence professionnelle a été mise en place en MLS et au Canada. Il y a aussi eu un changement au niveau de la structure et des académies. Il y a des académies qui travaillent bien et font des tournées dans le monde entier. Il y a des partenariats avec des clubs européens comme le Bayern Munich avec Dallas ou nous à Montréal avec Bologne. Ça progresse, les stades sont impressionnants, extraordinaires. J'ai eu le plaisir de travailler avec Rémi Garde, Rémi Vercoutre, Joël Bats ou Robert Duverne. Quand ils sont venus à Montréal, ils ont été impressionnés par les stades et les centres d'entraînement. Les stades sont remplis régulièrement. Les gens sont là, ils adhèrent et ils ont hâte de la Coupe du monde. C'est un endroit en devenir pour le football. Les installations sont extraordinaires partout, il n'y a pas ça en France. On est dans la bonne direction en vue de la Coupe du monde. En 2010 c'était compliqué de suivre la MLS, plus maintenant.

FM : comment voyez-vous se dérouler ces playoffs ?

WN : c'est comme la Ligue des Champions. J'accorde beaucoup d'importance au championnat où il y a 34 matches et les voyages sont longs. Je suis très content de ce qu'on a fait dans ce championnat. Les playoffs maintenant, ce sont des matches secs, il n'y a pas d'aller-retour cette année. On veut aller le plus loin possible, on n’a peur de personne et on respecte tout le monde. On va jouer notre football et on espère que les astres vont s'aligner. Je ne crois pas en la chance dont on va tout faire pour la provoquer avec notre travail. Le gagnant de la Ligue des Champions n'est pas forcément le meilleur, il y a plein de facteurs qui entrent en compte. C'est pour ça qu'on y va libéré, confiant, avec ambition et humilité et on verra comment ça va se passer. Montréal c'est un club jeune et on veut donner des émotions à nos fans. Je suis fier de cette équipe.

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