On a visité l’exposition « Foot et monde arabe, la révolution du ballon rond », à l’IMA

Par Mathieu Rault
6 min.
Larbi Ben Barek est représenté sur l'affiche de l'exposition qui trône devant l'IMA @Maxppp

Depuis le 10 avril et jusqu’au 21 juillet 2019, se tient à l’Institut du monde arabe, à Paris, l’exposition « Foot et monde arabe, la révolution du ballon rond ». Un voyage en onze histoires, d’émancipations, de luttes, de rêves, de passions, de rivalités, de résistances, de démesures et d’unions malgré les différences. Autant de facettes d'un monde aux richesses multiples, en perpétuelle (r)évolution. Foot Mercato est allé voir.

Les ouvriers s'empressent de terminer l’installation du city stade sur le parvis de l’Institut du monde arabe (IMA), déposé entre la Seine et l’Université de la Sorbonne, dans le Ve arrondissement de Paris. Destiné à accueillir, contre quelques euros et sur réservation, les amateurs de 5 contre 5 à partir de ce samedi, le rectangle vert suggère l’entrée de l’exposition « Foot et Monde arabe, la révolution du ballon rond », qui se tient jusqu’au 21 juillet prochain. Un parcours initiatique en onze parties, comme les onze titulaires d'une équipe, pour comprendre les enjeux politiques et sociaux structurant le monde arabe depuis le début du 20ème siècle. On se faufile à l’intérieur, surpris de ne pas avoir à s’acquitter des 6 euros demandés pour entrer. Pour son lancement, jusqu’au dimanche 14 avril, l’exposition est gratuite.

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Tout se passe au premier étage, où l’antichambre de l’exposition invite d’emblée à ouvrir grand les yeux. Des maillots biffés de quelques signatures, des sélections du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Egypte surplombent les visiteurs. Plus ancien, celui du Koweit – porté lors du match disputé face à la France lors du Mondial 82 -, comme les trophées de l’« Afro-Asian Cup of Nations », rencontre organisée entre le vainqueur de la CAN et celui de la Coupe d’Asie de 1985 à 2007, et celui de la « Coupe d’Afrique du Nord », disputée entre Algérie, Maroc et Tunisie de 1930 à 1956, vestige du passé colonial français, apparaissent comme des reliques.

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Clubs et joueurs de légende du monde arabe

Voyage dans le temps, l’exposition traverse les régions et les époques. Les pionniers du football arabe, comme le talentueux et oublié Larbi Ben Barek (1), star franco-marocaine de l’OM et de l’équipe de France mis en lumière par de sublimes archives du Miroir des sports, les exilés du Championnat de France Rachid Mekhloufi, Mustapha Zitouni et Abdelaziz Ben Tifour, partis un matin d’avril 1958 fonder la première équipe national de l’Algérie indépendante (2), ou le légendaire Nejmeh SC (3), club du Liban dont les supporters cherchent aujourd’hui à préserver l’identité malgré des tentatives de récupérations religieuses et politiques.

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Intermède ludique, une cabine de commentateurs sportifs attire l’œil des enfants présents ce jour-là. La jeune génération tente de travailler son verbe ultra-rapide devant les images des exploits de Jaziri, Madjer et Salah. Originaire de Béjaïa, en Petite Kabylie, Zinedine Zidane est au cœur du quatrième chapitre de l’exposition, dédié aux Champions du Monde. Les trophées glanés par les Bleus à Saint-Denis et à Moscou sont dans la lumière. De même que les tenues portées par le double Z face à l’Arabie Saoudite en phase de poules du Mondial 98, rencontre lors de laquelle il avait été expulsé pour un coup de sang (4).

Le foot comme instrument diplomatique, politique et social

Après être passé devant deux écrans géants dédiés à la gloire éternelle du Real Madrid, on pénètre dans une salle partagée entre présent et avenir. Pionnières du football féminin – « véritable outil d’émancipation, qui joue un rôle majeur pour la condition féminine dans le monde arabe » – la Jordanie et la Palestine, cette dernière représentée par sa capitaine emblématique Honey Thaljieh, laissent leur empreinte sur l’un des murs (5). En face, autre lieu, autre sujet, « la plus grande nation de football du monde arabe » est mise en lumière à travers le derby du Caire. L’Egypte voit s’affronter dans sa capitale Al Ahly, lié aux classes populaires, et le Zamalek, club des élites coloniales (6).

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Un autel à la gloire d’Essam El Hadary, dinosaure de la sélection égyptienne qui a raccroché les gants à tout juste 45 ans, nous permet d’admirer son attirail. Mohamed Salah est également l’une des attractions de ce pan de l’histoire du football égyptien. De l’autre côté de la pièce, le grillage est oppressant. Tel est le but. Le 7e chapitre rappelle au visiteur que, « malgré tout », le football se pratique chaque jour en Palestine. Les photos d’Amélie Debray et l’œuvre de Khaled Jarrar, artiste installé à Ramallah qui utilise la pierre qui a servi à ériger la barrière de séparation israélienne pour réaliser ses sculptures, racontent une autre histoire (7).

Les Ultras et les printemps arabes

La révolution qatarienne, sur et en dehors du terrain, avec la première victoire de la sélection en Coupe d’Asie des nations cette année et l’organisation de la Coupe du Monde en 2022, la première dans un pays arabe, « en dépit des scandales », sert de trait d’union entre révolution des peuples et révolution industrielle. Les maquettes des huit stades sortis du désert pour accueillir les rencontres du prochain mondial sont illuminées (8). Pour accéder au chapitre suivant, nouveau parcage. Celui des ultras. Premiers acteurs des soulèvements initiés dans les pays arabes, à l’image des Ultras Ahlawy et des White Knights de Zamalek, venus défendre les contestataires de la place Tahrir. Les événements récents survenus en Algérie y font écho.

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Alors que l’on se dirige vers la sortie, la force des photos mettant en scène les proches des 21 ultras de l’Al-Masry de Port-Saïd condamnés à mort après le drame de 2012 qui a coûté la vie à 72 supporters d’Al Ahly nous rappelle que le football du monde arabe a lui aussi son lot de drames. Le dixième chapitre détonne, alors que le onzième et dernier rappelle la richesse du football du monde arabe, bien au-delà du sport. L'exposition propose en fin de parcours de prendre la place du coach et de réaliser son onze de rêve. Synthèse du passé et du présent. Quand Ali Benarbia côtoie Zinedine Zidane, Rachid Mekloufii, Mido et Larbi Ben Barek.

Les pays arabes ont façonné le football à leur image : passionné, engagé et talentueux. L'exposition « Foot et monde arabe, la révolution du ballon rond » n'est pas différente.

Les onze temps forts de l'exposition

1 - Larbi Ben Barek, une légende du football |
2 - Le FLN : l’équipe de l’Indépendance |
3 - Le Nejmeh SC : le football au cœur du Liban |
4 - 1998-2018 : d’une étoile à l’autre |
5 - Le football féminin en Jordanie |
6 - Le Caire et le football, entre passion et déraison |
7 - Palestine, le football malgré tout |
8 - Objectif Qatar 2022 |
9 - Les ultras et les printemps arabes |
10 - Le Paris Saint-Germain, au-delà du sportif |
11 - Le XI de légende du monde arabe.

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