Droits TV, Amazon : l’opération séduction est lancée
Envoutée par le chant des sirènes à l’automne 2018, la LFP cédait à Mediapro une bonne partie des droits de la Ligue 1 pour un somme astronomique de 795 M€ (1,153 M€ au total avec le lot remporté par BeIN Sports). Un montant record s’avérant finalement oiseau de mauvais augure, un "milliard aux alouettes" plongeant le football français dans une tempête sans précédent. Face au naufrage du navire sino-espagnol, Amazon incarne dès lors ce changement de cap tant attendu, mais le chemin est encore long pour séduire tout le monde.

Ces derniers mois, les droits TV pour le football français ressemblent à un vaste jeu de chaises musicales. La débâcle Mediapro, l’intérim Canal +, place désormais à Amazon. Moyennant 259 millions d’euros annuels, le géant américain du numérique a ainsi décroché la diffusion de 80% des matches de Ligue 1 et de Ligue 2 pour la période 2021-2024. En présentant son offre le 11 juin dernier, le mastodonte du commerce en ligne ne s’attendait très certainement pas à récupérer les droits abandonnés par Mediapro.
Et pour cause, Canal + se présentait comme le grand favori à une éventuelle reprise. Une manœuvre de la LFP qui pour bon nombre d’observateurs visait ainsi à faire payer l’assurance débordante de la chaîne cryptée. Pour protester, cette dernière - détentrice de deux affiches acquises en 2018 pour 332 M€ chaque saison - a d’ailleurs annoncé qu’elle cesserait de diffuser le championnat de France souhaitant une renégociation des lots et des matches en lien avec son allié BeIN Sports. Dans ce climat aussi flou que délétère, Amazon fait donc son irruption.
Le temps presse pour Amazon
Excepté un énième retournement de situation et sans savoir ce que deviendra réellement le lot numéro 3 (deux matches par journée) détenu par beIN Sports, mais sous licencié par Canal +, Amazon sera donc le principal diffuseur des championnats français pour les trois années à venir. Mais à dix jours seulement du début de la saison de Ligue 2 prévu le 24 juillet prochain (le 8 août pour la Ligue 1), le nouvel entrant sur le marché du football français va devoir accélérer la cadence, notamment sur le plan technique.
Un vrai casse-tête pour Alex Green, le patron des sports d’Amazon Europe, qui a cependant levé le voile sur plusieurs éléments ce mardi. S’apprêtant à diffuser plus de 300 matches de Ligue 1 - autant en Ligue 2 - Amazon ne disposait pas de chaîne à part entière. Comment les téléspectateurs allaient-ils recevoir les matches ? Cette question devait être rapidement réglée et c’est désormais chose faite car mardi, Alex Green a annoncé le lancement de «Prime Video Ligue 1» pour le 1er août et le Trophée des Champions, entre le LOSC et le Paris Saint-Germain. Et les amateurs de Ligue 2 auront aussi le droit d’assister au début du championnat en clair avec la co-diffusion du multiplex du samedi à 19h sur La Chaîne L’Équipe pour les premiers mois.
Un abonnement à un peu moins de 19€/mois
Un premier flou déjà levé, mais une grosse interrogation taraudait forcément l’esprit du grand public : celle du prix. Quelle grille tarifaire allait choisir le géant américain ? Sur ce sujet, différentes pistes étaient explorées, mais avec une annonce officielle hier, Alex Green a encore mis fin au suspense. En plus de l’abonnement Amazon Prime, qui permet d’accéder à la livraison rapide et au service Amazon Prime Video et qui est à 49€/an ou 5,99€/mois, il faudra débourser 12,99 euros mensuels pour visionner les matches de l’Hexagone dans les prochaines années.
Un service sans engagement, mais pour y accéder, il faudra avant tout être membre d’Amazon Prime, ce qui, pour faire court, ferait l’abonnement à un peu moins de 19€ tous les mois pour regarder la Ligue 1 et la Ligue 2 à partir du mois d’août. «La Ligue 1 est un investissement essentiel pour Amazon. Nous pensons que le prix est juste pour les consommateurs. C’est un tarif attractif, une offre à laquelle les supporters peuvent accéder n’importe où et qu’on peut résilier à tout moment», avait justifié Green.
Un séduisant casting en approche ?
Alors pour lancer son opération séduction et récupérer des abonnés, quoi de mieux qu’un recrutement de qualité ? Une équipe de journalistes/consultants qui a d’ailleurs plutôt séduit le grand public lors de Roland Garros, diffusé par Amazon cet été en France. Dans cette perspective, L’Équipe avançait ainsi plusieurs têtes d’affiche. Si Laurent Jaoui, proche du départ à Canal +, est pressenti dans le rôle de rédacteur en chef, le géant du numérique voulait aussi s’attacher les services de Smaïl Bouabdellah - présentateur du « 13H Smaïl » sur La Chaîne L’Équipe pendant l’Euro - (également courtisé par Canal +) et de Thibault Le Rol, déjà présent du côté de la porte d’Auteuil. Deux journalistes issus de la rédaction «Téléfoot La Chaîne», qui ont eu les faveurs du recrutement Amazon puisque Green a confirmé leur présence sur les antennes, avec également Julien Brun.
Après son récent départ de Canal+, Karim Bennani pourrait lui aussi rejoindre le nouveau diffuseur de la Ligue 1. Des profils fédérateurs possédant, de par leur parcours, une très bonne connaissance des championnats français. Enfin, à l’aune de leur politique internationale en termes de retransmissions sportives, Amazon souhaite également féminiser son antenne. Et ça sera le cas avec Marina Lorenzo, déjà recruté. En attendant d’autres femmes ? Dans des propos relayés par L’Équipe, Laurie Delhostal, ancienne présentatrice sur Canal +, avait évoqué le sujet Amazon : « oui, j’ai parlé avec Amazon, mais pour l’instant je n’ai rien de plus à dire… En tout cas, leur démarche et leur philosophie sur la couverture éditoriale de la Ligue 1 sont intéressantes. Cela va faire bouger les choses. Cette fois, c’est sérieux, et un nouvel acteur de ce type qui rentre dans le milieu, ça peut être vraiment positif pour le football français. » Le nouveau visage d’Amazon commence donc à se dessiner, mais le chemin est encore long et il reste du travail…