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Jérémy Pied : «c’est à l’athlète de prendre conscience de son argent»

Ancien joueur passé par l’OL, Nice ou encore le LOSC avec qui il a été champion de France en 2021, Jérémy Pied s’est reconverti dans la gestion et l’accompagnement de projets entrepreneuriaux auprès de sportifs encore en activité ou à la retraite en intégrant le cabinet M&C Associés. Un nouveau métier qui lui permet de conserver une attache dans le milieu dans lequel il a toujours évolué tout en ayant un rôle social à un moment charnière dans la vie d’un athlète.

Par Maxime Barbaud
10 min.
Jérémy Pied en pleine conférence de presse @Maxppp

Retraité des terrains depuis trois ans maintenant, Jérémy Pied passe son temps entre sa famille, le plaisir de jouer avec l’équipe réserve de l’OGC Nice et une nouvelle aventure entrepreneuriale. La petite mort du sportif, souvent redoutée chez les athlètes de haut niveau, l’ancien latéral désormais âgé de 36 ans ne l’a pas vraiment connue. Il a rapidement commencé à réfléchir à ce qui allait se passer après, au point d’en faire son nouveau métier. Depuis quelques semaines, il est devenu associé à part entière de M&C Associés, cabinet spécialisé dans l’accompagnement et la gestion de projet d’entreprise auprès des sportifs aux carrières courtes. Un besoin important à l’heure où les athlètes réfléchissent plus tôt à la retraite sans avoir toujours les armes ou les connaissances pour réaliser leurs ambitions.

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Foot Mercato : comment en êtes-vous venu à rapidement préparer l’après-carrière ?

Jérémy Pied : pendant ma carrière, j’ai plutôt eu un profil d’investisseur que d’entrepreneur. Et puis à la suite de ma fin de carrière, que je n’ai jamais vraiment trop annoncée, mais qui était assez logique à la fin de ma saison à Lille (en 2022, ndlr), je me suis intéressé à d’autres choses que le foot. J’aime beaucoup l’immobilier de base. J’ai essayé de m’intéresser à ça mais sans être agent immobilier. Et puis j’ai rencontré, Pierre Chiffoleau et Kévin Onnée mes deux associés. Ça m’a fait un petit peu ouvrir les yeux aussi sur le fait que les joueurs ont besoin d’accompagnement. L’accompagnement, ce n’est pas qu’un investissement où tu projettes ton argent. Les athlètes cherchent aussi pendant leur carrière de la formation et des projets concrets.

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FM : ça se prépare quand l’après-carrière ?

JP : ça se prépare pendant la carrière mais généralement ça arrive plutôt vers la fin. C’est là qu’on commence à réfléchir à ce qu’on peut faire après. C’est ce qui m’est arrivé aussi à moi. Mais on se rend compte aussi aujourd’hui de ce qui est un petit peu à la mode. Je le vois aussi à la télé, dans des émissions ou sur les réseaux. Il y a des athlètes qui entreprennent pendant leur carrière et non pas à la fin ou après. Ils se servent de leur image et ont compris que pendant leur carrière, ils pouvaient faire des choses. Il y a une réelle demande et un besoin de sportifs de haut niveau, quel que soit l’âge pour comprendre où va leur argent. Ils ont des projets qui leur tiennent vraiment à cœur. Ils ont envie de comprendre comment ils font, d’où la formation et l’accompagnement de projets.

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FM : ça a toujours été une évidence d’avoir ce double profil, être joueur tout en réfléchissant à d’autres projets ?

JP : j’ai 36 ans aujourd’hui, j’ai commencé à partir de 26 ans quand je suis parti en Angleterre (à Southampton, ndlr) où je me suis fait une grosse blessure, le ligament croisé. J’ai eu un peu de temps pour réfléchir. C’est à ce moment-là que je me suis dit : "qu’est-ce que je peux faire à côté ?" J’avais plutôt un profil d’investisseur avec un gestionnaire en patrimoine en qui j’ai entièrement confiance et avec qui je travaille depuis mes débuts.

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«À 26 ans, j’étais vraiment intéressé par l’immobilier»

FM : qu’est-ce qui vous a inspiré pour démarrer vos investissements ?

JP : mon gestionnaire de patrimoine a essayé de me mettre un cadre selon la carrière, les contrats, le salaire. À partir de là, j’ai pu aussi exprimer ce que je ressentais. À 26 ans, j’étais vraiment intéressé par l’immobilier. Mon investissement s’est basé sur ça. C’était comme une évidence. À partir de là, il y a eu des circonstances, des rencontres, des associations. Aujourd’hui, je crois qu’il y a aussi d’autres demandes sur différents accompagnements de projets qui ne sont pas forcément des investissements purement financiers. C’est aussi un suivi à côté, un projet que tu prends à cœur et qui rythme ton après-carrière.

FM : votre réseau constitué à travers votre carrière vous a aidé également ?

JP : c’est clairement comme ça que ça a commencé. En discutant avec tout le monde dans les clubs, en passant du côté de l’OGC Nice, de Lille, partout où je suis passé. Les gens sont plutôt contents quand tu cherches à t’intéresser à eux à discuter avec eux. Je les vois dans les bureaux. Il y a du marketing et énormément de choses qui se passent à côté du sportif. Quand tu peux discuter avec les gens, tu ouvres des portes, tu fais un petit peu tout. Je trouve ça intéressant de savoir ce qui se passe. Pendant que les joueurs sont en vacances, dans les bureaux, ils commencent à préparer la nouvelle saison qui arrive. En ce moment, ce sont les nouveaux maillots, la billetterie, les actions envers les supporters. C’est une autre facette hyper intéressante. À Nice, il y a eu une rencontre de quelqu’un qui travaillait au club. Et puis par la suite, un petit coup de téléphone par-ci par-là, un message sur les réseaux. Ça m’a permis de commencer comme ça à travers du réseau au final.

FM : les réseaux sociaux ont leur importance dans la réussite d’un projet ?

JP : je pense qu’il y a eu aussi une demande là-dessus par rapport à des anciens joueurs qui ont arrêté leur carrière et qui aimeraient bien utiliser leur image, mais ça s’entretient. Les réseaux sociaux, c’est générationnel. Moi, je suis un petit peu dans l’entre-deux. Avant, il n’y avait rien du tout et maintenant il y a tout. Alors, ça s’entretient et aujourd’hui, on a besoin de ça pour communiquer. C’est un réel atout. Si on a différents projets, il faut évidemment s’en servir car les athlètes de haut niveau sont des influenceurs malgré eux. Ils sont particulièrement suivis sur les réseaux sociaux.

«je vois des jeunes faire des demandes entre 17 et 21 ans»

FM : avec cet effet « réseau sociaux », les athlètes prennent-ils plus vite conscience du besoin de préparer l’après ?

JP : je vois des jeunes faire des demandes entre 17 et 21 ans, ça commence déjà à réfléchir. Et c’est tant mieux. Je suis content de voir des joueurs se questionner. Vous ne pouvez pas nous faire confiance tout de suite. Il faut poser les bonnes questions, les questions franches. Et quand les athlètes ont les réponses à partir de là, il y a un climat de confiance et c’est beaucoup plus facile.

FM : les athlètes sont davantage sensibilisés aujourd’hui à ces questions-là ?

JP : les réseaux sociaux font beaucoup pour cela. Des joueurs qui ont été athlètes de haut niveau, qui ont gagné beaucoup d’argent mais qui ont fait malheureusement banqueroute sont mis en avant par les réseaux sociaux. Les jeunes joueurs ont plus connaissance de ça aussi. C’est l’une des raisons. On en parle plus et ça sert d’exemple.

FM : cette prise de conscience s’explique-t-elle par un manque de formation global ?

JP : il n’y a clairement pas d’éducation financière. Mais en même temps, ce n’est pas non plus ce qu’on demande à un club. L’athlète est là pour faire son sport, sa passion et son métier. Mais tout ce qui est à côté, c’est à l’athlète de prendre conscience de son argent. J’ai souvent cette réflexion de me dire : "tiens, j’ai une question bête". Mais non, il n’y a rien de bête. Beaucoup d’athlètes ont cette gêne de demander. On a du mal à le comprendre mais on essaye de casser ces barrières-là pour éduquer financièrement, donner un maximum de compétences, surtout des outils pour leurs projets. Dans tous les sports, il y a cette angoisse de poser des questions et de mal faire des choses mal. Au contraire.

«là où il y a de l’argent, il faut faire attention»

FM : qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans ce domaine ?

JP : fiscalement, il y a un manque. Il faut que les athlètes soient conscients de ce qu’ils gagnent, de ce qu’ils doivent payer, qu’ils doivent cotiser. Je pense que c’est hyper important qu’il y ait une éducation le plus rapidement possible. Le plus important, ça reste la performance sportive mais il faut que financièrement, il y ait un minimum de connaissances sur la fiscalité sinon, ça peut te mettre en danger.

FM : il y a aussi ceux qui profitent du manque de connaissance de certains athlètes et de leur vulnérabilité…

JP : là où il y a de l’argent, il faut faire attention. J’espère que mon passé de sportif nous servira pour justement instaurer un climat de confiance le plus rapidement possible. J’insiste sur le fait que nous ne sommes pas là pour prendre la place de qui que ce soit, mais pour que tout le monde se sente bien et au final pour que l’athlète se sente bien. Si l’athlète se sent bien dans son projet en parallèle à sa carrière sportive, il se sentira bien sur les terrains.

FM : vous êtes allés encore plus loin dans votre démarche puisque vous poussez votre reconversion jusqu’à devenir associé d’un cabinet de conseil pour sportifs. Qu’est-ce qui vous a amené à emprunter ce chemin ?

JP : après ma carrière j’ai continué à m’entraîner avec la réserve de l’OGC Nice. J’ai rencontré un joueur qui avait beaucoup de questions. Je pouvais lui parler de mon vécu et de mes expériences par contre je ne savais pas faire sur une demande sur un projet. J’avais déjà un peu discuté avec Pierre (Chiffoleau) sur les réseaux, on s’est rencontrés et j’ai mis en contact ces personnes. J’avais confiance de mon côté et ça s’est très bien passé. Il y a eu un premier projet, puis un second. Des gens m’ont contacté pour leur projet d’investissements, j’ai contacté Pierre et Kevin (Onnée) qui ont regardé les dossiers. À partir de là, on a commencé à se dire : "pourquoi pas aller plus loin ensemble ?" M&C Associés avait décidé d’ouvrir son capital et je correspondais aux valeurs de l’entreprise. Ça s’est fait de manière naturelle en début d’année.

«il y a besoin de sensibiliser encore beaucoup les clubs et les joueurs»

FM : que propose le cabinet à ses clients ?

JP : on est capable de répondre à tous les besoins pour une aventure entrepreneuriale, que ça soit dans le business plan, la recherche de financements, structurer la partie juridique, former à la microentreprise, créér un site internet, le logo, la partie RH, de l’audit. On répond à tout et tous les services sont à la carte.

FM : sensibilisez-vous les sportifs à la gestion de leur patrimoine ?

JP : on propose cette formation financière. On est partenaire de la fédération de handball et de basket aussi. On vient faire des interventions gratuites pour faire cette sensibilisation parce que pour nous, c’est hyper important. Des clubs nous accueillent avec grand plaisir et d’autres refusent qu’on vienne. Pour eux, ce n’est pas dans leur politique et ce n’est pas leur problème. Les mentalités sont en train de changer. Il y a encore beaucoup de travail et il y a une perspective d’amélioration car il y a besoin de sensibiliser encore beaucoup les clubs et les joueurs.

FM : quels sont les projets possibles ?

JP : notre politique, c’est que nous ne sommes pas des conseillers financiers ou d’investissements. C’est vraiment les athlètes qui viennent vers nous, avec un projet qui leur tient à cœur. Et nous, on est là pour vérifier la crédibilité et la viabilité du projet, voir si ça va être rentable. Nous sommes capables de les accompagner et faire en sorte que le projet sorte de terre. Vu que ce sont des projets qui tiennent à cœur nos clients, ils n’ont rien à voir les uns avec les autres. Ça peut être une laverie, un restaurant, une crèche, un cabinet d’esthétique, un marchand de biens. On est sur du sur mesure mais attention, si on sent que le projet n’est pas viable, il faut être capable de le dire. Et ça, c’est qui m’a plu aussi. Suivre un projet, c’est aussi savoir signifier clairement : "attention, il y a quelque chose qui ne va pas".

FM : intégrer le cabinet, c’était aussi un moyen de rester dans le milieu sportif ?

JP : c’était une chance pour moi de continuer à garder un pied dedans car ça manque rapidement. Retrouver des gars que tu connais, ça fait toujours du bien.

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