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Kenny Nagera : «quand tu sors du PSG, les gens s’attendent à ce que Kylian Mbappé débarque… Mais non»

Par Jordan Pardon
14 min.
Kenny Nagera @Maxppp

Huit mois après avoir résilié son contrat avec le PSG, son club formateur, Kenny Nagera se refait la cerise du côté de Differdange, au Luxembourg. Pour Foot Mercato, l’attaquant de 22 ans s’est livré en profondeur sur son début de carrière et ses ambitions pour la suite.

Comme de nombreux joueurs avant lui, Kenny Nagera aurait pu s’enterrer après un début de parcours orageux. Passé furtivement par Bastia, Avranches, Lorient, et poussé vers la sortie l’été dernier par le PSG, son club formateur, l’attaquant de 22 ans a finalement su remonter la pente. En confiant ses intérêts à l’agence Hexagon en fin de mercato, il a décidé de prendre le taureau par les cornes et s’est laissé convaincre par l’idée de rejoindre Differdange. Conséquence : Nagera empile les buts et en est désormais à 9 en 17 matches de BGL, en plus de ses 4 passes décisives, qui lui ont d’ailleurs valu le titre de joueur de la première partie de saison. Sur le plan collectif, ça tourne aussi bien puisque son équipe est leader du championnat, et pourrait bien être amenée à participer aux éliminatoires de la Ligue des Champions cet été.

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Alors comment expliquer cette renaissance ? Certainement par ce désir intense de retrouver le plus haut-niveau, touché du doigt avec le PSG en 2021, lorsqu’il avait remplacé Kylian Mbappé lors d’un match de Ligue 1 contre Strasbourg. S’il en garde forcément un souvenir mémorable, il avoue parfois saturer d’être spontanément renvoyé à cette étiquette «du joueur qui a remplacé Kylian Mbappé». La rançon de la gloire ? Peut-être. Qu’à cela ne tienne, Nagera a su faire voler en éclats ce contexte piégeux, et se régale aujourd’hui dans la petite enclave située au confluent de la France, de l’Allemagne et de la Belgique. «Si le football ne se passe pas bien, je ne suis pas bien dans ma vie», avoue le joueur qui se verrait bien arpenter les pelouses allemande ou belge à l’avenir. Mais pour l’heure, il veut finir ce qu’il a commencé au Luxembourg.

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Foot Mercato : cet été, tu t’es engagé librement avec Differdange, au Luxembourg, après avoir résilié ton contrat avec ton club formateur, le PSG. Un choix qui te donne raison pour le moment sur le plan statistique (17 matches, 9 buts, 4 passes décisives), comment expliques-tu cette réussite ?

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Kenny Nagera : cette réussite ? Déjà, il faut le dire, j’ai un peu cet esprit revanchard. J’ai envie de montrer que je suis venu ici avec des objectifs très précis : me relancer, reprendre confiance et retrouver un niveau supérieur. La confiance de mes coéquipiers et de mon coach font du bien depuis mon arrivée.

FM : qu’est-ce qui t’a convaincu de signer au Luxembourg, et à quel moment ton choix était-il fait ?

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KN : c’est un championnat un peu inférieur, assez proche de l’Allemagne et de la Belgique, deux championnats qui m’intéressent fortement. Puis j’ai aussi vu qu’il y avait de nombreux joueurs prêtés par des clubs français ici. Plein d’amis à moi, nés en 2002 (sa génération), même de Saint-Etienne ou de Sochaux, ont rejoint le Luxembourg. J’ai eu mes nouveaux agents à deux ou trois jours de la fin du mercato, ils connaissaient bien le championnat et m’ont convaincu avec ce challenge. Mais en arrivant, je ne connaissais rien, aucun club, je ne savais même pas qu’il y avait un championnat semi-professionnel ici.

FM : est-ce que la possibilité de jouer les qualifications de Ligue des Champions a été un argument dans ta décision (le premier du championnat luxembourgeois participe aux tours préliminaires de C1, tandis que les 2es, et 3es, à ceux de la C4) ?

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KN : exactement. J’ai vu dans mon club que deux joueurs avaient disputé les qualifications de Conférence League. L’un est parti en D3 allemande (Amine Naïfi, qui a éliminé le Bayern Munich, Francfort et Mönchengladbach avec Saarbrucken en Coupe d’Allemagne cette saison) et l’autre à Maribor, en D1 slovène (Érico Castro).

FM : tu quittes la France pour la première fois de ta carrière, as-tu quand même eu des craintes au départ ?

KN : sincèrement, j’avais des craintes par rapport au championnat, au niveau… Il y a une énorme différence quand tu sors du PSG. J’avais peur du niveau global, même de celui de mes coéquipiers, mais elles ont vite disparu. Je suis là que depuis cette saison mais de ce que j’entends, c’est un championnat en évolution. J’ai même été hyper surpris par les adversaires. Ce sont de bonnes équipes, de bons matches à jouer, et de bonnes ambiances… Il y a même de gros noms (Rachid Alioui, Jonathan Schmid, Nabil Dirar ou encore Karim Zedadka) qui viennent maintenant. Même en haut de tableau ça se dispute pour la première place.

«J’ai un peu l’objectif d’avoir ce genre de trajectoire à la Rayan Philippe»

FM : est-ce que tu avais entendu parler de Rayan Philippe avant de venir ? Il était le joueur le plus décisif d’Europe la saison passée avec Hesperange (30 matches, 32 buts, 26 passes décisives), et a ensuite pu rebondir en D2 allemande.

KN : franchement, là tu viens de me rappeler un truc. C’est l’argument de mes agents qui m’a encore plus donné envie de venir ici. Ce n’est pas un exemple, mais j’ai un peu l’objectif d’avoir ce genre de trajectoire. Il est parti en D2 allemande, je suis encore plus jeune que lui, j’ai un petit CV sympa… Donc quand j’ai vu qu’il avait tout cassé ici, ça m’a un peu inspiré.

FM : quel est ton regard sur le niveau de la BGL (D1 luxembourgeoise) ? Où la situerais-tu par rapport aux championnats français étant donné que tu as connu la N2, la N1, la L2 et la L1 ?

KN : je pense que les 5 meilleurs clubs d’ici peuvent jouer en National, voire en bas de tableau de Ligue 2. Mon équipe, par exemple, peut tenir tête à des équipes de National 1 je pense. J’en parlais justement avec certains coéquipiers, on se disait qu’on pouvait attraper des équipes de L2 (rires).

FM : Comment tu décrirais le joueur que tu es devenu aujourd’hui ?

KN : percutant, j’ai une bonne qualité d’appels, une bonne finition mais qui reste à travailler, puis je suis un joueur très rapide. Ma position ? J’ai une préférence pour le côté gauche, on me préfère en pointe, mais actuellement je joue à droite, là où j’ai été formé au PSG. Mais je ne suis pas compliqué sur ça. Je suis très à l’aise aux trois postes.

FM : ton objectif en venant au Luxembourg, c’était d’en faire un tremplin dès le départ ?

KN : j’avais quelques pistes en décembre, mais rien de concret. Mon premier objectif, c’était de partir le plus vite possible, je m’étais fixé un an maximum. Donc on verra, je continue de travailler, de faire mes matches, je veux qu’on remporte le championnat car on est leader pour le moment (Differdange a perdu un seul match cette saison). Je sais que c’est un championnat de plus en plus observé.

«Un petit retour en France, on ne sait jamais, mais l’Allemagne c’est pas mal»

FM : tu as des championnats cibles en particulier ?

KN : j’ai un petit coup de coeur pour le championnat allemand, je pense que ça correspond à mon style de jeu et j’aime beaucoup cette ambiance allemande. Un petit retour en France, on ne sait jamais, mais l’Allemagne c’est pas mal (sourire).

FM : as-tu le sentiment d’avoir muri depuis ton passage raté à Bastia ? Y’a-t-il eu un déclic en particulier ?

KN : oui, et il y en a eu plusieurs je pense. Je suis passé de la L1 à la L2, de la L2 à la N2, chaque expérience m’a fait grandir. Certaines se sont moins bien passées, puis il y a eu la déception de quitter Paris pour le Luxembourg, ce qui a été un grand changement. Avranches, Bastia, Lorient… Tout ça m’a fait apprendre. J’ai connu les trois premières divisions de France, et franchement il y avait beaucoup de différences dans chaque club où je suis passé.

FM : as-tu des regrets sur ton début de carrière ?

KN : je ne vais pas mentir, j’ai des regrets par rapport à certains choix. Je pense que j’aurais pu en faire de meilleurs parfois, et je n’aurais certainement pas été ici à l’heure actuelle. Les expériences, elles, je ne les regrette pas, car elles m’ont toutes permis d’évoluer.

FM : ton départ du PSG a aussi dû être difficile à digérer, toi qui est formé au club… Comment l’as-tu vécu?

KN : j’étais au loft l’été dernier. Dire que je l’ai mal vécu, c’est peut-être exagéré, mais j’ai grandi au PSG, je suis devenu un homme là-bas, ma période d’adolescence je l’ai connue là-bas… J’ai eu du mal à passer le cap, j’ai réalisé que récemment. C’est mon club de cœur, j’ai tout appris à Paris.

«Si tu veux vraiment bosser, tu vas à Basic Fit et puis c’est réglé»

FM : on évoquait le PSG à l’instant. Tu as connu le luxe et le confort des centres de formations français, le dépaysement n’a pas été trop difficile à vivre en arrivant au Luxembourg ?

KN : c’est un autre monde, mais Bastia, Avranches ou Lorient c’était déjà très différent du PSG. Au début, ta routine peut être un peu bouleversée, mais avec le temps, tu apprends à t’adapter partout. Je ne fais plus trop attention à cela. Ici, à Differdange, il n’y a pas forcément une belle salle, mais si tu veux vraiment bosser, tu vas à Basic Fit et puis c’est réglé.

FM : quelles ont été les conditions de ce départ du PSG ?

KN : j’ai résilié mon contrat. Au loft, j’ai vu que c’était compliqué, il y avait beaucoup de bons joueurs, d’exigence, peut-être que je n’étais pas encore prêt pour ce niveau. Je l’ai pris de cette façon-là. Je me suis dit “travaille et tu retrouveras ce niveau. Tu as déjà goûté un peu.” Le PSG, ça a été une bonne expérience, si j’ai réussi à être là, c’est que je peux être là. En fait, il faut juste continuer de travailler pour retrouver tout ça.

FM : il y avait de la qualité au loft ?

KN : au loft, tu vois certains joueurs qui sont ensuite partis en Championship, en D1 turque… C’étaient de bons joueurs, ce n’était pas un loft comme les gens l’imaginent. Il y avait même Kylian (Mbappé) à un moment. Notre loft pouvait répondre contre des équipes de Ligue 2 et de Ligue 1. On a bien travaillé et ça nous a permis de nous retrouver. J’ai revu des joueurs de ma génération que je n’avais plus vu depuis un moment. Il y avait une vraie bonne ambiance.

FM : quel est ton regard sur les titis du club qui parviennent à se faire une place chez les professionnels, comme Warren Zaïre-Emery ?

KN : Warren, je ne l’ai pas vraiment connu, il était plus petit (il est issu de la génération 2006 et a 4 ans de moins que Nagera). J’entendais parler de lui car on me disait que c’était un crack dans sa génération. Moi j’étais avec les professionnels, j’étais un peu plus avancé donc je ne l’ai pas vu venir mais je suis hyper content pour lui. Pour l’avoir connu très rapidement, c’est un petit dont on n’entend jamais parler en mal. Avec sa génération, il ne parlait pas beaucoup. Mais chez les titis, il y en avait d’autres des joueurs de qualité comme lui. Dans ma génération, je t’aurais cité Arnaud Kalimuendo (Rennes), Tanguy Kouassi (Séville FC), ça me fait plaisir de voir leur trajectoire aujourd’hui.

«Neymar et Kylian sortaient du lot»

FM : qui t’a le plus impressionné au PSG ?

KN : (il n’hésite pas) à mon poste, Kylian (Mbappé) hein. Honnêtement, c’est l’exemple pour chaque joueur. En termes de travail, d’exigence, c’est fort. Quand tu montes avec les pros aux séances, tu le vois bosser hyper dur. Après, il y a Neymar qui a une qualité technique exceptionnelle. Tu ne peux que grandir et apprendre avec ces joueurs-là. Ils sortaient du lot tous les deux.

FM : tu es issu de la génération 2002 du PSG, l’une des plus prometteuses du centre de formation du club de ces dernières années. Comment expliques-tu que certains peinent à confirmer au plus haut niveau ?

KN : il y avait beaucoup de bons joueurs dans notre génération. Kays Ruiz, Adil Aouchiche, Arnaud Kalimuendo, Xavi Simons, Timothée Pembélé, c’était ça les cracks. Pourquoi certains ont du mal ? Je l’ai vécu moi-même, je sais que le foot c’est parfois compliqué et que d’autres données sont à prendre en compte. Adil par exemple, je l’ai croisé à Lorient (la saison dernière), il est toujours aussi fort, mais je ne pourrais pas expliquer pourquoi il n’est pas plus haut. Après, comme je l’ai dit, ça ne m’étonne pas non plus car le foot ce n’est pas que le terrain.

FM : où te situais-tu par rapport à ces joueurs-là en jeunes ?

KN : quand je suis arrivé au centre de formation du PSG, j’étais vraiment en dessous. Techniquement, j’avais du mal avec les contrôles. Je n’ai jamais été LE joueur de ma génération qui allait sortir en premier. En U19, c’était différent, mais plus jeune, je n’étais pas promis à faire ce que j’ai fait, de goûter aux professionnels. J’ai travaillé, j’ai réussi à m’imposer avec de si bons joueurs, puis ça m’a motivé de voir mes coéquipiers réussir.

«Cette étiquette d’espoir, elle est lourde à porter. On t’idéalisé comme un crack sans jamais t’avoir vu jouer»

FM : cette étiquette d’espoir, est-ce qu’elle est dure à porter ?

KN : oui (ferme), elle est lourde à porter. On attend beaucoup de nous très tôt. Quand tu sors du PSG et que t’es prêté, les gens s’attendent à ce que Kylian débarque… Mais non. On t’idéalise comme un crack alors qu’on ne t’a jamais vu jouer. Quand j’étais prêté, on m’appelait Mbappé… Sauf que l’on n’a pas tous la même marge de progression. Après je comprends aussi les attentes. Quand tu sors du PSG, c’est que tu as les qualités et l’avenir devant toi. Donc il faut assumer.

FM : as-tu senti un regard différent au Luxembourg étant donné que tu débarquais du PSG ? Et est-ce que c’est pesant parfois ?

KN : je l’ai senti dans tous les clubs ou je suis passé, et encore plus au Luxembourg. Plus tu descends, plus c’est le cas. Les gens se disent "c’est un joueur du PSG, il a remplacé Mbappé, il a joué en Ligue 1." C’est ce qu’ils retiennent. Ce regard, je le sens, même au niveau des supporters. Partout où je passe, je prends des photos. Si c’est pesant ? Parfois, mais il faut l’assumer aussi car c’est le métier. Puis vu que ça se passe plutôt bien ici, je retiens le bon côté. C’est facile de critiquer un joueur du PSG mais quand tu es bon, on te met aussi la lumière, c’est à double tranchant.

FM : mentalement, tu aurais pu plonger après ton départ forcé du PSG et tes dernières saisons compliquées…

KN : je suis déterminé. J’ai commencé le football avec mon petit club d’Épinay-sur-Seine sur seine et je ne savais même pas que le métier de footballeur existait à l’époque. Maintenant, je veux réussir car le football c’est ce qui me permet de vivre. Si le football ne se passe pas bien, je ne suis pas bien dans ma vie. Je ne peux pas échouer et je veux retrouver le haut niveau.

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