Coupe du Monde 2022, Pays-Bas : la dernière danse de Louis van Gaal

Par Josué Cassé
7 min.
Louis van Gaal @Maxppp

Doyen des sélectionneurs présents au Qatar, Louis van Gaal (71 ans), revenu à la tête de la formation néerlandaise après le fiasco de l'Euro 2020, poursuit toujours son rêve : offrir le titre mondial aux Pays-Bas après trois échecs en finale (1974, 1978 et 2010). Pour y parvenir, le Néerlandais devra désormais se défaire de l'Argentine et de son Messi. Un immense défi pour la Tulipe de Fer. Une ultime mission pour ce personnage au destin hors du commun.

«J’ai toujours confiance en moi. Je suis arrogant, dominateur, honnête, travailleur, innovant». Marquée du sceau de l’impulsivité et de l’orgueil, cette déclaration tapageuse est l'œuvre de Louis van Gaal. Une punchline - glissée au milieu de tant d'autres en plus de trente années de coaching - résumant, à elle seule, la personnalité complexe, aussi clivante qu'égocentrique, du Pélican. Parfois adoré, souvent détesté, le Batave, natif d'Amsterdam, incarne, pourtant, le renouveau du football hollandais. Sorti de sa retraite le 4 août 2021 pour reprendre, une troisième fois après 2000/2001 et 2012/2014, les rênes de la sélection néerlandaise, celui qui a côtoyé les bancs de l’Ajax, de Barcelone, de l’AZ, du Bayern ou encore de Manchester United a, en effet, permis à son équipe de (re)briller.

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L'artisan du renouveau !

Absents de l'Euro 2016 et du Mondial 2018 avant d'être éliminés face à la République Tchèque (0-2) dès les huitièmes de finale lors de l'Euro 2020, les Oranje, qualifiés pour le prochain Final Four aux côtés de la Croatie, de l'Italie et de l'Espagne, n'ont ainsi plus concédé la moindre défaite depuis le retour de Louis van Gaal. Une série de 19 matches sans défaite débutée le 1er septembre 2021 par un nul (1-1) contre la Norvège et achevée, samedi dernier, par un nouveau succès (3-1) face aux États-Unis, synonyme de qualification pour les quarts de finale du Mondial 2022. Un nouveau succès permettant, par ailleurs, à Louis van Gaal de poursuivre sa belle série puisque, comme le souligne le statisticien Opta, le sélectionneur néerlandais n'a perdu aucun des 11 matchs qu'il a dirigés dans un Mondial (8 victoires, 3 nuls).

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Chassé de Manchester United en 2016, malgré la Coupe d'Angleterre, à un an de la fin de son contrat, Louis van Gaal confirme ainsi son incroyable tour de force depuis son retour sur le banc de la sélection hollandaise et donne raison aux dirigeants de la Fédération. «Nous cherchions un entraîneur aux qualités exceptionnelles et pour qui entraîner l’équipe nationale n’était pas un secret. Personne n’est mieux que Van Gaal pour cela», justifiait, à ce titre, le directeur général de la KNVB (la Fédération néerlandaise), Nico-Jan Hoogma. «Si j'étais la KNVB, je me serais également choisi. Je ne fais pas ça pour moi mais pour le foot néerlandais», surenchérissait, de son côté, Van Gaal lors de son come-back.

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Louis van Gaal, une personnalité hors norme !

Jusqu’au-boutiste pour certains, irascible pour d'autres, l'homme fort de la sélection hollandaise se bat également en dehors des terrains. Atteint d'un cancer de la prostate depuis 2020, il avait d'ailleurs révélé, non sans émotion, mais toujours avec un certain détachement, cette maladie à la télévision néerlandaise en avril dernier : «on ne meurt pas de cette maladie, du moins dans 90% des cas. Ce sont d'autres maladies sous-jacentes qui vous tuent. J'avais une forme assez agressive et j'ai eu 25 chimiothérapies. Les joueurs ne le savaient pas. Ils voyaient mes joues rougir et pensaient "quel type en bonne santé", mais ce n'est pas le cas. On ne dit pas quelque chose comme ça aux personnes avec qui vous travaillez. J'ai traversé tellement d'épreuves dans ma vie, de maladie et de mort, je suis probablement devenu plus riche en tant que personne à cause de toutes ces expériences», avouait l'ancien coach des Blaugranas.

Avant de laisser sa place, début 2023, à Ronald Koeman - lui aussi ancien sélectionneur des Oranje - Van Gaal compte bien profiter de sa dernière danse. D'ores et déjà parmi les huit meilleures équipes sur la scène mondiale, les Pays-Bas devront, pour cela, s'offrir le scalp de l'Albiceleste, portée par Lionel Messi, et annoncée comme l'un des favoris au titre final. Souvent critiqué pour son jeu ennuyeux depuis le début de la compétition, le patron de la sélection batave confirme, malgré tout, les bienfaits de cette méthode doctrinaire où le système dépasse largement les joueurs. Un collectif mêlant jeunesse (Gakpo et Simons), certitude (Van Dijk, Frenkie de Jong, Memphis Depay) et expérience (Blind) où Van Gaal ne laisse de place qu’à ses propres états d’âme. «Je suis une personne directe, juste et vertueuse. Ce qui peut parfois sembler cruel», confiait, en ce sens, celui qui n'hésite pas à se passer des services de Matthijs de Ligt.

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Le Mondial 2022, consécration d'une sublime carrière ?

Fort d'un palmarès ahurissant - champion avec l'Ajax, Barcelone, Alkmaar ou encore le Bayern Munich - Louis van Gaal fait ainsi oublier les multiples échecs de ses prédécesseurs (Hiddink, Blind, Grim, Advocaat, Koeman, Lodeweges, De Boer) et se place, très certainement, comme le troisième meilleur coach de l'histoire néerlandaise, derrière les illustres Rinus Michels et Johan Cruyff. Intransigeant, parlez-en avec Christophe Dugarry, le Batave a notamment permis à ce collectif de retrouver un équilibre. Symbole de cette maîtrise, les deux petits buts concédés face à l'Équateur puis contre les USA depuis le début de ce Mondial (8 buts inscrits). Remettant de l'ambition dans son équipe et dans le jeu, son pragmatisme n'en reste pas moins critiqué. Des prestations parfois jugées insipides qui ne semblent, cependant, pas chagriner l'intéressé.

«Je ressens l'affection des gens et j'accepte la critique comme quelque chose qui va avec cette profession. Mais il y a déjà des équipes de haut niveau qui sont hors du tournoi. Et nous sommes toujours là. Nous pouvons être des champions du monde. Je ne dis pas que nous allons l'être, j'insiste, mais nous sommes là et il nous reste trois matchs. Et bien sûr, cela me fait plaisir de voir ces joueurs jouer et il est clair que je suis très fier de ce groupe», expliquait, à ce titre, le Néerlandais après la qualification face aux USA. Un discours ambitieux ne l'empêchant, cependant, pas de pointer les failles observées face aux Américains. «À la pause, j'ai été très critique. On menait 2-0, avec deux buts fantastiques. Le premier est splendide et montre bien la dynamique collective. Un but d'équipe. Mais nous avons souffert en première mi-temps et avons été souvent privés de ballon. Ce n'est pas acceptable au Mondial. Si on joue comme ça contre les meilleures équipes, ça ne va pas le faire... En seconde période, on a eu une possession de balle incroyable. Nous avons livré une performance sans faiblesse, même si nous avons pris un but bêtement».

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Attentif au moindre détail, Louis Van Gaal reste, quoi qu'il en soit, en course pour marquer, un peu plus, de son empreinte l'histoire de ce sport. «L'équipe est unie autour de lui. Nous nous battons et nous voulons bien faire pour Louis. C'est son dernier tournoi et il a été une figure très importante pour les Pays-Bas», confiait d'ailleurs le Citizen de 27 ans, Nathan Aké, repris par son compagnon de défense, Virgil Van Dijk : «je lui ai dit que nous serons là pour lui en tant que groupe quand il en aura besoin et j'espère que nous pourrons aussi en faire, pour lui, une Coupe du monde qu'il n'oubliera jamais». Lancés à la conquête du titre mondial, les Oranje, privés de finale par ces mêmes Argentins en 2014, auront donc logiquement à cœur de définitivement consacrer l’un des entraîneurs les plus titrés de sa génération, mais aussi l’une des personnalités les plus fantasques de la planète football. «Vous devez vous demander pourquoi, plutôt qu'affirmer les choses. Quand vous affirmez quelque chose, vous faites semblant de vous y connaître autant que moi en matière de football», pestait également Van Gaal. Alors pourquoi pas ?

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