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Lieven Maesschalck, le physiothérapeute star de la Belgique et du Real Madrid

Par Lucas Billard
11 min.
Lieven Maesschalck, le physiothérapeute star de la Belgique et du Real Madrid @Maxppp

Le kiné des stars et la star des kinés. Voilà comment présenter Lieven Maesschalck, le physiothérapeute le plus connu de Belgique ayant bâti un véritable empire avec son entreprise Move To Cure. Foot Mercato s’est entretenu avec l’homme travaillant avec les sportifs les plus connus du plat pays et les Diables Rouges depuis de nombreuses années, mais aussi avec le Real Madrid depuis plus d’un an. De Shevchenko à Hazard ou encore Benzema, en passant par Inzaghi et Redondo, tous ont été bichonnés par Lieven Maesschalck.

Foot Mercato : retracez-nous votre histoire et celle de Move to Cure, comment en êtes-vous arrivé là ?

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Lieven Maesschalck : j’ai lancé tranquillement Move To Cure en Belgique il y a 30 ans, dans un petit village, à la campagne. J’ai commencé avec la rééducation fonctionnelle, "guérir par le mouvement". Les sportifs sont venus chez moi grâce au bouche-à-oreille. J’ai commencé avec un sportif local, et j’ai eu la chance d’avoir des cas difficiles, que les médecins ne pouvaient pas résoudre. J’ai utilisé ma méthode de la rééducation fonctionnelle. Il y a 20 ans, j’ai eu le premier joueur de l’équipe nationale belge. J’ai eu aussi Philippe Clement (entraîneur de l’AS Monaco, NDLR), Marc Wilmots… Je me suis aussi occupé des grands cyclistes. À l’AC Milan, il y a 20 ans, ils ont eu un gros problème avec Fernando Redondo, le capitaine de l’Argentine, je suis intervenu. L’entraîneur à l’époque était Carlo Ancelotti, et donc, avec le bouche-à-oreille, des joueurs comme Andriy Shevchenko, Filippo Inzaghi sont venus me voir. Et j’ai évolué. 20 ans plus tard, on a 25 personnes qui travaillent en Belgique, sur les blessures graves. On ne travaille pas vraiment pour un club, on intervient en tant que consultant.

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FM : comment avez-vous été amené à travailler avec la Belgique ?

LM : j’ai commencé il y a 10 ans avec la sélection belge, parce que les joueurs me l’ont demandé. Parce que je connais tous les médecins des clubs, je peux prévenir, j’ai beaucoup de contacts… Ça leur donne confiance. On a un staff vraiment fort en sélection. Notre qualité, c’est d’être indépendant. On peut bien juger les choses. On a créé le "floor of experience". On a beaucoup de cas graves différents, chez différents sportifs. Ça permet aussi d’adapter notre travail à tout le monde, de prévenir certaines blessures. Il y a maintenant l’implantation de la technologie…

FM : l’hygiène de vie de certains footballeurs avec qui vous avez travaillé a-t-elle pu poser problème ?

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LM : oui, j’ai déjà tout vu (rires). Il y a ceux qui font tout bien, concernant la nourriture, le sommeil, la rééducation… Maintenant, tout le monde se soigne très bien parce que la concurrence est plus importante. C’est important de bien soigner son corps, peu importe le sport. Tout le monde vient d’univers différents, et parfois, les mentalités sont différentes en fonction des sportifs. Certains n’ont pas la discipline pour rester au sommet. Il y en a qui apprennent, mais si certains ne veulent pas, on n’y peut rien, et c’est fini pour eux. Si un joueur fait une longue carrière dans le foot, c’est qu’il est vraiment dévoué à son sport. Ils se remettent question constamment. Cette mentalité est géniale pour travailler avec eux.

FM : est-ce parfois difficile de faire comprendre aux joueurs qu’ils ne peuvent pas jouer ou feraient mieux de ne pas jouer, d’attendre un peu, au risque d’aggraver une blessure ?

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LM : il y a deux choses. Les joueurs ont la bonne mentalité, ils veulent revenir au plus vite. Et il y a les circonstances, avec la pression du club. Un entraîneur veut toujours pouvoir compter sur un blessé au plus vite, qu’il puisse jouer pas demain, mais avant-hier. Il y a cette pression. Si un club gagne, c’est plus facile, il y a moins de besoins. Si un club galère, la pression est plus grande, car il a besoin de lui. Si c’est la finale de la Champions League, c’est encore différent… Ils mettent la pression sur les joueurs. Après, je vois souvent des bons coachs, qui suivent les consignes. Je parle avec eux, je leur explique, étape par étape, qu’il ne faut pas prendre de risque pour la rechute. Il faut respecter la biologie. Il faut choisir la bonne solution au bon moment. Avoir un programme accéléré, si c’est possible, aucun problème. On doit être honnête pour le joueur entre nous et respecter la science.

« Je n’ai jamais vu de tensions dans le vestiaire de la Belgique »

FM : Romelu Lukaku était-il vraiment prêt à faire la Coupe du Monde ? Que pensez-vous de la gestion de son cas, et pensez-vous qu’il peine à retrouver son meilleur niveau à cause d’un problème physique ?

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LM : il y a le club, le joueur, l’entraîneur et nous. Le joueur et le club disent ce qu’ils veulent, et nous, on donne notre opinion. Il faut alors prendre la décision, on a dit "s’il veut aller en sélection, le retour le plus tôt, c’est le match contre la Croatie". Tu peux avoir récupéré de la lésion et ne pas être fit, comme tu n’as pas joué depuis 2 mois. La volonté du joueur est importante. Ça s’est bien passé, il a joué 45 minutes. C’est un joueur qui connaît son corps, il a 29 ans, il a la maturité pour prendre la bonne décision. Tout était bien calculé, il n’y a eu aucun problème.

FM : pendant la Coupe du Monde 2022, on a beaucoup parlé des tensions dans le vestiaire entre différents joueurs au Qatar… qu’en était-il réellement ?

LM : j’ai lu ce qui se disait dans la presse, j’étais vraiment étonné de lire ça. On a perdu, on a perdu. On était vraiment déçu. Je n’ai jamais vu ça, des tensions, dans le vestiaire. On essaye de trouver une explication, mais non. Si on marque contre la Croatie, c’est une autre histoire. Ça n’a pas marché, il faut l’accepter.

« Thierry Henry était bien aimé et respecté dans le groupe »

FM : quelle élimination a été la plus difficile à digérer entre la Coupe du Monde 2018 et 2022 ?

LM : les deux. En 2018, on était vraiment déçu, profondément, de perdre contre la France. Mais 3e, pour la Belgique, c’était vraiment exceptionnel. Là, perdre contre la Croatie, on était aussi très déçu. On avait une équipe ambitieuse. De Bruyne est ambitieux, Courtois est ambitieux… Pour tout le monde, il y avait l’espoir de mieux faire. La réalité, c’est qu’on est rentré à la maison. Maintenant, il faut retrouver le bon élan pour le futur.

FM : comment était votre relation avec Thierry Henry ? Avait-il un rôle important auprès des joueurs ?

LM : c’est un homme avec un palmarès incroyable, comme personne. Il a tout gagné. C’est une grande personne, incroyablement aimable. Il est créatif, intelligent, il parle bien, il est encore en forme, il a une posture imposante. Il parle avec une autorité aux joueurs, il a directement le respect des joueurs. Quand il dit quelque chose, on l’accepte dans le groupe. Il était bien aimé et respecté dans le groupe, pour ce qu’il a fait, sa façon de travailler, ses avis. C’était l’un des nôtres. Il a gagné directement sa place avec Roberto (Martinez). Il a aussi cette intelligence émotionnelle. Pour nous, c’était la classe. Il a tout, l’expérience, le charisme… maintenant, c’est à lui de décider ce qu’il veut faire.

FM : le départ de Roberto Martinez et l’arrivée de Domenico Todesco à la tête de la Belgique, ça change quelque chose pour vous ?

LM : non, Move To Cure restera dans l’équipe. Un de mes associés s’en chargera. Cette année, j’ai beaucoup travaillé avec le Real Madrid. Deux personnes de mon équipe resteront avec les Diables Rouges. Moi, je reste en back-up, présent si besoin, mais je ne serai plus présent constamment avec la Belgique. Je ne ferai pas l’Euro 2024.

FM : parlez-nous justement du Real Madrid. Comment travaillez-vous avec eux, comment ça se passe ?

LM : ça fait déjà un an qu’on travaille ensemble. On est consultant, on discute avec le staff médical… Pas que pour le foot, mais aussi pour le basket-ball. C’est une très bonne collaboration. On échange nos expériences, nos connaissances, pour optimaliser tout ça. Le chef du staff médical est très ouvert. On fait ça une fois par semaine ou toutes les deux semaines, de manière régulière, en fonction des blessures ou des besoins aussi, forcément.

FM : parlons du cas Eden Hazard. Comment expliquer sa situation actuelle, alors qu’il était un des meilleurs joueurs du monde avant d’arriver au Real Madrid ?

LM : c’est à lui qu’il faut poser la question (rires). Je le connais bien, je l’aime beaucoup. Il est tout le temps là à l’entraînement…

« Luka Modrić est un exemple pour tout le monde »

FM : êtes-vous impressionné par la longévité de Luka Modrić, qui plus est à son poste, qui demande beaucoup d’énergie ?

LM : je le connais depuis longtemps. Luka, il a 37 ans, il est en forme tout le temps. Presque tout le monde est comme ça au Real. Il se soigne bien. Mais il y a aussi sa mentalité. Il a encore l’envie de tout gagner. Il ne se donne pas à 100% sur le terrain, mais à 200%. Il est toujours là. Il connaît son corps, il sait comment récupérer, il a une volonté incroyable, c’est pour ça qu’il est encore là. C’est un guerrier. Il joue pour l’équipe. C’est la grande classe. C’est un exemple pour tout le monde.

FM : l’aspect mental d’un joueur a-t-il une incidence sur l’aspect physique ?

LM : tout le temps. Le corps et le mental, c’est une unité. Un joueur heureux n’est presque jamais blessé, s’il a de la chance bien sûr, mais on doit créer la circonstance d’être heureux dans sa vie privée. C’est 50-50.

FM : en Belgique, on vous surnomme "le kiné des Diables", "le meilleur physiothérapeute du Royaume" ou encore "le kiné des stars et la star des kinés." Êtes-vous flatté par ces surnoms ?

LM : ça motive pour le futur. Je suis en train d’implanter la technologie dans mon cabinet. J’aime bien regarder devant moi et pas derrière. J’ai encore l’ambition d’évoluer. Si je me contente de ce que je suis, je deviens un danger pour mes clients. Je dois me réinventer moi-même à chaque fois. J’ai 59 ans, c’est difficile. Mais tout évolue. C’est une époque très exigeante. J’aime bien Picasso, il a travaillé jusqu’à l’âge de 80 ans ou plus, alors j’ai encore le futur devant moi (rires).

FM : quels sont vos objectifs à l’avenir ?

LM : je veux optimaliser ce qu’on fait maintenant. Mon grand rêve, c’est de créer la rééducation par la technologie gratuite sur le continent africain. Je ne dis pas que je vais y arriver, mais on va créer de nouvelles choses pour optimiser notre travail.

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