Les finales de légende : AC Milan - FC Barcelone (1994) @Maxppp

Les finales de légende : AC Milan - FC Barcelone (1994)

Par Frederic Yang - 10/04/2020 - 20:00

On continue notre série sur les finales de légende de la Ligue des champions avec la finale de l'édition 1993-1994 entre l'AC Milan et le FC Barcelone à Athènes. (Re)découvrez comment les Milanais ont complètement fait déjouer les Barcelonais pour s'imposer largement (4-0) lors de cette finale.

Le parcours avant la finale

Cette édition 1993/1994 démarre d’une drôle de manière puisque le tenant du titre, l’Olympique de Marseille, est exclu par l’UEFA en raison de l’affaire OM-VA et qu’il est remplacé par l’AS Monaco (3e du championnat de France en 1992/1993) puisque le Paris Saint-Germain refuse de participer à la compétition. L’UEFA ajoute aussi une nouveauté pour cette édition puisqu’un match à élimination directe de demi-finale aura lieu entre les vainqueurs et les deuxièmes de chaque groupe du Final 8 pour déterminer les finalistes de la compétition.

Finaliste malheureux de l’édition précédente, l’AC Milan commence sa campagne 1993-1994 contre les Suisses du FC Aarau en seizièmes de finale. Un but de Papin au match aller permet aux Milanais de se qualifier par la plus petite des marges (1-0, 0-0) pour les huitièmes de finale, où ils retrouvent le FC Copenhague. Cette fois, l’AC Milan ne laisse aucune chance à son adversaire en s’imposant 7-0 sur l’ensemble des deux matches (6-0, 1-0) avec notamment deux doublés de Papin et Marco Simone à l’aller. Lors de la phase de poules répartissant les 8 dernières équipes qualifiées dans 2 poules de 4 équipes, l’AC Milan parvient à sortir en tête de son groupe B (avec le FC Porto, le Werder Brême et Anderlecht) avec 2 victoires dont une retentissante (3-0) contre le FC Porto et 4 matches nuls.

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En demi-finale, l’AC Milan reçoit l’AS Monaco à San Siro et s’impose facilement (3-0), avec un but de Desailly sur corner et un coup franc magistral d’Albertini notamment, pour se qualifier pour la finale à Athènes. Le problème, c’est que la charnière centrale sera suspendue pour la finale après le carton jaune de Baresi et l’expulsion de Costacurta.

Le parcours du FC Barcelone de Johan Cruyff est plus spectaculaire. Le club catalan renverse une situation compliquée dès les seizièmes de finale contre le Dynamo Kiev. Après une défaite (1-3) en Ukraine, les Catalans s’imposent (4-1) au retour avec un doublé de Bakero. En huitièmes de finale, le Barça se qualifie sans trembler contre l’Austria Vienne (5-1 sur l’ensemble des deux matches) et tombe dans le groupe A du Final 8 avec l’AS Monaco, le Spartak Moscou et Galatasaray et finisse en tête après 4 victoires et 2 nuls.

En demi-finale, les hommes de Cruyff affrontent le FC Porto au Camp Nou et se baladent en s’imposant (3-0) avec un doublé de Stoichkov. Avant d’aborder la finale d’Athènes, cette “Dream Team” barcelonaise est annoncée favorite en raison du jeu flamboyant qu’elle déploie. Mais le retour à la réalité sera brutal.

Les plans de jeu

Fabio Capello vs Johan Cruyff, c’était l’opposition de deux styles de jeu. De deux façons différentes de penser le foot. D’un côté, il y avait le réalisme voire l’arrivisme de Capello pour qui le résultat était beaucoup plus important que la façon d’y parvenir. De l’autre, le romantisme voire le dogmatisme de Johan Cruyff, pour qui le football devait être joué selon des concepts immuables et avec un certain panache. D’où le surnom de “Dream Team” (qui était aussi un clin d’oeil à l’équipe de basketball des Etats-Unis des JO de Barcelone en 1992 qui avait enthousiasmé les téléspectateurs du monde entier) donné à son équipe.

La chose qui est aussi importante à rappeler, et qui a eu une incidence sur la finale, c’est que les équipes ne pouvaient retenir que trois joueurs étrangers (de nationalité différente que le pays du club) en Ligue des champions. Ce qui a forcé chacun des entraîneurs à faire des choix forts et laisser des grands joueurs en survêtement. Capello a décidé de se priver de Jean-Pierre Papin (pourtant auteur de 4 buts dans la compétition), Florin Raducioiu, Brian Laudrup et Marco van Basten (out pour la saison) tandis que Cruyff a écarté son maestro Michael Laudrup.

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Pour cette finale, Cruyff a concocté un 4-3-3 avec deux pointes hautes au milieu, qui deviendra l’ADN du club catalan, avec Guardiola en pointe basse et le duo Bakero-Amor plus haut pour accompagner le trio offensif Begiristain-Romario-Stoichkov. Les prémices du jeu de position, qu’adoptera pleinement Guardiola lors de son passage sur les bancs de touche, étaient déjà bien présentes ce soir-là. Parmi eux, le concept de “l’homme libre” avec les fameux triangles dans la construction du jeu et la recherche systématique du troisième homme, lancé et libre face au jeu. D’ailleurs, Sergi Barjuan, le latéral gauche, fut souvent ce troisième homme libre devant faire avancer le jeu blaugrana.

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Toutes les premières relances de Zubizarreta étaient courtes pour construire le jeu depuis la défense. Sans ballon, Romario était chargé d’effectuer le pressing sur les centraux milanais et accompagné souvent par un des milieux avancés (soit Bakero soit Amor) tandis que Stoichkov et Begiristain se chargeaient des latéraux. Mais en réalité, le pressing barcelonais n’a eu que très peu d’occasions de s’organiser puisque les Milanais ont souvent récupéré le ballon au milieu de terrain et cherché à jouer directement vers les attaquants sur les dégagements de Rossi...

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Comme évoqué précédemment, Fabio Capello a eu un casse-tête supplémentaire à gérer : sa charnière centrale Baresi-Costacurta était suspendue pour la finale. Le technicien italien a décidé d’associer le fidèle lieutenant Filippo Galli avec l’habituel arrière gauche Paolo Maldini en défense centrale. Christian Panucci occupait lui le poste d’arrière gauche dans le traditionnel 4-4-2 à plat des Milanais. Au milieu, on retrouvait le double pivot Desailly-Albertini et la présence de Boban (à droite) et Donadoni (à gauche) sur les côtés. Devant, Massaro (qui avait disputé des précédentes rencontres en milieu droit) occupait le poste d’avant-centre gauche tandis que Savicevic celui d’avant-centre droit, mais ce dernier a joué en réalité comme un électron libre décrochant comme bon lui semblait en attaque.

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Côté Milanais, la consigne était simple : tout d’abord bien défendre. Les hommes de Capello, qui s’étaient entraînés à huis clos durant les 2 semaines précédant la finale, ont défendu en bloc médian mais les attaquants avaient pour consigne de presser agressivement les premiers relanceurs barcelonais dès qu’ils touchaient le ballon. Le but était justement de ne pas être trop haut dès le début de l’action mais déclencher le pressing après la première passe courte de Zubizarreta. Massaro cadrait systématiquement Koeman, Savicevic faisait de même avec Nadal. Albertini avait pour mission d’aller chercher Guardiola, le meneur reculé du Barça, dès qu’il touchait le ballon tandis que Boban et Donadoni se recentraient pour équilibrer le milieu et sortaient sur les latéraux quand ces derniers avaient le ballon. Desailly évoluait comme une tour de contrôle devant protéger à la fois le dos d’Albertini mais aussi couper toutes les transmissions vers l’avant dans le coeur du jeu. Quand Romario venait à décrocher, c’est Maldini qui se chargeait d’aller sortir au pressing tandis que les autres défenseurs assuraient la couverture.

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Pour perturber cette organisation défensive milanaise, Begiristain a souvent délaissé son côté pour créer une supériorité numérique de l'autre côté du terrain mais au final, la magnifique chorégraphie défensive orchestrée par Fabio Capello a littéralement pris le dessus sur l'habituelle symphonie barcelonaise.

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Le film du match

Comme attendu, les Barcelonais mettent le pied sur le ballon dès l'entame de match mais l'organisation défensive milanaise est parfaite. Le premier tir de la rencontre intervient à la 7e minute, mais la frappe lointaine de Stoichkov file à côté du but de Rossi. Le pressing milanais gêne clairement les sorties de balle catalanes. Les passes vers l'avant et les transversales ratées se multiplient et un bon relanceur comme Koeman est méconnaissable. À la 10e minute, Panucci pense ouvrir le score de la tête après un coup franc en deux temps mais il est signalé en position de hors-jeu. Dans la minute suivante, Guardiola réussit enfin une ouverture magnifique, du rond central, en direction de Stoichkov qui remet le ballon en une touche à Romario, face au but mais dont la reprise de volée ratée file très loin du but de Rossi.

Au quart de jeu, l'AC Milan se crée la première grosse occasion du match. Suite à un débordement de Panucci côté gauche, Massaro est trouvé dans la surface et réussit un magnifique enchaînement contrôle-frappe du pied gauche, qui est captée facilement par Zubizarreta. Alors que les deux premiers rideaux milanais font souffrir les relanceurs barcelonais, le Barça parvient enfin à réaliser une belle séquence collective en une touche de balle. Sergi casse la ligne du milieu en trouvant Amor derrière Desailly, qui remise de la poitrine pour Romario, qui donne en retrait à Bakero qui joue ensuite au loin pour Amor, qui réalise un une-deux avec Romario, qui avait suivi le mouvement du ballon. Une fois arrivé dans la surface, Amor est repris in extremis par Maldini (22e). Ce sera le seul mouvement collectif de classe du Barça dans ce match puisque le reste de la rencontre sera entièrement à l'avantage de l'AC Milan.

À la 22e, Rossi dégage le ballon loin dans le camp barcelonais, Nadal repousse de la tête vers Sergi mais le latéral est surpris par Boban qui surgit et dévie le ballon vers Savicevic sur le coin droit. Le virtuose monténégrin réalise un numéro devant Nadal en l’éliminant d’un crochet aérien avant de filer au but. Une fois dans les 6 mètres, Savicevic surprend la défense en donnant le ballon à Massaro, seul à gauche, qui finit l’action en se jetant avec son pied gauche pour ouvrir le score (1-0). Barcelone s'est fait piéger par l'agressivité milanaise. Dix minutes plus tard, Donadoni réalise une reprise de volée après un coup franc d’Albertini renvoyé dans ses pieds. À la 35e minute, Stoichkov et Begiristain permutent et l'Espagnol tente une frappe pied gauche à ras-de-terre que Rossi capte facilement. Alors que la mi-temps se profile, l'AC Milan en profite pour sortir de son camp est tente une phase de jeu construite. Boban rentre vers l’intérieur et joue du côté opposé pour Donadoni, qui gagne son 1 contre 1 face à Ferrer et déborde dans la surface avant de donner le ballon en retrait d’un pointu à Massaro, qui reprend le ballon instinctivement du gauche. La frappe croisée puissante de l’Italien se loge dans le but de Zubizarreta qui ne peut rien faire. Massaro qui avait manqué plusieurs opportunités lors de la finale à Munich contre l'OM, se rachète avec son doublé. Sa performance est d'ailleurs remarquable puisque son pressing incessant sur Koeman est l'une des clés de la première période.

L'entame de deuxième période est terrible pour le Barça. Suite à une chandelle d’Albertini en profondeur, Nadal tente de dégager le ballon mais se fait contrer par Savicevic, qui va faire parler son talent (48e). Sur le rebond, le Monténégrin décide de lober Zubizarreta, légèrement avancé. La courbe est parfaite et le ballon finit au fond des filets (3-0). Les fans milanais sont en transe. Savicevic est un génie. 52e minute, Eusebio Sacristan remplace Begiristain et le Barça passe en 3-5-2 avec Sergi en piston gauche et Eusebio en piston droit.

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Le jeu se durcit et les cartons jaunes se multiplient des deux côtés. Sur un coup franc rapidement joué par Albertini, Savicevic file dans le dos de Ferrer et contrôle le ballon en pleine course avant de réaliser un tir piqué du pied gauche qui tape le poteau gauche de Rossi. Dans la continuité de l’action, Eusebio tente de jouer vers l’avant mais Desailly intercepte le ballon et se projette immédiatement vers le but. Le roc français effectue un une-deux avec Albertini qui le sert parfaitement en profondeur. Desailly s’emmène aussi parfaitement le ballon avant d’ouvrir son pied droit pour tromper Zubizarreta. La finition est parfaite est l’AC Milan mène 4-0 à la 59e minute ! C'est une démonstration de réalisme. Cruyff tente un dernier coup de poker. Quiqué Estebaranz remplace Sergi à la 73e mais rien ne change.

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Savicevic manque le doublé après une superbe séquence collective des Milanais. Donadoni se retrouve en un-contre-une face à Bakero, côté gauche, et le déborde facilement avant d'effectuer un centre en retrait qui est repris par Savicevic qui manque de peu le cadre de Zubizarreta qui semblait battu (85e). Plus rien ne se passe jusqu'au coup de sifflet final de l'arbitre. 4-0, un score fleuve et rare en finale de Ligue des champions. À ce jour, seules 3 équipes ont réussi à s'imposer par 4 buts d'écart en finale de C1. Le Real Madrid en 1958, le Bayern Munich en 1974 et l'AC Milan, deux fois, en 1989 (contre le Steaua Bucarest) et donc en 1994.

Ce 18 mai 1994, les Milanais ont joué l'une de leurs plus belles partitions collectives de l'histoire. Chacun a rempli son rôle à la perfection. S'il fallait sortir des joueurs du lot, il y a tout d'abord Massaro, dont le travail défensif et le réalisme offensif ont été remarquables. Il y a ensuite Savicevic, qui a illuminé la rencontre par son génie. Outre son but magnifique, il a réussi plusieurs percées dans la défense barcelonaise balle au pied. Et que dire de Desailly ! Déjà grand artisan de la victoire marseillaise en 1993, il a rayonné au milieu de terrain par sa lecture du jeu, son impact sans égal dans les duels, et sa maîtrise technique. Enfin, Maldini, replacé en défense centrale, a aussi réalisé une prestation magnifique sans parler de son leadership pour guider Panucci et Galli, auteurs aussi d'une partie solide. Bref, cet AC Milan était chirurgical et parfaitement organisé, c'est pourquoi il s'est largement imposé dans cette finale légendaire de 1994. Le Barça n'a pas eu d'occasions franches dans cette rencontre. C'est dire le niveau de l'équipe milanaise ce soir-là...

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