Equipe de France : les anecdotes de Bafétimbi Gomis et Jean-Alain Boumsong sur les listes des Bleus

Par Sebastien Denis - Dahbia Hattabi
9 min.
Boumsong et Gomis se livrent sur la liste des Bleus @Maxppp

Ce mardi, Didier Deschamps dévoilera la liste des Bleus retenus pour participer à l'Euro. Un moment qu'attendent avec impatience les nombreux joueurs. Pour Foot Mercato, d'anciens internationaux tricolores, en activité ou non, se souviennent de cette annonce riche en émotions.

Foot Mercato : durant la saison, les Bleus disent souvent qu'ils ne pensent pas à la liste. Mais est-ce vraiment le cas ?

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Bafétimbi Gomis: c'est un objectif. Le fait de penser à la sélection et de mettre tout en oeuvre pour prétendre à être sélectionné, ça veut dire que c'est toujours en fil rouge dans notre tête. On a un devoir de performance qui nous permet de pouvoir prétendre à être en sélection. Donc oui on y pense. Quand on accumule les bonnes performances, on sait qu'on devient sélectionnable. Mais c'est en accumulant tout sur la saison, ça ne se joue pas en un mois. On y pense. On a des repères. En tant qu'attaquant, quand tu fais un bon début de saison, qu'à la mi-saison tu es entre dix et quinze buts en championnat et qu'à la fin tu as passé la barre des 20 buts, tu sais que tu es susceptible d'aller en sélection. C'était mon ressenti personnel en tant qu'attaquant.

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Jean-Alain Boumsong : ceux qui n'y pensent pas sont ceux qui sont sûrs d'y être ou ceux qui sont sûrs de ne pas y être. Tout le reste y pense bien évidemment. On ne peut pas être sportif de haut niveau, footballeur international et, dans une saison à l'issue de laquelle il y aura une grande compétition, ne pas y songer. On fait son calendrier de l'année en fonction de cette grande compétition qui, normalement, est l'apothéose de la saison. Forcément, c'est dans la tête. En tout cas, me concernant, ça a toujours été comme ça à chaque fois qu'on arrivait dans une période de compétition internationale. Les choix de club se font aussi en fonction des objectifs du club et de la sélection nationale.

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FM : dans quel état d'esprit est-on quelques jours avant liste, puis le jour J ?

Bafétimbi Gomis : quelques jours avant la sélection, j'ai toujours été serein. Je pense que nous sommes des privilégiés et c'est un honneur bien sûr de jouer pour la France. Après si on n'y est pas, on se dit que c'est réservé aux vingt meilleurs joueurs (de champs). Et parfois, quand tu es parmi les vingt meilleurs joueurs, il y a la notion de groupe. Parfois, tu ne peux pas entrer dans un groupe comme ça, car il est déjà fait. Il y a aussi des choix tactiques et des profils différents. On ne peut pas interférer là-dessus. Mais ça a été mon cas lorsque j'étais à Galatasaray (2017-18) ou à Marseille (2016-17). J'avais dépassé la barre des vingt buts et je pense qu'un attaquant qui marque vingt buts doit être international. Le sélectionneur a fait d'autres choix et je m'étais réconforté avec la belle saison que j'avais faite. J'étais parti en vacances tranquillement et sereinement en me disant que j'avais fait ce qu'il fallait pendant la saison. J'étais parti avec le goût du travail bien fait.

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Jean-Alain Boumsong : ça dépend de sa place au sein du groupe. Si on est un habitué, qu'on a toujours été appelé, qu'on est un titulaire, qu'on joue, et qu'il n'y a pas d'incident avant la liste, bien évidemment on sait qu'on va y être. L'année en cours, quand on n'a pas été appelé régulièrement dans la liste, on sait qu'on n'est pas certain d'y être. On est relativement stressé et anxieux à l'approche de cette date, car on sait que c'est une date importante. On commence à se préparer et si on y est, c'est super on est content. Si on n’y est pas, on commence déjà à se préparer à réserver nos vacances pour oublier (sourire).

FM : avez-vous en tête une anecdote marquante à ce sujet ?

Bafétimbi Gomis : non, je n'en ai pas une en particulier. Mais c'est vrai que j'ai été surpris quand j'ai été sélectionné pour la première fois. On me l'avait fait savoir. Il devait y avoir 22 ou 23 joueurs. Raymond Domenech avait dit qu'il y en aurait un de plus. C'était moi. J'avais fait une belle saison et j'avais mis un doublé (lors de sa première sélection). Sans oublier le fait que Saint-Etienne revienne en Coupe d'Europe. J'en ai une autre (d'anecdote). J'étais jeune et naïf. À l'époque, à l'ASSE, qui végétait et qui était promu en élite, je n'avais pas été formé avec des joueurs qui étaient préparés pour le haut niveau. Le jour où il doit donner la liste définitive des joueurs retenus pour aller à l'Euro (2008), je vais à l'infirmerie. J'étais à Tignes et j'arrive dans la salle des kinés. Là, j'ai les anciens, Patrick Vieira et Lilian Thuram qui me disent : "que fais-tu là ?". Je leur dis que j'avais un peu mal et ils me disent : "non, tu ne dis pas que tu as mal". Car il y avait la liste et il ne fallait pas que ça interfère dans les choix du coach. J'avais trouvé que c'était un très bon conseil de la part de mes aînés. J'avais fait ensuite l'Euro. Malheureusement, ce n'était pas un bel Euro pour la France. On avait souffert, mais j'avais appris au contact de très grands joueurs.

Jean-Alain Boumsong : je n'ai pas d'anecdotes particulières. Il faut dire que les listes où j'ai été appelé étaient particulières. Pour la Coupe des Confédérations, il l'avait annoncé. Pour l'Euro 2004, il avait fait un groupe élargi. En 2006, j'avais été appelé tout le temps. Mais j'avais un tout petit peu d'appréhension avant la liste, car j'étais remplaçant et je ne jouais plus à Newcastle. En 2008, ça a été l'épisode de l'hélicoptère à Tignes, qui n'était pas bon. J'ai eu celle de 2010 qui a été annoncée au journal et je n'ai pas été appelé (...) En y réfléchissant, j'ai une anecdote en tête. Je me souviens que j'étais très content d'être appelé pour l'Euro 2004, car ça s'était joué entre Philippe Mexès et moi. Jacques Santini m'appelle dans son bureau. Il y avait tout son staff, dont Pierre Mankowski. Le sélectionneur aborde un air un peu grave, il sourit et il me dit : "Boum, ça va ?". Je réponds oui. Il me dit : "détends toi on est très heureux de ton comportement, du travail effectué et on va faire simple ; tu es dans la liste". C'était un moment très important. Il m'a demandé si j'étais content. J'ai répondu : " bien sûr que je suis content". J'étais très heureux.

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FM : avant les grands rendez-vous, on cogite beaucoup avant la liste. Comment vous occupiez-vous l'esprit ?

Bafétimbi Gomis : moi, je ne me tracassais pas l'esprit. Je me tracasse plus l'esprit quand je suis en club, car c'est différent. L'équipe de France, c'est la cerise sur le gâteau. Si tu le mérites, tu y vas. C'est aussi le destin. Il y a des joueurs qui font de grandes carrières et, malheureusement, ils n'ont pas la chance de goûter aux joies de défendre les couleurs d'un pays. Pour ma part, j'ai toujours laissé ça dans les mains du bon dieu. Je me dis que si je suis appelé c'est que je le mérite, si je ne le suis pas c'est que je dois travailler davantage. C'est comme ça que je fonctionnais pour rester positif quoi qu'il arrive et pour ne pas être déçu. Avec la déception, ça peut jouer sur tes performances en club.

Jean-Alain Boumsong : il faut essayer de faire ce qu'on fait d'habitude. Bien sûr, c'est dans la tête. Mais si on ne pense qu'à ça, on ne fait plus rien. On va être tétanisé par la crainte de ne pas y être. Il faut se comporter normalement. Dans sa tête, il faut se dire que si ce n'est pas le cas, ce ne sera pas la fin du monde. Ce sera dur et triste, il faudra compter sur ses proches. Je peux dire que le 11 mai 2010 a été une date difficile, car je n'ai pas été appelé. En plus, c'était une veille de match, juste avant un repas. Le sélectionneur décale le repas pour que tout le monde puisse aller assister au journal TV. Moi, je reste tout seul dans la pièce. Je n'y vais pas, car je ne sens pas trop le truc cette fois-ci. Et puis j'entends des cris. Anthony Réveillère, qui était nouveau à l'époque, était appelé. Disons qu'il faut se dire que, si on est appelé, c'est super on est content. Si on n'est pas appelé, on sera triste, mais la vie continue.

FM : c'est toujours un moment fort en tant que footballeur et en tant qu'homme. J'imagine qu'on veut partager ça avec sa famille et ses proches.

Bafétimbi Gomis : bien sûr. C'est la réussite. C'est un moment à vivre avec sa famille, ses parents, son agent, ses proches. Souvent, les histoires comme celles-là, c'est grâce au travail de plusieurs personnes. Il y a des personnes qui travaillent dans l'ombre. La famille nous encourage et nous soutient. C'est aussi le travail d'un agent qui y croit. Parfois, des joueurs ont vécu des blessures assez graves et c'est vrai que dans le foot comme dans la vie, rien n'est figé. Quand tu arrives à ce genre de performances et que tu es sélectionné, c'est l'apothéose. C'est l'épanouissement total.

Jean-Alain Boumsong : oui, bien sûr il faut être en famille. Le conseil que je donnerai à tous ces footballeurs qui sont en activité, qui sont dans l'attente de cette liste, c'est que ça reste du football. Il y a des choses plus importantes. Bien sûr, la déception arrive, car on est des compétiteurs, on a envie d'y être. Si ce n'est pas le cas, il y aura toujours un bien derrière cette non-sélection. Vraiment c'est ce qu'il faut se dire. J'ai commencé à me le dire encore plus à l'issue de la Coupe du Monde 2006 où j'avais fait les 8 derniers matches éliminatoires en tant que titulaire, et je n'avais pas joué une minute. Par contre, le fait d'avoir participé à un Mondial en tant que remplaçant sur le banc et arriver jusqu'en finale, ça m'a permis de mieux observer et comprendre la gestion d'un groupe. En tant qu'entraîneur aujourd'hui, même en tant que consultant, je me repose beaucoup sur cette expérience pour donner un avis. Si j'avais été titulaire, je pense que je n'aurais pas eu le recul et la capacité d'analyse que j'ai eue durant ce Mondial. Tout arrive pour une raison. S'ils sont appelés, super. Il faut y aller et mouiller le maillot. Attention, car ça se passe en plusieurs étapes. On est appelé on est content, après il y aura même ceux qui sont appelés surprises qui peuvent manifester leur frustration quand ils viennent à ne plus jouer. Il faut prendre sur soi et y aller en se disant que c'est l'équipe qui est d'abord prioritaire.

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