Comment le football turc tente de se relever après le terrible séisme

Par Dahbia Hattabi
9 min.
Le football turc n’est d’ailleurs pas épargné par la tragédie ! @Maxppp

Touchée par de violents séismes, la Turquie vit une terrible épreuve. Le football turc n’est d’ailleurs pas épargné par ce drame et tente de se relever avec toute l’aide possible.

Le jour où tout a basculé. Lundi, la Turquie a été frappée de plein fouet par de puissants et terribles séismes. Des villes ont été détruites et pratiquement rayées de la carte. Selon le vice-président turc, Fuat Otkay, 14 351 personnes sont décédées à l’heure actuelle et plusieurs milliers sont portées disparues. Un drame qui n’épargne pas le monde du football, lui aussi touché en plein coeur. Lundi, Yeni Malatyaspor a annoncé la mort de son deuxième gardien, Ahmet Eyüp Türkaslan (28 ans). Du côté de Hatayspor, le directeur sportif, Taner Savut et le footballeur ghanéen Christian Atsu n’ont toujours pas été retrouvés. D’autres s’en sont bien sortis et ont évité le pire à l’image de Stéphane Bahoken (Kasimpasa) ou Kévin Soni (Hatayspor).

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Des joueurs choqués

Contacté par nos soins, l’international camerounais nous a avoué être profondément marqué par ces événements, lui qui a hésité à sauter du 7e étage de son immeuble pour sauver sa peau avant de se raviser et de sortir par les escaliers de l’immeuble avant qu’il s’effondre. «Franchement, c’est un choc. Je n’arrive pas à dormir. Je suis tous les jours avec mon agent et on en parle tout le temps. C’est une sensation que je ne peux pas vous expliquer. Au moment où je vous parle, assis à Istanbul, j’ai l’impression que le sol tremble. Mais les gens autour de moi me disent que non, ça ne tremble pas. C’est un traumatisme je pense (…) Des gens sont morts à côté de vous alors que vous avez eu la chance de survivre.»

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Comme lui, de nombreux joueurs sont choqués mais aussi conscients qu’ils ont frôlé la catastrophe. Pour s’en sortir, Kévin Soni a d’ailleurs pu compter sur son club. Après s’être confiné avec ses coéquipiers au centre d’entraînement de Hatayspor, il a pris un avion mis à disposition par l’écurie turque afin d’aller se mettre en sécurité à Istanbul. En revanche, aucune cellule psychologique n’a été mise en place pour le moment. «Il a juste été décidé d’annuler l’entraînement de ce mardi. On avait quartier libre. On verra demain (jeudi) si des dispositions sont prises»; a expliqué Bahoken au Parisien. Même son de cloche pour Kévin Soni. «Ce n’est pas la priorité pour eux. Leur priorité est de sauver les gens là-bas et d’aider les personnes qui sont dans le besoin.»

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Le football turc se mobilise

En effet, les clubs et le football turc en général tentent de soutenir de toutes les façons possibles les personnes touchées comme nous l’explique Yacup Çinar, journaliste pour Fanatik. «La Turquie fait face à la plus grande catastrophe de son histoire. Treize millions de personnes ont été touchées par ce tremblement de terre. Toute la Turquie veut se serrer les coudes et panser ses blessures au plus vite. L’aide afflue du monde entier dans la zone du tremblement de terre. Les clubs de football ont organisé d’énormes campagnes d’aide. Merih Demiral (Atalanta) a mis aux enchères des maillots dont celui de Cristiano Ronaldo et il a aidé les victimes du tremblement de terre»". Mais il n’est pas le seul à mouiller le maillot.

Selon Fanatik, Max-Alain Gradel (Sivasspor) a fait un don de 20 000 euros pour les victimes du séisme. A Hatayspor, les joueurs s’activent aussi malgré les conditions difficiles comme nous l’explique Kévin Soni. «On a un groupe WhatsApp au sein du club où on envoie de l’argent pour pouvoir aider les gens dans le besoin. On peut aussi faire des courses et mettre les aliments dans un bus qui ira là-bas». De son côté, Galatasaray a envoyé des camions remplis de denrées alimentaires. Proche du pays, Lukas Podolski (ex de Gatasaray et Antalyaspor) a fait don d’argent et il est en train d’organiser une collecte pour envoyer 2 à 3 camions en Turquie d’après Bild. Le milieu du football veut aussi apporter un soutien moral.

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Le mercato a été prolongé en Turquie

Ce jeudi à l’entraînement, les joueurs de Fenerbahçe ont posé derrière une banderole de soutien au peuple turc. On ne compte plus les messages de soutien à destination du peuple turc. Le football est bien évidemment secondaire dans ces moments-là. Malgré tout, la fédération turque de football va devoir prendre des décisions très rapidement. Hier, elle a d’ailleurs annoncé une nouvelle importante comme nous l’explique Mehmet Kilic, agent franco-turc. «Mercredi, la fédération turque de football a envoyé une lettre à la FIFA afin de prolonger le mercato de 10 jours. Comme il y a eu des tremblements de terre le 6 février, les clubs avaient arrêté leurs recherches. Cela a été accepté. Le mercato devait se terminer initialement le 8 février. Il s’achèvera finalement le 18 février 2023.»

Hier, Beşiktaş a mis la main sur Onur Bulut. Galatasaray a pu boucler la venue de Nicolo Zaniolo (AS Roma). Une arrivée record qui est passée au second plan selon le journaliste de Fanatik. «Galatasaray a effectué le transfert le plus cher de l’histoire du football turc en recrutant Nicolo Zaniolo. Cependant, la douleur est si grande que ce transfert n’est pas la priorité. Galatasaray jouera d’ailleurs un match amical face à l’AS Roma et les revenus seront reversés à titre d’aide aux victimes». À l’heure actuelle, personne ne sait encore quand la Süper Lig va reprendre ou si elle va reprendre comme expliqué par Yakup Çinar.

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Le flou règne autour de la reprise du championnat

«La Fédération turque de football a annoncé que les championnats avaient été reportés d’une semaine. Cependant, cela peut prendre plus de temps. Les clubs Adana Demirspor, Hatayspor et Gaziantep continuent de travailler dans différentes villes. Surtout Hatayspor a été très impacté. Je ne pense pas que les matches se joueront avant mars. Un nouvel ajournement sera émis car le deuil national a été décrété dans tout le pays pendant 1 semaine». Agent de joueurs, Mehmet Kilic n’est pas plus avancé. «La fédération a expliqué que les matches qui devaient se jouer lundi dernier étaient reportés à une date ultérieure. Il n’y aura pas de matches non plus cette semaine car la Turquie a décidé de rendre hommage aux victimes lors de cette catastrophe. Quand vont-ils jouer ? Ça on ne le sait pas.» Mais il estime que les clubs iront au bout de la saison.

«Quoi qu’il arrive, le championnat va être bouclé. Il y a d’énormes enjeux financiers et commerciaux, et ils ne pourront pas arrêter le championnat comme ça même s’il y a eu une énorme catastrophe naturelle qui a impacté plus de 18 villes, directement ou indirectement. Ils ont vu l’impact et les pertes liés à l’épidémie de coronavirus. Je ne pense pas qu’ils vont arrêter le championnat»". Pourtant, cela pourrait être difficile pour certains de reprendre à l’écouter. «Il y a deux clubs de Super Lig, Hatayspor et Gaziantep, dont les villes sont vraiment touchées. La ville de Hatay est carrément détruite. Aujourd’hui, je ne sais pas comment ils vont pouvoir poursuivre là-bas. J’ai parlé avec le directeur sportif de Gaziantep qui m’a dit que ce qui s’était passé était très grave et qu’ils étaient aussi impactés.»

Hatay et Gaziantep impactés

Mehmet Kilic évoque ensuite les solutions évoquées. «Chaque hiver, des clubs se rendent à Antalya où il y a de très beaux hôtels et des centres d’entraînement exceptionnels. Des écuries russes, ukrainiennes ou encore d’Azerbaïdjan y viennent pour réaliser leur pré-saison hivernale. On se demande donc si la fédération va déplacer les clubs de Gaziantep et Hatayspor à Antalya ou à Izmir, afin de terminer la saison. Il y a à proximité les stades d’Antalya et d’Alanya. Donc ça pourrait être une solution selon certains agents. D’autres se disent que les joueurs vont être envoyés à Istanbul et s’y entraîner avec leur club dans des centres d’entraînement appartenant à la fédération. Il faudrait des subventions pour payer les joueurs. Aujourd’hui, les clubs comme Gaziantep et Hatayspor n’ont plus de ressources. On n’arrive pas à se projeter».

Il ajoute : «les clubs ne peuvent pas donner d’explication tant qu’ils n’ont pas eu un dialogue avec la fédération turque. Elle a deux choix. Soit elle subventionne les clubs qui ont eu des difficultés pour qu’ils puissent se reconstruire et terminer le championnat. Soit elle va faire en sorte de dire aux clubs touchés de déposer le bilan cette année et de libérer les joueurs sous contrat. Mais on ne peut pas se prononcer car c’est une faute grave de le faire. On doit attendre de connaître la décision de la fédération. C’est très dur pour les joueurs, les proches, les agents». Difficile effectivement d’y voir clair pour les joueurs. «Pour le moment, je vais attendre à Istanbul et voir comment ça se passe. Le gouvernement et la fédération turque n’ont pas encore pris de décision par rapport aux villes et aux clubs où ces événements se sont passés. Quand une décision sera prise, j’envisagerai quelque chose par rapport à ma carrière», nous a confié Kévin Soni.

Diverses options sont étudiées

Ce dernier ne serait pas contre poursuivre en Turquie. D’autres sont moins emballés. «Tout ça a impacté les joueurs. Certains ne savent pas s’ils veulent revenir en Turquie», nous assure Mehmet Kilic. Ce qui inquiète d’ailleurs Yakup Çinar. «Les joueurs évoluant dans ces équipes sont brisés psychologiquement. Donc ça va être très dur». La solution pourrait donc être de permettre à ces joueurs d’être prêtés dans d’autres championnats comme cela a été le cas pour les joueurs évoluant en Ukraine l’an dernier après le début de la guerre face à la Russie. La FIFA avait accordé des autorisations. Une option possible pour Mehmet Kilic. «C’est envisageable. Il y a un contingent de joueurs étrangers qui ont des obligations concernant leur contrat. Celui-ci ne peut être cassé unilatéralement. On a constaté que cette procédure avait pu être mise en place avec des joueurs évoluant en Ukraine qui ont été prêtés. C’est une option. Mais on ne peut pas se prononcer sans connaître la décision de la fédération. »

Mais les dirigeants turcs ont évidemment d’autres priorités actuellement, alors que le pays a vécu une drame horrible, comme en témoigne Yakup Çinar. «Actuellement, il y a une grande lutte pour sauver des vies dans dix villes de la zone sismique. Même si cela fait 4 jours, les gens continuent d’être secourus. A ce stade, personne ne veut penser au football. Des lutteurs, des joueurs de volley-ball, des joueurs d’équipes amateurs ont perdu la vie dans la zone du tremblement de terre. Il y a des millions de personnes qui ont besoin d’un environnement chaud en ce moment. Je veux aussi appeler à l’aide pour mon pays. Toute l’humanité doit se mobiliser pour la Turquie et la Syrie.» Touchée dans sa chair, la Turquie ne pense pas à demain et avance au jour le jour loin des terrains de football.

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