Pourquoi la CAF va lancer une Super League africaine

Par Anas Bakhkhar
5 min.
Le président de la CAF Patrice Motsepe et le président de la FIFA Gianni Infantino @Maxppp

Ce qui n’était que rumeurs il y a un an commence à se concrétiser : la Confédération Africaine de Football pourrait organiser sa propre Super League, alors que l’UEFA a fait couler l’idée d’une ligue fermée initiée par plusieurs grandes écuries européennes. Explications.

Tout commence en novembre 2019. Le président de la FIFA Gianni Infantino est en pleine tournée africaine entre Madagascar, Malawi et Angola. Durant une conférence de presse à Lubumbashi (RD Congo), le dirigeant italo-suisse fait part d’une idée déjà discutée par quelques dirigeants en Europe : une ligue fermée rassemblant les meilleurs clubs du continent. «Il faut prendre les 20 meilleurs clubs d'Afrique et les faire jouer dans une ligue africaine». Un projet nouveau pour la CAF, qui organise déjà deux compétitions continentales : la Ligue des Champions et la Coupe de la Confédération. Le premier objectif ? D’abord, l’entrée de liquidités amènerait des investissements dans les infrastructures sportives et professionnelles : «Une telle ligue peut générer au moins 200 M€ de revenus, ce qui la placerait dans le top 10 mondial, du jour au lendemain, a affirmé Gianni Infantino. On a pour objectif de récolter un milliard d'euros afin que l'on puisse doter chaque pays africain d'un vrai stade de football aux normes FIFA et internationales. On va prendre les meilleurs arbitres africains, on va les salarier. On va dépolitiser, on va professionnaliser l'arbitrage en Afrique. Je veux porter le football africain au sommet du monde». Le président malgache de la CAF Ahmad Ahmad avait soutenu l’idée de cette compétition fermée, mais sans pour autant proposer l’idée aux 56 fédérations-membres…

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Un changement de présidence déterminant

Moins de deux ans passent après les déclarations du boss du football mondial. L’eau a coulé sous les ponts, mais des choses ont changé depuis : Ahmad Ahmad out, c’est le Sud-Africain Patrice Motsepe qui prend les rênes de la confédération africaine en mars dernier. Quelques semaines après son investiture, l’homme d’affaires de 59 ans n’a pas attendu pour remettre le dossier sur la table. A travers un long communiqué, publié le 20 juin dernier après une réunion avec plusieurs présidents de fédérations, il déplore «la perception médiocre voire négative de la CAF, en ce qui concerne son adhésion aux bonnes pratiques de gouvernance, d'audit, d'éthique, de finances et de gestion». Dans la présentation de son projet global pour faire valoir le football continental, revient l’ébauche d’une ligue fermée entre les meilleures équipes d’Afrique : «Nous sommes en train d’examiner l’opportunité de la création d’une Super Ligue africaine et des discussions à cet égard ont déjà eu lieu. Nous avons suivi la tentative de certains grands clubs européens de mettre en place une telle compétition et tâcherons de tirer les enseignements de leur échec».

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Si aucun chiffre ou nom n’est officiellement ressorti après ces discussions, il n’est plus logique que les équipes les plus titrées à l’échelle africaine y participent. Des clubs principalement en provenance de l’Égypte, avec Al-Ahly, qui possède le record de Ligue des Champions (10) et le Zamalek, son dauphin (5) et accessoirement son éternel rival. Au Maroc, il est fort probable que les deux équipes de Casablanca y participent : le Raja, vainqueur de la dernière Coupe de la Confédération, et le Wydad, récemment sacré en championnat. En Afrique du Sud, le dernier finaliste de la LDC, les Kaizer Chiefs, et les Mamelodi Sundowns, dont le président n’est autre que Patrice Motsepe, devraient eux aussi se faire une place parmi les 20 noms réputés. Sans oublier les clubs tunisiens (Espérance de Tunis, Étoile de Sahel...), congolais (TP Mazembe, AS Vita Club...), guinéens (Horoya AC…).

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Un projet clivant malgré tout

Ce 16 juillet à Rabat (Maroc), lors d'une réunion du Comité Exécutif de la CAF, l'abstrait laisse la place au concret. Patrice Motsepe confirme la mise en place d'une ligue fermée et s'en réjouit : «Je suis très enthousiaste par rapport au fait que beaucoup de diffuseurs sont venus me voir pour me dire qu’ils veulent contribuer à la Super Ligue africaine». Et pour ne pas présenter cette compétition potentielle comme un tournoi élitiste, le patron du football africain prévient que si les 54 membres de la confédération ne seront pas directement concernés, il insiste sur le fait que la Super Ligue permettra de «contribuer à ce que le football africain devienne compétitif et autonome». Comment cela pourrait-il se traduire ? Tout d'abord, la CAF a «suivi les tentatives de certains grands clubs européens de former une Euro Super Ligue et tirera les leçons de leur expérience et de leurs pièges», afin de rassurer les fédérations concernées. Ensuite, elle confirme que les différents revenus qu'elle percevra grâce à la ligue fermée devraient profiter à tout le monde : «améliorer l’efficacité et le professionnalisme du personnel en charge de l’organisation des compétitions de la CAF» ou encore «investir dans les infrastructures footballistiques africaines afin de s’assurer que chaque association membre dispose d’au moins un stade homologué par la FIFA », peut-on lire dans le communiqué du 20 juin.

Certains clubs probablement concernés par cette ligue n'ont pas tardé à répondre favorablement à ce projet, comme le président de l’Étoile de Sahel Ridha Charfeddine. Dans des propos récoltés par le Monde suite à l’annonce de la Super Ligue, le dirigeant tunisien pense qu’une «Super Ligue permettrait de générer des recettes supplémentaires en matière de sponsoring et de droits télé, tout en mettant en valeur les joueurs. Et contrairement à ce qui s’est passé en Europe, où l’initiative venait de clubs, ici, c’est la CAF qui est à la manœuvre, il y a donc moins de risques de division». Mais comme lors de l'annonce de la ligue fermée européenne, la Super Ligue ne fera pas que des heureux : «Cela pourrait enrichir les plus riches et appauvrir ceux qui souffrent déjà. De plus, où est l’équité sportive si, par exemple, le FUS Rabat est champion du Maroc, mais ne peut participer à une super ligue fermée ? Cela pourrait aussi dévaloriser la Ligue des champions, privée des meilleurs clubs, et la Coupe de la Confédération africaine de football», a affirmé un ancien cadre de la CAF sur le sujet.

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