Plus jeune entraîneur de l’histoire de la MLS, Yoann Damet vit son rêve américain au FC Cincinnati

Par Maxime Barbaud
8 min.
Cincinnati @Maxppp

Intronisé entraîneur par intérim du FC Cincinnati le mois dernier, Yoann Damet est devenu le plus jeune coach de l'histoire en MLS. Ce Français de 29 ans, inconnu du grand public, a réussi à percer grâce à une certaine force de travail et des compétences, qui ont déjà largement fait leurs preuves dans le football nord-américain.

L'American Dream existe bel et bien pour certains. Yoann Damet en est la preuve vivante. Par le fruit de son travail et d'un parcours atypique, il est devenu début mai et à seulement 29 ans, entraîneur par intérim du FC Cincinnati en Major League Soccer. Record battu pour le championnat nord-américain ! La stat le fait plutôt sourire mais le Français entre dans l'histoire et en pleine lumière. La mission est délicate puisque la très jeune franchise est dernière de la conférence Est pour sa saison d'expansion (la saison inaugurale, ndlr) en MLS. Une habitude pour les nouveaux clubs aux États-Unis et au Canada mais qui a permis à Damet d'obtenir sa première expérience de coach principal. Clin d’œil du destin, son premier match aura été une victoire 2-1 contre son ancien club, l'Impact de Montréal.

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«Ce n’est jamais facile les premières saisons, il y a pas mal d’ajustements à faire. Ça prend des années par rapport à l’équipe, la ligue. On en était conscient avant que la saison démarre. Maintenant, c’est comment essayer de maximiser tout ça pour continuer d’avancer sur la philosophie, l’identité de jeu.» Faire contre mauvaise fortune bon cœur. Cela pourrait être la devise de celui qui est né à Marseille en 1990. En prenant la suite d'Alan Koch, victime de ses mauvais résultats, il ne fait que poursuivre l'oeuvre d'un club dont il a une parfaite connaissance de l'environnement. Cela fait tout de même trois ans qu'il est présent dans l'Ohio.

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À l'origine du projet du FC Cincinnati

«Je suis entraîneur intérimaire. Je suis là pour assurer la transition vers un nouveau cycle. Aujourd’hui, c’est la responsabilité qui m’est donnée par le club. On m’a accordé énormément de confiance, de soutien par rapport à ce que je pouvais proposer. Et c’est pour ça que le club s’est tourné vers moi, pour justement assurer cette transition, maintenir cette culture que le club voulait mettre en place et pour commencer à avancer davantage sur la philosophie et l’identité du club. Je suis en charge de l’équipe jusqu’à nouvel ordre mais le club est à la recherche d’un entraîneur ou, en tout cas, de solutions pour préparer l’avenir au sein du club (ESPN évoquait ce samedi les pistes menant à Alan Pardew, Tab Ramos, Aitor Karanka ou encore Robert Maaskant). On m’a donné cette mission. J’essaye de la mener à bien pour les prochains mois » nous explique-t-il.

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La tâche ne semble pas l'effrayer. Il faut dire qu'il en a vu d'autres. Arrivé en 2017, il a fallu tout bâtir dans un club créé seulement un an auparavant. L'équipe évoluait alors en United Soccer League (la D2 américaine) et semblait à des années-lumière de ce qu'elle est déjà devenue aujourd'hui. «Il y avait tout à construire, au niveau de la partie administrative, de l’aspect sportif, du développement, de la partie formation. Le nombre d’employés a considérablement augmenté entre mon arrivée et cette année. Au niveau du staff technique, c’est la même chose. L’année où je suis arrivé, on était deux. Aujourd’hui, nous sommes sept. Rien qu’à ce niveau-là, il y a eu des progrès, des choses qui se sont mises en place.» Même le centre de formation arrivera cet été avec la création de deux premières équipes de jeunes.

Architecte de la pré-académie de l'Impact

Le pari est en passe d'être gagné, notamment grâce à Yoann Damet. Si les dirigeants lui ont accordé une telle confiance à la base de leur projet, c'est aussi parce qu'il avait déjà fait ses preuves ailleurs. À 23 ans, et avec pour bagages ses diplômes de la FFF, une licence d'UFR STAPS obtenue à la faculté de Dijon, en plus de diverses expériences d’entraîneur dans différentes catégorie de jeunes (U13 au Beaune FC, U15 et U17 à Jura Sud, rôle au sein de la Ligue de Bourgogne-Franche-Comté, adjoint avec les U15 et entraîneur principal des U11 avec le DFCO), il débarque à l'Impact de Montréal avec une mission : lancer la pré-académie du club. Le touche-à-tout doit alors partir d'une feuille blanche mais son vécu l'a déjà bien armé.

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«C’était intéressant de tout construire, créer des équipes de U8 à U12, recruter les entraîneurs, les joueurs, mettre en place un projet de formation de la pré-académie en accord avec le projet et la philosophie de formation de l’académie. L’aspect management était aussi intéressant. Et puis, il y avait une identité forte au club. Elle y est toujours. Elle a été instaurée par le directeur de l’académie, qui avait cette volonté de respecter cette philosophie, de mettre des choses en place de façon transversale, des plus petits jusqu’à la réserve et l’équipe première. C’était vraiment enrichissant et une manière d’expérimenter, et d’apprendre de façon accélérée», explique-t-il d'une voix réfléchie.

Entraîneur depuis ses 16 ans

Toujours en quête de nouvelles connaissances, le Maudit Français passe en parallèle de nouveaux examens au Canada. Désormais titulaire d'une équivalence de la Licence A UEFA grâce à sa licence A canadienne, Damet obtient également un diplôme d’évaluation et préparation physique dans le cadre d'une convention entre le CREPS de Poitiers et de l’Institut National des Sports du Québec. Comme beaucoup d'expatriés, l'idée est de combiner expériences professionnelles et personnelles. «À l’heure actuelle, c’est quelque chose d’assez difficile d’entraîner sans avoir un vécu de joueur professionnel. Je savais que ça passait par beaucoup de travail, de recherches également. C’est le pari que j’ai fait il y a plusieurs années maintenant.»

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Le travail paye et les résultats sont là pour celui qui s'est lancé dans la grande aventure nord-américaine. C'est au détour d'une rencontre avec un coéquipier canadien à 18 ans qu'il tisse ses liens avec son futur lieu de vie. Invité à se rendre sur place, le tout jeune coach d'alors tombe rapidement amoureux du pays. «Chaque été, je retournais au Canada passer des vacances, toujours avec cette envie de chercher, de faire des rencontres, de voir du football et c’est comme ça que j’ai rencontré des gens qui travaillaient dans ce milieu-là. De fil en aiguille, les opportunités se sont présentées.» La Major League Soccer est alors en pleine croissance et le Français, dont la vocation est celle d’entraîner depuis l'âge de 16 ans, saisit la balle au bond.

«J’ai aussi pris beaucoup de risques dans mon parcours»

«Je savais que c’était la voix que je voulais emprunter. Il fallait que je m’en donne les moyens. J’ai aussi pris beaucoup de risques dans mon parcours. J’ai beaucoup travaillé. Aujourd’hui, je suis aussi conscient d’avoir été chanceux sur certains points. Je pense avoir ouvert les bonnes portes au bon moment.» Comme lorsqu'on lui propose de travailler avec des professionnels au FC Cincinnati. À 26 ans, il dirige les U19 de l'Impact en plus de responsabilités importantes, bosse tous les jours en langue française et a la sécurité de l'emploi. Il décide pourtant de franchir le pas, quitte à prendre de gros risques professionnels puisque pour la première fois de sa carrière, il sera jugé sur les résultats sportifs.

«C’était une grande décision. Je n’ai pas réfléchi longtemps. Je savais ce que je voulais. Je me suis dit que le train ne passait qu’une fois. C’était l’opportunité pour moi de travailler au niveau professionnel. Et puis, j’avais également vu la vision du club et les projets ici à Cincinnati. Ça m’intéressait énormément. J’ai décidé de partir et me voilà encore ici trois ans après. Je suis content d’avoir fait ce choix-là.» Au bout de sa troisième saison, voilà qu'il prend en main l'équipe première, le temps d'un intérim certes, mais cela prouve la belle marque de confiance que lui accordent ses dirigeants. Même s'il ne souhaite pas brûler les étapes, Yoann Damet fait plus vite que tout le monde par le simple fruit de son travail, n'hésitant pas à provoquer les opportunités et à sortir de sa zone de confort.

«L'opportunité d’entraîner ne se présenterait peut-être pas à ce niveau-là avant une dizaine d’années»

«Mon idée a toujours été de grandir à travers les projets sportifs dans lesquels je m’inscrivais. C’était ma volonté ici à Cincinnati. À mon âge, l’opportunité d’entraîner ne se présenterait peut-être pas à ce niveau-là avant une dizaine d’années. Et encore une fois, je n’ai jamais voulu presser les choses.» En attendant l'arrivée d'un nouvel entraîneur principal, le Frenchy tente de mener à bien sa mission, celle de redresser une situation sportive compliquée. C'est son quotidien. Redonner confiance, installer une dynamique de travail positive et motivante à un groupe comprenant des joueurs comme Mathieu Deplagne, le gardien polonais Przemysław Tytoń (ex-PSV) ou encore l'ancien Manceau Roland Lamah.

Devenir entraîneur principal d'une équipe de MLS, à seulement 29 ans, ferait naturellement nourrir quelques ambitions. Yoann Damet lui veut prendre son temps. Conscient d'être un cas rare dans le football moderne (ce qu'il regrette par ailleurs) au même titre qu'un Julian Nagelsmann par exemple, ce self-made man du ballon rond n'a pas de plan de carrière concret. Il préfère gérer sa vie professionnelle comme il le fait depuis le début : en saisissant les chances qui lui sont offertes. «Je n'ai jamais fonctionné en me disant que j’avais des objectifs personnels à court, moyen ou long terme. Je ne suis pas en train de planifier le futur. Je me concentre sur le présent, sur ce que je peux maîtriser et continuer à grandir. Pour le moment, je me sens bien ou je suis. J’ai le soutien de la direction du club. J’ai envie de continuer à m’investir dans ce projet.» Et poursuivre l'écriture de sa propre histoire.

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