Sélections : le dilemme des binationaux secoue la planète football !

Par La Rédaction FM
10 min.
Ces joueurs face au dilemme de la double nationalité @Maxppp

À l'heure où les nations européennes ont démarré leur campagne de qualification pour l'Euro 2016, le dilemme des binationaux refait surface. Entre ceux qui hésitent, ceux qui choisissent leur pays d'origine, et ceux qui préfèrent leur terre de naissance : le dilemme est cruel.

Quel avenir international pour Nabil Fekir ? Auteur d'un début de saison tonitruant sous le maillot de l'Olympique Lyonnais avec 6 buts et 1 passe décisive en 10 matches de Ligue 1, le meneur de jeu ou deuxième attaquant des Gones s'est imposé comme un incontournable ou presque dans la capitale des Gaules. De quoi susciter l'intérêt de sélections nationales, puisque le numéro 18 rhodanien dispose de la double nationalité franco-algérienne. Convoité par les Fennecs, l'ancien joueur de l'AS Saint-Priest a récemment honoré sa première convocation en équipe de France Espoirs : « Je vis le moment présent. Je suis international Espoirs français pour l’instant, même si là je n’ai pas été sélectionné. J’essaie de ne pas trop y penser. C’est sûr que j’aurais aimé être appelé, mais ce sont les choix du sélectionneur Mankowski. Je les respecte, il n’y a pas de problèmes ».

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Refusant donc pour l'heure de faire un choix définitif, Fekir préfère temporiser. Logique, tant le choix de la sélection fait office de dilemme pour nos amis footballeurs. Un autre joueur né dans l'Hexagone doit lui aussi faire face à cette grande question, en la personne de Kalidou Koulibaly. Le défenseur central transféré cet été à Naples est d'origine sénégalaise, et a lui aussi l'occasion de choisir entre les deux nations : « Beaucoup me parlent de la sélection nationale. J'ai 23 ans, il ne faut pas que je me presse. La sélection viendra quand ça viendra, ce n'est pas un objectif immédiat. J'espère que ça arrivera un jour, mais je ne m'en fais pas pour le moment. Je suis serein, je sais que j'ai du chemin à faire pour devenir un bon joueur international ».

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Et de poursuivre : « Je n'ai pas encore choisi pour qui je voulais jouer (France ou Sénégal), on verra. J'ai eu des approches, mais je n'ai rien décidé. Je préfère mettre ça entre parenthèses. J'en parlerai le moment venu auprès de ma famille, mes amis, ma copine. Je ferai mon choix aussi par rapport à mes proches », nous confie l'intéressé. Un joueur qui, d'ailleurs, est suivi de très près par le sélectionneur national Didier Deschamps : « Il est performant. Je regarde beaucoup de joueurs. On fait en sorte de suivre tout le monde. Je préfère analyser sur 3-4-5 matches pour avoir le degré de forme de chaque joueur », a indiqué le coach au sujet du Napolitain.

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Décider de sa sélection nationale, un choix cornélien

D'autres ont carrément vu les sélections concernées tenter de leur forcer la main, à l'image de Thomas Touré. Avec 1 but et 1 passe décisive en L1, l'attaquant de 20 ans est l'une des belles surprises des Girondins de Bordeaux. Franco-ivoirien, le natif de Grasse a ainsi vu Hervé Renard le convoquer pour les matches de qualification à la CAN disputés récemment. Une sélection qu'il a finalement préféré décliner, ne voulant pas se prononcer trop tôt quant à son avenir international : « J'avais un choix à faire, qui n’est toujours pas fait, même si j’ai refusé cette sélection. C’est un choix personnel. Je trouve que ça va un peu trop vite pour moi. Si cela était arrivé, après avoir joué deux ou trois ans en pro, je serais plus à l’aise. (...) J’estime que je ne suis pas prêt à porter le maillot de la Côte d’Ivoire ou de la France », indique-t-il à BBC Afrique, lucide.

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Une décision qui n'a en tout cas pas manqué de créer un vent de polémique, le sélectionneur ivoirien Hervé Renard déclarant à L’Équipe que Touré avait été clairement influencé dans son choix par le coach bordelais Willy Sagnol : « Il m'a dit oui. Je pense que c'est son entraîneur qui lui a dit de dire non. Quand on envoie des papiers pour obtenir un passeport, c'est qu'on est d'accord. Ce revirement ne s'est pas passé tout seul. Le joueur a été mis sous pression par son entraîneur, qui avait peur de le voir partir à la CAN. Il a prêché pour sa paroisse. Et comme le joueur a vingt ans, ce n'est pas évident pour lui ». Des insinuations fortes, pour un Sagnol qui s'était déjà distingué en 2013 en tenant des propos peu flatteurs à l'égard de ceux qui prenaient la voie du pays d'origine : « À la rigueur, bon débarras. On a besoin de joueurs qui ont envie de porter le maillot bleu, qui rêvent de porter le maillot bleu et qui sont excités de porter le maillot bleu. C’est ça qui fait des grandes équipes et ce sont ces grandes équipes qui peuvent faire rêver les gens. (...) Je pars du principe qu’un joueur qui, à un moment donné, choisit une autre sélection que la France, c’est un joueur sur qui on n’aurait jamais pu compter dans les moments difficiles. Il nous aurait lâchés à un moment donné ». Ambiance...

Le sélectionneur national Didier Deschamps est lui bien moins vindicatif que l'ancien coach des Espoirs et se montre plus compréhensif à l'égard des joueurs dans ce cas : « Ce sont eux qui ont la pression par rapport aux autres équipes nationales qui les sollicitent, parfois quotidiennement. C’est arrivé sur certains qui sont avec nous. Cela fait partie de la liberté de choisir. Avant, il n’y a pas si longtemps, il suffisait d’être sélectionné en Espoirs et on n’avait plus le droit de jouer pour un autre pays. Aujourd’hui, il faut des matches officiels. Ce n’est pas un problème, ça laisse la porte ouverte à ces joueurs dans les deux ans qui viennent de pouvoir choisir une autre équipe nationale ».

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Le pays d'origine, un choix du cœur

Loin de ce tumulte, d'autres ont tranché en leur âme et conscience, finissant par accepter de rejoindre, malgré les critiques, leur sélection d'origine. C'est notamment le cas de Ricardo Faty. L'ancien pensionnaire de l'INF Clairefontaine, aujourd'hui au Standard de Liège, a opté en 2011 pour le Sénégal. Une décision sur laquelle il revient : « Ce n'est pas un choix évident, c'est un choix du cœur, émotionnel. En ce qui concerne mon frère (Jacques) et moi, on a choisi la sélection sénégalaise, car on se sentait sénégalais. Chacun a une relation particulière avec son pays d'origine, on a vu des Brahimi et Feghouli (Algérie) ou Aurier (Côte d'Ivoire) qui pouvaient prétendre à l'équipe de France, mais qui ont choisi la sélection d'origine, c'est la preuve que le pays d'origine prend une place importante. C'est un cheminement et il faut le comprendre, le footballeur réfléchit, pense à ses parents. Les origines peuvent être ancrées chez certains plus que chez d'autres. Certains se sentent uniquement Français, d'autres se sentent autant Français que de leur pays d'origine, il faut comprendre leurs choix. On est tiraillés entre deux cultures, et puis c'est un moyen de faire honneur à ses parents ou ses ancêtres. Les gens doivent comprendre ce choix ».

Un appel pas simple à entendre, les joueurs optant pour leur pays de cœur faisant souvent l'objet de polémiques, comme vu ci-dessus. Pourtant, les arguments avancés par certains apparaissent tout à fait louables, comme ceux présentés par Serge Aurier au moment de choisir la Côte d'Ivoire : « J’avais dit que j’avais besoin de temps pour bien réfléchir, pour peser le pour et le contre. J’ai de la famille française, j’ai grandi ici. Ça aurait été un honneur pour moi de jouer pour la France. Mais je pense que la Côte d’Ivoire a plus besoin de moi que la France. J’ai écouté mon cœur et j’ai choisi mon pays d’origine. L’ambiance en Afrique et en Europe n’est pas du tout la même. J’ai vraiment envie de la vivre, en étant patriote. (...) Même si j’avais une partie de ma famille qui voulait que je joue pour l’équipe de France. Encore une fois, c’est un choix mûrement réfléchi et si aujourd’hui j’ai choisi la Côte d’Ivoire, c’est que je pense y avoir plus de confiance et de choses à exprimer qu’avec la France ».

La préférence pour la terre de naissance

Un point de vue que ne partage pas forcément le Toulousain Wissam Ben Yedder. Le natif de Sarcelles alimente ces derniers temps la rubrique mercato, son nom étant associé à plusieurs clubs de renom tels que Tottenham ou le Barça. Grand espoir du TFC, Ben Yedder est surtout courtisé par le pays de ses origines, la Tunisie. Mais à 24 ans, cet ancien pensionnaire des Espoirs (2 capes) a été clair : le seul maillot international qu'il portera sera celui des Bleus. « Ce sera l'équipe de France et rien d'autre. Même si je venais à ne pas être appelé, je continuerais à travailler comme je le fais aujourd'hui, et j'espère qu'un jour ce sera mon moment. J'attendrai que ce soit mon moment ». Les Aigles de Carthage décidément peu vernis puisque le deuxième frère de la fratrie Khedira, Rani, a emboîté le pas de son aîné du Real Madrid en déclinant poliment la sélection tunisienne. Né à Stuttgart, le milieu de terrain du Red Bull Leipzig âgé de 20 ans ne pense qu'à une chose : revêtir la tunique de la Nationalmannschaft comme son frère. Sélectionné dans les équipes U15, U16, U17 et U19 allemandes jusqu'en 2013, Khedira espère un jour intégrer les A.

Privilégier un pays de naissance qui offre davantage de perspectives sur la scène internationale, un choix qu'a également fait un certain Munir El Haddadi. À 19 ans, le prodige du FC Barcelone a tranché : il a dit non au Maroc et oui à la Roja. Une décision qui a énormément fait jaser de l'autre côté de la Méditerranée, mais qui n'est pas forcément une surprise puisque le Blaugrana a disputé l'été dernier l'Euro U19 avec l'Espagne. Pour expliquer la décision de son fils, papa El Haddadi a simplement indiqué que c'est « le premier des deux pays qui a appelé qui a été choisi ». Une justification qui est loin de faire l'unanimité au Maroc. De son côté, le principal intéressé a tenté de calmer tout ce beau monde en tweetant qu'il avait choisi la Roja sans oublier pour autant ses origines : « Je me sens très honoré de porter le maillot de la Roja, sans pour autant oublier mes racines. Merci à la sélection espagnole ».

Lui non plus n'a jamais côtoyé les sélections marocaines, et lui non plus ne jouera jamais pour les lions de l'Atlas. À 24 ans, le milieu de terrain du Bayer Leverkusen Karim Bellarabi avait opté, à l'instar de Rani Khedira, pour la Nationalmannschaft. Un choix qui s'est avéré payant pour le natif de Berlin qui compte désormais deux capes : « C’est un grand honneur pour moi. C’est un rêve qui devient réalité ». Et qui a surtout ravi le sélectionneur Joachim Löw : « Karim a réalisé de fantastiques performances, il mérite d’avoir cette opportunité. Il est incroyablement fort en un contre un et il représente une excellente alternative dans notre campagne de qualification ». Vous l'aurez compris : ce dilemme de la double nationalité est plus que jamais compliqué pour des joueurs qui savent que leur décision sera attendue et commentée en large et en travers. Aux raisons sportives ou sentimentales s'ajoutent en effet désormais une pression populaire et des commentaires nourris. Difficile dans ces conditions de faire le bon choix. Une décision qui peut également devenir une problématique pour certaines nations comme la France. Autorisés à changer de pays tant qu'ils ne disputent pas de matches officiels, les binationaux ne peuvent être bloqués par les nations. Si on prend le cas Fékir, il faudra donc patienter jusqu'à l'Euro 2016 et une éventuelle convocation pour être assuré qu'il ne filera pas dans le camp algérien.

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