Mercato, Athletic : personne ne veut entendre parler d’un changement de politique !

Par Max Franco Sanchez
6 min.
Athletic Bilbao @Maxppp

Alors que l'Athletic a battu son voisin de la Real Sociedad (2-0) le week-end dernier, les différences de philosophie des deux équipes ont encore fait parler en Espagne. L'occasion de se pencher en profondeur sur celle du club de Bilbao.

S'il y a un club qui est la plupart du temps éloigné des rumeurs transfert lors des marchés, c'est bien l'Athletic. Et pour cause, la politique mercato du club est plutôt stricte. Contrairement à la croyance populaire, elle ne se limite pas forcément qu'au recrutement de joueurs basques. Premièrement, car le simple fait d'avoir un ancêtre proche basque (un père par exemple) permet au joueur de défendre les couleurs du club, même s'ils ont grandi à des milliers de kilomètres de là. Les étrangers ayant vécu au Pays Basque, comme le roumain Cristian Ganea, sont aussi éligibles. Les joueurs de la communauté de Navarre - qui est une région différente du Pays Basque administrativement parlant bien que les Basques se l'approprient culturellement - peuvent aussi enfiler la tunique rouge et blanche. Le fait d'avoir été formé dans un club de la région ouvre aussi les portes de l'Athletic à un joueur non Basque. Il convient également de préciser que les critères de recrutement du club ne prennent à aucun moment en compte l'ethnie ou la religion des joueurs.

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« De la façon dont elle est écrite, la politique de l’Athletic permet à un Congolais ou à un Japonais, arrivé en Pays Basque à l’âge de 7 ans et ayant suivi une formation dans un club local, de jouer à l’Athletic. [...] Ici, le Pays Basque est au centre de tout. Iñaki Williams est né à Bilbao de parents africains et il affirme haut et fort son sentiment basque. Les seules personnes ayant eu un problème avec le fait qu’un joueur de couleur porte le maillot de l’Athletic sont les détracteurs de ce même club », précise Jérémy Lequatre-Garat, supporter et gestionnaire du compte fan français du club basque. Des mesures moins restrictives qu'il n'y paraît, mais qui laissent tout de même une marge de manœuvre très limitée. En contrepartie, les caisses du club sont remplies et la situation financière des pensionnaires de San Mamés est exceptionnelles, eux qui ont un stade flambant neuf et un centre d'entraînement de très haut niveau. Ce qui leur permet donc, quand des opportunités se présentent, de sortir le chéquier, mais aussi de s'assurer de pouvoir conserver les meilleurs éléments de leur centre de formation, à l'image d'Iñaki Williams, qui vient de prolonger. D'autant plus que même sans le côté financier, l'attachement des joueurs formés à Lezama vis à vis de leur club formateur est souvent très fort. Mais est-ce que le fait de ne pas pouvoir recruter des stars d'autres régions espagnols ou d'autres pays pose problème aux supporters ? Clairement pas.

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Les fans ne veulent pas de changement de philosophie

On peut l'affirmer sans sourciller : même si le club avait la possibilité de recruter Lionel Messi, une immense majorité des supporters préférerait rester fidèle à sa philosophie unique, qui fait leur fierté. « Ce n’est pas une blague lorsque l’on dit que 76% des socios préféreraient une relégation plutôt que d’abandonner cette politique. Enfin je ne sais pas si le chiffre est toujours actuel mais je ne serais pas étonné s’il est aujourd’hui supérieur. Cette politique créée un sentiment d’appartenance, une reconnaissance au travers du maillot et il est le même au sein des supporters comme chez les joueurs », explique Jérémy.

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Mais dans des discussions lancées avec les socios - le club étant l'une des quatre formations espagnoles suivant encore ce système - visant à faire du brainstorming et de l'échange d'idées sur les sujets d'actualités liés à l'Athletic, la direction a reçu des textes où certains supporters envisageaient un possible assouplissement, permettant par exemple aux fils de peñistas (membres de groupes de supporters officiels du club) de pouvoir défendre les couleurs du club, même s'ils n'étaient pas basques. Personne ne souhaite changer cette ligne directrice, mais certains estiment donc qu'elles pourraient être un peu plus ouverte vers l'extérieur. C'est ce qui a mené Aitor Elizegi à être élu, en partie, l'hiver dernier en tant que président du club. Mais ses premières actions n'ont pas forcément été bien vues en Biscaye. Ce dernier n'entend évidemment pas changer la politique du club et se mettre à recruter des prodiges brésiliens ou russes, clairement pas. Un transfert l'a tout de même clairement mis en difficulté vis à vis des socios après quelques mois de mandat.

Un transfert polémique cet été... chez les Féminines

« Dans son programme, celui qui allait devenir l’actuel président de l’Athletic avait annoncé vouloir ouvrir les portes de l’Athletic aux descendants de Basques. Autrement dit, à ceux n’ayant pas pris leur premier souffre en terres basques, et n’ayant pas forcément été formé dans l’un des clubs de la région. Et c’est le cas de Bibiane Schulze. C’est donc cela qui fait polémique, et également parmi les électeurs d’Aitor Elizegi, qui ont pourtant voté pour cela. Car cette joueuse, bien qu’elle soit l’arrière-petite-fille de José María Belauste - grand joueur de l’Athletic dans les années 20 - est née en Allemagne, et n’a pas été formée au Pays Basque. La polémique a ainsi débuté à Bilbao, où certains socios préparaient déjà une motion de censure à l’égard du président. Le recrutement s’est quand même fait et elle évolue maintenant dans l’équipe réserve féminine de l’Athletic. Je pense - à tort ou à raison - que si un tel recrutement avait été fait pour l’équipe première masculine - voire féminine également - les choses seraient allées plus loin », nous confie Jérémy.

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Une relation particulière avec la Real Sociedad

« Je ne suis pas là pour distribuer des passeports basques », avait lancé Aitor Elizegi pour se défendre, ce qui n'avait pas manqué de faire réagir. Quoi qu'il en soit, du côté de l'Athletic, on retrouve une vrai fierté, notamment vis à vis du voisin, la Real Sociedad, qui recrute des joueurs d'autres régions espagnoles et de pays étrangers. Le club de Saint-Sébastien réalise d'ailleurs un mercato pour le moins ambitieux, s'étant offert, entre autres, Martin Odegaard, Alexander Isak et Portu. « Si je suis jaloux du mercato de la Real Sociedad ? Nous nous jouons avec des gens de la maison, et c'est ça qu'ils peuvent nous envier », avait lancé un Iñaki Williams légèrement provocateur en conférence de presse avant le derby, avant d'en rajouter une couche sur le terrain en marquant le premier but de la rencontre. De vraies tensions existent entre les deux clubs, notamment parce que si l'Athletic exhibe avec fierté un effectif 100% local, il n'hésite pas à aller piocher à la Real Sociedad, dès le plus jeune âge mais aussi au sein de l'équipe première. A l'hiver 2018, les Rouge et Blanc ont fait sauter la clause d'Iñigo Martínez (32M€), le défenseur central international espagnol et capitaine de la Real Sociedad, pour remplacer Aymeric Laporte.

Beaucoup de fans de la Real voient donc une certaine hypocrisie dans la politique du rival, qui se gargarise d'un effectif "fait maison" mais qui va aussi faire ses courses ailleurs, profitant du fait qu'il peut offrir des salaires sur lesquels des clubs comme Eibar, Osasuna, Alavés ou cette même Real Sociedad ne peuvent s'aligner. « Ce qui énerve particulièrement les fans de la Real Sociedad, comme ceux d’autres clubs locaux, c’est le statut d’équipe représentant le Pays Basque que se donnent de nombreux supporters de l’Athletic. Mais peut-on réellement leur reprocher quand la totalité des joueurs utilisés cette saison sont au Pays Basque ? », ajoute aussi Jérémy. Après la victoire des Leones à San Mamés, les Txuri-Urdines devront prendre leur mal en patience et attendre le match retour pour tenter de remporter ce choc géographique mais aussi idéologique pour la suprématie de cette belle région de football...

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